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Salif Sadio, un anachronisme (Par Yoro Dia)

TRIBUNE LIBRE
Jeudi 17 Février 2022

 
L’émergence de Ousmane Sonko a rendu complètement anachronique Salif Sadio, son discours et son combat. Sonko est le produit d’un Sénégal post-conflit en Casamance, fondé sur l’idée d’une Nation plurielle mais indivisible, c’est-à-dire un dépassement du modèle islamo-wolof théorisé par Momar Coumba Diop et Mamadou Diouf. Dans notre pays où un Dias remplace une Wardini à la tête de la mairie de la capitale, sans que non seulement cela ne soit pas un débat mais que cela passe complètement inaperçu, le discours fractionniste et identitaire de Salif Sadio est forcément inaudible, parce que fondamentalement anachronique. Discours anachronique à l’intérieur et illégitime à l’extérieur, où le Mfdc n’a jamais réussi à gagner la bataille de l’opinion internationale. Deux facteurs qui font que Salif Sadio ne pouvait que libérer les otages.
L’histoire de la prise d’otages nous apprend une chose très importante : la grande solitude pour ne pas parler de l’isolement de Salif Sadio, parce que de la prise des otages à leur libération, on a peu entendu les autres branches du mouvement, notamment l’aile politique et ceux qui vivent de la rente de la rébellion, planqués à l’extérieur. Ce qui s’est passé en Gambie relève de la violence résiduelle que nous observons dans les longs conflits, quand la guérilla dégénère de mouvement politique en une association criminelle et en banditisme, comme ce fut le cas pour les Farc en Colombie qui a dégénéré de mouvement politique au narco-trafic. Le Mfdc a dégénéré de mouvement politique au trafic de bois, c’est-à-dire de «l’idée de défense de la Casamance» à sa destruction, parce que sans la forêt, il n’y a pas de Casamance. C’est pourquoi le Sénégal, qui a gagné la première guerre de Casamance en réduisant aujourd’hui le Mfdc à sa «plus simple expression», doit aussi gagner la 2e guerre de Casamance, qui consiste à arrêter la coupe et le trafic de bois, qui va entraîner à long terme, la sahelisation de la Casamance.

Le Mfdc qui dégénère dans le trafic de bois comme les Farc dans le narco-trafic ou les jihadistes dans l’industrie de la prise d’otages, cela montre que la lutte est perdue et qu’on passe d’un idéal aux deals. En étant impliqué ou complice du trafic de bois, le Mfdc est en train de détruire l’âme de la Casamance et a ainsi la même attitude que Hitler qui, étant convaincu que la guerre était perdue, voulait entraîner l’Allemagne dans sa chute en la détruisant totalement.

Le Mfdc a perdu la guerre, mais veut détruire l’âme de la Casamance avec le trafic de bois. C’est pourquoi la deuxième guerre de Casamance, celle qui consiste à lutter contre le trafic de bois, est aussi importante que la première. Probablement comme Diamacoune, Salif Sadio ira dans sa tombe avec ses idées devenues anachroniques, et la paix ne pourra se faire qu’avec ses successeurs qui ne voudront pas continuer une cause ou une lutte qui, pendant plus de quarante ans, n’a rien donné.

Quand le général Lee, chef des Armées confédérées, a vu que la guerre de sécession était perdue, il a préféré capituler de façon chevaleresque pour sauver ce qui pouvait l’être dans le Sud des Etats-Unis d’Amérique. Salif Sadio devrait s’en inspirer parce que sa guerre est perdue non seulement militairement mais pire encore, politiquement aussi, car la Casamance a tourné la page de la guerre et le dernier coup d’éclat de Salif Sadio ne vise qu’à rappeler qu’il existe. Malheureusement pour lui, la Casamance a choisi d’autres références, d’autres héros, qui sont Aliou Cissé et Sadio Mané. Si Salif Sadio veut encore être utile à la Casamance, il est temps pour lui de signer la paix des braves et d’entamer une guerre du reboisement avec l’Armée. Les pépinières à la place des armes, ce serait la meilleure preuve d’amour pour la Casamance, au nom de laquelle il dit se battre depuis plus de 40 ans.
 

Yoro DIA

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