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L'essentiel


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Sont-ils vraiment fiers de leur victoire ?

TRIBUNE LIBRE
Mercredi 2 Août 2017

Le président-politicien et son clan ont gagné. Quarante-deux départements sur quarante-cinq sont tombés dans leur besace. Partout, ils manifestent bruyamment leur succès. Ce succès est cependant entaché, fortement entaché, tout au long du processus qui a conduit au scrutin du 30 juillet 2017. Il faut d’abord pointer vigoureusement du doigt la décision du président-politicien de faire confectionner des cartes d’identité biométriques, à moins d’un an des élections législatives. 

De nombreux compatriotes ont exprimé alors leur doute quant à la possibilité de faire confectionner six millions de cartes et de les distribuer à temps. Rien n’y fit : son ministre de l’Intérieur prend solennellement et publiquement l’engagement que les cartes seront confectionnées et distribuées avant le 30 juin 2017 On connaît la suite : à cinq ou six jours du scrutin, ce n’est plus possible ; on ne peut pas imprimer plus de 70 % des cartes. 

Le président politicien – toujours lui – décide de saisir ses sept “sages” dont pratiquement tout le monde savait que leur avis-décision irait dans le sens souhaité par celui à qui ils doivent leur nomination et leurs énormes privilèges. Rappelons que, pour leurs seuls salaires cumulés, ils nous coûtent 35 millions de francs CFA par mois. Presque pour rien. 

Tout au moins, pour donner leurs avis-décisions qui vont toujours dans la direction indiquée par le tenant du décret qui nomme. Trois seulement y suffiraient. Le président-politicien demandait qu’il soit donné aux compatriotes qui n’ont pas reçu leurs cartes, de voter sur la base de leurs certificats d’inscription sur les listes électorales, appuyés d’un document d’identification (bien précisé). A la pratique, ils ont été confrontés à d’énormes difficultés et nombre d’entre eux n’ont pas pu voter. 

D’autres, également très nombreux, qui se sont inscrits pour la première fois sur les listes électorales, n’ont pas pu voter, dans leur écrasante majorité, faute de pièces d’identification. C’est donc un premier échec du président-politicien, de son très dévoué ministre de l’intérieur et de tous ses collaborateurs. 

L’échec est plus cuisant encore si on considère que les cartes biométriques ont été confectionnées par des Malaisiens sans visage, sur la base d’un marché de gré à gré de 50 milliards de francs CFA. Les bénéficiaires de substantielles rétro-commissions exceptés, aucun Sénégalais ne croira que tous les 50 milliards ont franchi les frontières

nationales ou, tout au moins, même s’ils les ont franchies, n’ont pas tous atterris en Malaisie. Une bonne partie a sûrement pris la direction des paradis fiscaux.
S’ajoute à notre amertume, la très mauvaise organisation des élections sur laquelle on n’a vraiment pas besoin d’insister. Elle met à nu l’incompétence notoire du très partisan ministre de l’intérieur et de ses collaborateurs. Dans tout pays démocratique qui se respecte, ils seraient tous balayés. Ils n’auraient pas d’ailleurs attendu d’être balayés : ils auraient pris leurs responsabilités et démissionné.

La Commission électorale nationale autonome (CÉNA) et une partie de l’administration territoriale ne sont pas sorties indemnes du chaos électoral du 30 juillet 2017.

Ce scrutin a aussi été gravement entaché par l’achat des consciences. C’était un secret de polichinelle : Macky Sall et son clan ont déversé énormément d’argent sur l’ensemble du territoire national. 

Le président-politicien a utilisé à fond ses “fonds spéciaux”, et pas seulement d’ailleurs. Pendant plusieurs mois, et principalement à quelques encablures du scrutin du 30 juillet, il a débauché sans état d’âme, n’épargnant même pas, en pleine campagne électorale, des investis sur des listes électorales. 

Les honteux débauchages se sont toujours concrétisés par des audiences accordées aux traitres, aux indignes accompagnés de fortes délégations dirigées par les rabatteurs qui les ont “convaincus”. 

On sait comment se terminent ces honteuses audiences qui ont dévoyé la vocation de la présidence de la République.
Le président-politicien ayant montré la voie et donné l’exemple, les responsables de son parti et de sa coalition se sont lancés, eux aussi, dans le détestable achat de conscience. 

Les plus en vue, ce sont incontestablement le Directeur général du Port autonome de Dakar et le Ministre de l’Economie, des Finances et du Plan. Le premier se comporte comme un distributeur automatique de billets de banque. Il utilise souvent les services d’un député – oui, d’un député – pour distribuer des millions sur toute l’étendue du territoire national. Il finance jusqu’à des mobilisations pour réserver des accueils exceptionnels au président-politicien en déplacement dans les pays de la Sous-région. 

Et on trouve, dans son entourage, de vulgaires courtisans qui s’acharnent à nous convaincre que c’est son argent qu’il distribue. Quand a-t-il commencé à en distribuer ? Qui peut citer une seule personne, une seule association ou un seul mouvement à qui il distribuait aussi facilement des millions avant le 2 avril 2012 ? Jusqu’à preuve du contraire, c’est l’argent public, notre argent qu’il distribue, avec la large bénédiction du président-politicien.

Son jumeau, le ministre de l’Economie et des Finances n’est pas en reste, bien loin de là. Il s’est surtout signalé depuis que le président-politicien l’a désigné comme tête de liste des candidats-députés du Département de Dakar, avec pour instruction de “gagner” ou de “périr”. S’il a porté son choix sur ce monsieur, ce n’est point qu’il soit meilleur que les autres, qu’il soit plus vertueux. Il en est très, très loin. 

Nous sommes un petit pays où nous nous connaissons pratiquement tous. Nous rappelons que ce cheval du président-politicien a été Directeur général des Impôts et Domaines pendant plusieurs années. Personnellement, j’ai beaucoup lu sur lui, beaucoup appris, beaucoup entendu. On dit de lui qu’il est immensément riche, peut-être plus que son homologue jusqu’au 25 mars 2012. 

On le rapprocherait d’une certaine communauté dont Dakar-Plateau serait une chasse gardée. On comprend donc pourquoi l’héritier de Wade en a fait son cheval de bataille pour la reconquête de Dakar. On se rappelle que ce dernier disait de nous que «nous avons du mal à nous souvenir de notre dîner de la veille et que nous ne croyons qu’à l’argent et aux honneurs». Ce n’est pas tout à fait faux et l’héritier a bien retenu la leçon du maître et en administre la preuve depuis plusieurs mois. 

Le cheval de bataille a pleinement joué son rôle puisqu’il en a largement les moyens. Il a déversé sur Dakar et principalement sur les Parcelles Assainies beaucoup, beaucoup d’argent, l’argent public. En tout cas, c’est ce qu’on dit dans tout Dakar. Cet argent, notre argent, a été déterminant dans la reconquête de Dakar et dans de nombreuses autres victoires de la mouvance présidentielle.

Ces deux mousquetaires sont d’ailleurs loin d’être seuls dans l’achat des consciences. Il y en a bien d’autres, dans toutes les régions, peut-être plus discrets et qui pèsent sûrement moins lourds.

Les limites que voilà et bien d’autres encore relativisent la victoire du président-politicien et sa bruyante coalition. En particulier, le pourcentage qu’ils auraient obtenu (47 à 48 %) devrait tempérer un peu plus leur ardeur. En cinq ans, Ils auraient donc perdu 17 à 18 points. Ce qui n’est pas rien et devrait les inciter à réfléchir. Mais ils n’en ont cure. Le président-politicien croit fermement à l’efficacité de l’argent et à celle de la politique politicienne. 

Aucune chance donc que les élections catastrophiques du 30 juillet soient objectivement évaluées pour situer correctement les imperfections et les corriger. Ils ne sont pas capables d’introspection et maintiendront probablement le cap de leur très mauvaise pratique gouvernementale. Et ce sera la porte ouverte à tous les abus et nos finances publiques en prendront un sacré coup. 

Les mauvais exemples du président-politicien et de ses deux chevaux de bataille inspireront de nombreux autres gestionnaires de deniers publics qui en useront et en abuseront. Ils seront d’autant plus fondés à le faire qu’ils ne craindront aucun contrôle. Ils savent surtout que, même en cas de contrôle, ceux qui seront épinglés seront pris sous l’aile protectrice de leur mentor. Nombre de leurs camarades ont des dossiers qui dorment au Parquet et à la présidence de la République, Des dossiers bien plus lourds que celui qui maintient le Maire de Dakar en prison.

Mody Niang
 
 

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