Son audace ne nous intéresse pas. Même s’il assure que «cette île, plus que tout endroit au monde, appartient à l'humanité», il n’est pas pertinent de symboliser ou de saluer une «Europe esclavagiste» déjà omniprésente à Gorée par des stigmates remarquables, des blessures infligées aux Africains et des humiliations de toutes sortes.
On peut pardonner mais on ne saurait décorer des bourreaux, en érigeant des places à leur honneur, en continuant de protéger et de contempler avec fierté des statues. Car, comme l’écrit Aimé Césaire dans son «Cahier d'un retour au pays natal », «l'Europe nous a pendant des siècles gavés de mensonges et gonflés de pestilence». Aujourd’hui encore, le «Discours sur le Colonialisme» est d’une actualité cruelle : L’équation est implacable : colonisation = chosification.
Nous voilà obligés de revenir sur un passé douloureux.
Entre colonisateur et colonisé, écrit Césaire, il n'y a de place que pour la corvée, l'intimidation, la pression, la police, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies. Aucun contact humain, mais des rapports de domination et de soumission qui transforment l'homme colonisateur en pion, en adjudant, en garde-chiourme, en chicote et l'homme indigène en instrument de production.
La «Place de l’Europe» à Gorée, rappelle l’horreur et remue le couteau dans une plaie qui peine à se cicatriser.
Mame Ngor Ngom, Journaliste