C’est cela Wade : clignoter à droite et virer à gauche. S’il avait voulu bien communiquer, il aurait dû commencer par répondre à cette invitation de rapprochement dont le porte-étendard est aujourd’hui le Khalife général des mouride, via son porte-parole Serigne Bass Abdou Khadre. Mais dans le style du patron du Sopi, il y a toujours cette manie à faire braquer les projecteurs là où il veut. Il sait que cette question pourrait être gênante, alors il a trouvé une façon magistrale de la contourner, s’offrir le bon rôle en s’inscrivant dans la dynamique du «Zorro» venu sauver les Sénégalais. Il a parlé de taux d’endettement trop élevé ; il a sans doute raison. Mais, il sait que ce n’est pas l’urgence de l’heure.
Wade sait très bien à qui il s’adresse : il s’agit de l’électorat mouride dont une majorité lui est acquise presque d’office. Alors, il a tout intérêt à donner l’impression à ne se préoccuper que de leurs préoccupations. Mieux, il s’adonne à un jeu de politique-fiction en disant que s’il avait été réélu, il aurait mieux fait pour Touba. Une façon de fidéliser davantage son électorat lequel lui a permis, le temps des préparatifs du Magal, de s’adonner à un bain de foule que l’on aurait difficilement permis à un autre homme politique dans un contexte religieux pareil.
Wade a presque blasphémé en posant ainsi un acte politique fort alors que ce qui préoccupe actuellement, c’est Serigne Touba. Un autre à sa place aurait récolté des critiques très acerbes. Et je doute fort qu’un autre l’aurait osé.
Wade veut faire monter les enchères
Alors fort de tout cela, Wade fait monter les enchères. Il a voulu montrer à Macky toute sa capacité de nuisance. Ce faisant, il sait que le Président de la République pourrait plus facilement accéder à ses requêtes.
Il a ainsi mis tous les atouts de son côté. Il constitue aux yeux de Touba et des Sénégalais comme l’opposant qui se préoccupe de leurs problèmes, celui qui aurait dû continuer à gérer le pays, et aux yeux du régime comme l’adversaire dangereux qu’il faut ménager.
Or, nous ssavons tous que Wade est dans une logique de négociation. Le choix porté sur Me Madické Niang comme le désormais numéro 2 du parti, un homme de mesure et de consensus, en dit long sur le fait qu’il a mis beaucoup d’eau dans son bissap.
Des déclarations de Wade sont, pour nous, des pétitions de principe. Comme pour «Y’en a marre», quelque chose est en train de changer.
Des changements sont apportés à la tête du parti et peut-être dans son fonctionnement. Le terrain est balisé pour de nouvelles donnes qui seront connues dans les prochaines semaines.
Macky est trop habitué à ces hommes politiques qui lui parlent «correctement» en privé et qui, subitement, deviennent très acerbes en public. Ils sont très nombreux dans le landerneau politique actuel.
Le fait de dire que «Macky a voulu l’humilier…», montre qu’il est largement avantagé dans les résultats de ce qui apparait comme des négociations.
Malheureusement, pour le jeu politique actuel, cette donne rend très confus les rapports de forces politiques. Nous avons de faux opposants et de faux alliés.
Autant des personnalités de la trempe d’Abdoul Mbaye, de Thierno Alassane Sall et de bien d’autres ont quitté le «Macky», autant des membres de l’opposition qui semble la plus radicale n’hésitent pas à entrer directement ou indirectement en contact avec le chef de fil de la majorité.
Conséquence, il est difficile de savoir qui est qui et cela peut jouer sur les résultats des prochaines élections, étant entendu que beaucoup d’hommes politiques portent des masques.
Pour le cas de Wade par exemple, il est très difficile de le catégoriser, même si par ailleurs, tout indique qu’il est dans l’opposition où il apparait de plus en plus comme chef de file.
Assane Samb