A l’occasion de différentes sorties médiatiques, Souleymane Ndéné Ndiaye ne cesse de réclamer son amitié avec Macky Sall, un ancien voisin avec qui il a partagé une chambre à l’université. L’on commençait alors à douter de ses intentions. Mais l’ami se veut formel : il n’est pas question de rejoindre la majorité présidentielle. «J’ai dit et répété qu’il n’arrivera jamais, je dis bien, jamais, que je rejoigne le Président Macky Sall dans sa formation politique. Ça, c’est exclu. Nous n’avons pas la même vision de la gestion d’un pays et même d’un parti politique. Maintenant entre ces relations politiques que nous n’aurons jamais et les relations tout court que nous avons tissées avant même qu’il ne soit Président, il y a un grand fossé», déclarait-il dans une interview.
On croyait alors le fossé assez grand pour séparer politiquement les deux copains. A jamais ! Mais c’était sans compter avec les sirènes du pouvoir. Il a fallu que le chef de l’Etat profite de la séance de présentation de condoléances à Samuel Sarr pour inviter ses camarades du Pds à le rejoindre, en citant nommément Souleymane Ndéné Ndiaye, pour que l’abîme qui séparait les deux hommes soit subitement surplombé d’un pont de liaison. Ndéné est maintenant avec Macky Sall. Il a donc désormais «la même vision de la gestion d’un pays» que lui. Mais l’ancien patron du gouvernement n’est certainement pas au bout de sa logique. Bien qu’ayant franchi le pas, il se veut clair. Il travaille avec le Président, pas avec son parti. «J’ai dit que je n’achèterai jamais la carte de l’APR», tranche-t-il.
Pourtant dans la même interview, quand on lui demande s’il peut assurer que sa formation politique ne sera pas dissoute dans le parti au pouvoir, l’homme devient plus nuancé. «Je ne peux pas présager de ce qui va advenir demain. Ce que je sais c’est que l’UNP a pour ambition de conquérir le pouvoir et de l’exercer demain», relativise-t-il.
«Le 27 mars est un jour important dans l’histoire de la région de Fatick. Il marque en effet le retour aux côtés du Président Macky Sall de dignes fils de cette région qui avaient choisi de s’opposer pendant trois ans. Mais, à l’approche des échéances de 2017, avec la pression populaire, ils se sont rendu compte que ç’aurait été une erreur monumentale que de s’opposer à la réélection du Président Macky Sall», se justifie-t-il. Devant les critiques, Sitor réplique : «Tout ce que me permet ma conscience et que me permettent les Fatickois et les militants, je le fais. Je ne suis pas seul. J’assume ma transhumance».
Même si Macky semble en être le théoricien, la transhumance n’a pas démarré avec lui. C’est plutôt Abdoulaye Wade le grand artisan de cette pratique peu orthodoxe. Au lendemain de la première alternance, marquant la chute du régime socialiste après quarante ans d’exercice du pouvoir, Aïda Ndiongue avait juré de ne jamais quitter les Verts au profit des libéraux. «Si jamais je transhume au Parti démocratique sénégalais, que tous ceux qui ont un chiot lui donnent mon nom», avait-elle déclaré, au cours d’un meeting tenu devant chez feu Adja Arame Diène, à la Médina. La suite, on la connaît. Quelques mois seulement après ces gages de fidélité réitérés à Abdou Diouf, l’ex-baronne socialiste a rejoint le camp libéral, prétextant ainsi une volonté de sauver son ex-mentor, feu Landing Sané, de la prison pour malversation dans le cadre de la traque des caciques socialistes initiée par Abdoulaye Wade, dès les premières heures de l’alternance de 2000.
Peu avant le départ d’Aïda Ndiongue du Parti socialiste, sa camarade Aïda Mbodj avait déjà plié bagage. Si sa transhumance a été une des plus spectaculaires dans l’histoire politique du pays, c’est que la dame, du temps d’Abdou Diouf, s’était montrée très virulente envers l’opposant d’alors, Abdoulaye Wade qui, en 2000, terrassera le baobab Diouf. L’ex-présidente du Conseil départemental de Bambey a été un moment l’un des plus grands détracteurs du Secrétaire général du Parti démocratique sénégalais. Elle était même allée jusqu’à comparer le Pape du Sopi à ‘’Fantômas’’. ‘’Abdoulaye Wade ressemble à Fantômas’’, avait-elle l’habitude de déclarer dans les meetings du Ps auxquels elle assistait. Malgré cette virulence à l’encontre du Pape du Sopi, Aïda Mbodji n’a pas, une seule fois, hésité à rejoindre le régime d’Abdoulaye Wade et le Pds quand celui d’Abdou Diouf a été déboulonné. Elle est allée jurer fidélité à Me Wade.
Cependant, Aïda Mbodji ne sera pas seul dans son cas. Avant lui, un autre avait eu des mots très durs à l’encontre de Me Wade. Et pourtant, il avait fini par le rejoindre. En 1987, en perspective de la présidentielle de l’année suivante (1988), le Pr Iba Der Thiam avait initié le mouvement «Abdo nu doy» (c’est en Abdou que nous croyons). A l’occasion du lancement de cette entité, le patron de la défunte CDP-garab-gi s’est défoulé sur Wade. «Le mouvement «Abdo nu doy» ne peut voter pour un candidat à la magistrature suprême, qui après avoir abandonné le Sénégal à ses difficultés pendant neuf mois, consacrés à gagner de l’argent à l’étranger, surgit un certain jour, comme un diable de sa boîte, et déclare au milieu d’un attrait de presse et de gloire, détenir les solutions miraculeuses de tous les maux dont souffrirait notre pays», peste-t-il. Sous le rire moqueur de l’assistance, Der enchaîne : «Le mouvement Abdo nu doy ne peut soutenir un candidat à la pensée incohérente, qui n’a ni suite dans les idées, ni logique dans le raisonnement, et qui présente, selon son humeur, les circonstances et les intérêts du moment, des déclarations dont le paradoxe, les contradictions et l’inconséquence crèvent les yeux de toute évidence». Me Abdoulaye Wade, arrivé au pouvoir en 2000, à la suite de la première alternance démocratique de pays, le professeur Thiam ne s’est fait pas prier pour dissoudre son parti dans le PDS. Et être ainsi sous la direction du Pape du Sopi, l’homme «à la pensée incohérente, qui n’a ni suite dans les idées, ni logique dans le raisonnement».
Si tous les transhumants du pays devaient être primés, Djibo Leyti Ka aurait sûrement décroché la timbale. Le leader de l’Union pour le renouveau démocratique (Urd) a en effet goûté aux délices de tous les régimes qui se sont succédé à la tête du pays. De Senghor à Macky Sall en passant par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. Il serait même parmi les hommes qui ont eu le plus de longévité politique dans le landerneau sénégalais. Sorti des flancs du Ps, «Peul bou raffète», comme on l’a toujours surnommé, a fait, en 2000, un choix que l’histoire retiendra pour toujours. Lorsque le pouvoir de Diouf a été mis en ballotage par le PDS et ses alliés, une large coalition a été formée autour de Wade. Elle est composée de leaders de partis tels que Moustapha Niasse, Abdoulaye Bathily, Amath Dansokho, Landing Savané, etc. Djibo Leyti Ka était censé être de ce regroupement, jusqu’à ce qu’il décide, contre toute attente, de soutenir Abdou Diouf, candidat du parti qu’il a quitté il y a moins de 4 ans et surtout l’homme qu’il avait traité de tous les noms d’oiseau après avoir claqué la porte du Ps. Un mauvais pari qui lui coûtera ainsi l’unité et la cohésion de son parti qui s’est scindé en deux avec une partie des militants qui lui est restée fidèle, et une autre qui a suivi Doudou Sarr dans l’Urd/Fal pour soutenir Wade. Le régime socialiste a été finalement défait. Quant à Djibo, il ne s’est pas pour autant gêné de rallier le régime d’Abdoulaye Wade après quelques mois seulement d’exercice du pouvoir.
Aujourd’hui, le PDS étant victime de la pratique, Oumar Sarr son coordonnateur qualifie les transhumants de «véritables traîtres», de «prostitués politiques». Mais comme les citoyens ne sont pas des demeurés, un internaute lui a rappelé que son parti a «flirté» avec ces prostitués pendant 12 ans, sans qu’il ne s’en offusque.