Des propos comminatoires qui montrent sans circonlocution que le chef de l’Etat est prêt à en découdre avec ses opposants qui lui ont promis la révolte si jamais il essayait de faire passer unilatéralement son projet de loi sur le parrainage. Une telle déclaration violente est un casus belli en cette veille de vote du projet de loi très controversé sur le parrainage. Aujourd’hui, obnubilé voire traumatisé parla perte du pouvoir à la prochaine présidentielle nonobstant ses réalisations, le président Sall reste inflexible dans sa position sur le parrainage. En effet, un discours menaçant à la place de solutions consensuelles est loin d’être digne d’un président de la République qui doit prendre de la hauteur et transcender certaines querelles de clochers. Des querelles qui ne font que creuser davantage ce fossé qui sépare pouvoir et opposition depuis 2012. N’est-il pas paradoxal, en effet, qu’un chef d’Etat qui appelle à une concertation sur une question qui concerne la stabilité du pays, manifeste en même temps sa colère et verse dans la surenchère des menaces ?
Si son appel était sincère, quels que soient les mots des opposants, il aurait joué la carte de l’apaisement et du dépassement. Le comportement citoyen qui mène toujours vers un gentlemen’s agreement avec ses opposants est fortement arrimé à une culture de dialogue. Ce que Macky Sall n’a pas malheureusement. Au contraire, les menaces montrent qu’il n’a jamais été dans les intentions du président et de sa tribu de laudateurs d’amorcer un dialogue sincère et inclusif avec les leaders de l’opposition sur l’épineuse question du parrainage des candidatures aux élections présidentielle, législatives et locales. Dans l’entourage du président de l’APR, des faucons roublards concoctent, en réalité, des plans funestes partisans qui n’ont rien à voir avec les intérêts du pays. La seule chose qui leur importe, c’est d’étudier des stratégies et manœuvres pour faire triompher vaille que vaille leur champion à l’élection de 2019.
Tout le monde sait que le président Macky Sall est aveuglé par sa volonté de passer sans anicroche au premier tour de la présidentielle. Le projet de loi sur le parrainage, tel qu’il est présenté, avait été élaboré avant même la tenue du simulacre de dialogue où sa valetaille faisait semblant de le proposer et de le défendre en contrepartie de l’exigence des opposants non-alignés de voir adopté le bulletin unique en lieu et place des bulletins multiples utilisés jusqu’à ce jour. Pour abuser le peuple, un pôle de communicants dont la mission est de descendre sur le terrain et d’expliquer trompeusement le but du parrainage est mis en place par le chef de l’APR. Ce qui veut donc dire que la décision présidentielle sur le parrainage est irréversible même s’il fait un semblant d’ouverture pour des amendements. Lui et son camp reprochent à l’opposition de ne pas fournir des contre-propositions alternatives. Pourtant, l’opposition a bien fait une proposition qui est le rejet pur et simple de cette loi inique et insidieuse qu’on veut imposer dans les règles qui régissent le jeu électoral.
Le président Abdoulaye Wade, en son temps, n’hésitait pas à provoquer ses opposants qu’il qualifiait régulièrement de « peureux » n’osant pas l’affronter surtout quand ceux-là s’étaient organisés dans les assises nationales pour combattre son régime. Quand il a voulu imposer son projet de loi relatif à la dévolution monarchique du pouvoir, le peuple a sonné la révolte du 23 juin 201qui a fini par faire abdiquer le prince. Macky Sall, qui été un des acteurs-clé du 23 juin, a oublié les leçons de ce jour indélébile dans l’histoire politique du Sénégal.
Plus qu’un président, Macky Sall, tel Louis XIV se comporte comme un monarque doté de pouvoirs absolutistes en déclarant rigidement «c’estmoi qui décide». Sauf que Louis XIV était un monarque éclairé... De plus en plus on sent dans le discours et le comportement présidentiels l’orgueil, l’égoïsme, l’égocentrisme, le culte hypertrophique du moi, la volonté tenace de domination de l'autre. En République, le moi est haïssable parce que c’est une Chose publique partageable entre tous les citoyens. L’absolutisme développe l’égoïsme et refoule l’esprit public. Lorsque l’État est entre les mains d’un seul homme qui en dispose à son gré et ne laisse à ses concitoyens d’autre rôle que celui d’obtempérer ou d’acquiescer à ses desiderata, la nation est en péril car les opposants déterminés à ce Chef et la société civile équidistante s’opposeront toujours et violemment à ses projets politiques faussant l’esprit consensualiste qui fonde les règles du jeu électoral.
C’est pourquoi, l’esprit de consensus doit toujours prévaloir en démocratie en faisant abstraction des intérêts égotistes ou crypto-partisans. Cela est fondamental pour la stabilité et l’équilibre durables du pays. En République, ce sont les contradictions qui nourrissent l’essence de la démocratie et font le lit des plages consensuelles devant aboutir à des réformes acceptées par l’ensemble ou la plupart des acteurs politiques. Sans cet esprit républicain, les plus solides remparts répressifs n’arrêteront pas la détermination des citoyens décidés à faire respecter les règles du jeu démocratique par tous les moyens possibles y compris ceux de la violence.
Serigne Saliou Guèye