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L'essentiel


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Sévir sans laxisme

COUP DE GUEULE
Mardi 9 Janvier 2018

Sévir sans laxisme
Des individus cagoulés, armés jusqu'aux dents, qui abattent froidement treize personnes qui sont parties chercher du bois mort, et en blessent six dont certaines gravement ; tel est le scénario abject qui s'est déroulé ce samedi 6 janvier à Brofaye Baïnouck dans la commune de Boutoupa Camaracounda, à 7 km de Ziguinchor dans la forêt de Babonda. Babonda nous rappelle ce mardi sanglant du 25 juillet 1995 où 23 de nos vaillants soldats tombèrent dans la forêt dense sous les balles rebelles. 

Si certains attribuent les auteurs de cette attaque à des éléments armés supposés appartenir au Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC) parce que les victimes auraient dépassé la zone tampon séparant les positions de l’armée sénégalaise de celles des combattants du MFDC, d’autres parlent de règlement de compte entre villageois.

Règlement de compte entre villageois ou alerte rebelle

En effet, le 12 juin 2016, le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance, à travers la section politique dirigée par Abdou Elinkine Diatta, a interdit l’exploitation et la coupe du bois dans la forêt casamançaise. En conclave à Mangoukourou, les irrédentistes ont adopté des mesures punitives à l'endroit de tout individu qui aurait le toupet de s'adonner à l’exploitation abusive des ressources forestières dans la zone qu'ils contrôlent.

«La forêt de la Casamance est plus que jamais menacée de disparition cette forêt représente pour nous une maternité, une mosquée, une église, un hôpital, une banque de semences, une pharmacie, un centre de formation, un grenier, un trait d’union entre le monde des invisibles et des visibles, un pâturage, bref une vie. C’est la raison pour laquelle, nous n’allons plus laisser les gens l’exploiter abusivement. La disparition de cette forêt traduit la disparition de la Casamance. Nous ne voulons pas être témoins de cette histoire tragique » a martelé l’alors porte-parole (aujourd’hui secrétaire général autoproclamé) du MFDC, Abdou Elinkine Diatta.

En novembre dernier, les habitants de la zone située à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Ziguinchor, furieux de voir leurs forêts pillées, avaient appréhendé et brutalisé des jeunes s’adonnant à la coupe du bois, devenue commerce très lucratif. Le tribunal avait condamné ces habitants qui avaient choisi de rendre justice eux-mêmes. Depuis, ces villageois, se sentant lésés deux fois, auraient déclaré persona non grata tout individu qui serait tenté par la coupe du bois dans leur forêt.

Mais cette tuerie sordide de qui elle émane n’est en réalité que l’œuvre de barbares, de misérables assassins au sens du droit pénal (puisqu'il y a préméditation de l’acte). Et d’une manière directe ou indirecte, on ne peut pas absoudre les combattants du MFDC qui ont installé la Casamance dans une situation de ni guerre ni paix depuis presque quatre décennies et en ont fait une zone de non-droit.

Aujourd’hui, cette situation favorise toutes les exactions parce que les rebelles du MFDC contrôlent des territoires occupés où l’armée nationale n’ose même pas y accéder. Par conséquent, dans notre propre pays, il y a une « no walk zone » où nos militaires n’ont pas le droit de mettre pied. Ainsi, si certains malfaiteurs profitent de ce privilège territorial pour fructifier leurs affaires maffieuses ou contrebandières, d’autres entretiennent, au vu et au su des autorités, des champs de cannabis qu’ils commercialisent dans le pays et les pays voisins.

Mais l’Etat du Sénégal ne doit pas verser dans la lâcheté voire la pusillanimité coupable. Il faut punir les coupables au nom de l’Etat de droit qui garantit une justice équitable à tous les Sénégalais parce que la Casamance est encore et toujours sénégalaise.
Nos militaires doivent faire parler les armes devant ces bandits qui canardent impitoyablement des compatriotes pour des raisons indépendantistes ou environnementalistes. On ne peut pas, au moment où le dialogue et la concertation ont abouti, par l’entregent de Sant'Egidio, à la libération récente de deux éléments de Salif Sadio, au moment où, dans son discours de fin d’année, le Chef suprême des armées a réitéré son appel au dialogue, que des sicaires ôtent sordidement la vie à d’innocents villageois sans défense.

La paix toujours torpillée

Pourtant depuis le début du conflit en 1982, le dialogue a toujours été la principale arme pour ramener la paix dans cette région meurtrie par une guerre irrationnelle. Toutes les idées et ont été émises, toutes les initiatives ont été tentées pour un retour définitif de la paix en Casamance. Mais sont-elles réellement applicables compte tenu de la réalité géopolitique et des enjeux mercantiles qui détonnent avec l’idéal indépendantiste ? L’arme du dialogue a toujours prévalu sous les régimes socialiste et libéral même si l’argent a été distribué à outrance à certains chefs Attika qui ont préféré par la suite ranger les armes et s’occuper d’activités génératrices de revenus. C’est le cas de Kamougué Diatta qui gère le front nord de la rébellion casamançaise. Mais cette corruption n’a fait qu’envenimer le problème puisque cela aiguillonne les autres dans une attitude plus guerrière afin de recevoir leur part du gâteau pécuniaire que les autorités ont l’habitude de donner aux rebelles pour les apprivoiser. Le remède est pire que le mal.

Aujourd’hui, la fragmentation du MFDC en plusieurs factions et la multiplicité des centres décisionnels ne favorise la tenue d’un dialogue où les tous les chefs-rebelles répondront présents. Des va-t-en guerre comme Mamadou Nkruma’h Sané ne veulent pas de cette paix. Après l’invite du président à une paix définitive dans son adresse à la nation le 31 décembre dernier, Mamadou Nkrumah Sané, depuis la France, lancera ces propos incriminants : «Pendant le premier mandat d’Abdoulaye Wade, il n’y avait pas d’affrontement sur le terrain. Le MFDC lui avait laissé le temps pour voir si ses promesses seraient tenues. C’est quand le mouvement a compris qu’il mentait que la situation a dégénéré. Donc l’accalmie constatée sur le terrain doit être analysée avec beaucoup de tact.»

On ne peut pas compter le nombre de rencontres initiées par les deux parties belligérantes (armée régulière et irrédentistes) au Sénégal, en Gambie et en Guinée Bissau depuis le début de l’irrédentisme. Aujourd’hui, les autorités étatiques ont empiré la situation en externalisant le conflit en impliquant la communauté Sant'Egidio de Rome. On ne peut pas compter le nombre de milliards dont a bénéficié la région du Sud depuis le 31 mai 1991 où le premier cessez-le-feu est signé entre le gouvernement et le MFDC à Cacheu. Ces négociations et ces milliards, plutôt que d’éteindre la rébellion, l’ont vivifiée. Ce sont là de grossières erreurs que les régimes socialiste et libéral ont commises durant son règne puisque l’argent leur a servi à trouver un armement lourd et à recruter davantage des mercenaires hors de nos frontières.

Des programmes de développement vains

Aujourd’hui, le premier problème des irrédentistes, c’est qu’ils font parler les armes pas pour espérer une quelconque indépendance mais pour jouir de prébendes à partir de la vente illicite de la drogue. L’idéal maffioso a fini par supplanter le credo indépendantiste. Un Etat ne négocie pas avec des bandits ni avec des illuminés qui remettent en cause l’intégrité du territoire national.

Personne ne peut nier que les différents régimes n’ont injecté de l’argent dans le sud pour éviter toute frustration. Le défunt professeur Assane Seck avait l’habitude de dire qu’après Dakar, Ziguinchor est mieux loti que les autres régions du Sénégal en matière d’infrastructures. Des plans de développement spéciaux ont été conçus pour la Casamance cela n’a pas tempéré les ardeurs des illuminés indépendantistes. On peut en citer le Projet Pôle de Développement de la Casamance au Sénégal (PPDC), le Programme d'Appui au Développement Economique de la Casamance (Padec), l’Agence nationale pour la Relance des Activités économiques et sociales en Casamance (Anrac), l’amnistie fiscale aux opérateurs touristiques, le démarrage de la construction de la transgambienne…

En dépit de tous ces efforts (encore insuffisants si l’on tient compte de la situation géographique de la Casamance) de l’Etat, des égarés continuent, au nom d’un indépendantisme illusoire, de contrôler sans être inquiétés des zones entières en Casamance empêchant toute circulation et toute activité de développement économique.  

Les pourparlers et certaines politiques de développement de l’Etat au Sud ont atteint leur limite et maintenant place à la voix des armes contre les soi-disant rebelles ou malfaiteurs qui les utilisent pour terroriser d’innocentes populations. Appeler à l’apaisement ne relève pas de l’angélisme.

Serigne Saliou Guèye
 

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