L’ancien ministre des Forces armées, Omar Youm, critique ouvertement le choix du gouvernement d’opter pour une loi interprétative de l’amnistie plutôt qu’une abrogation totale, comme promis auparavant. Dans un échange tendu avec le ministre de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, Birame Souleye Diop, il soulève des incohérences et accuse le pouvoir en place de pratiquer une justice sélective.
Une volte-face sur la loi d’amnistie ?
Selon Omar Youm, ceux qui prônent aujourd’hui une loi interprétative avaient eux-mêmes sollicité, sous la présidence de Macky Sall, l’adoption de la loi d’amnistie, contrairement à leurs affirmations actuelles. Il interroge donc le ministre sur ce qui a changé entre-temps :« Pourquoi cette justice sélective? Vous savez que je sais qui a demandé, après s’être aplati devant Macky Sall, la loi d’amnistie et bien d’autres faveurs… »L’ancien ministre insiste sur le fait que le gouvernement dispose des moyens d’abroger la loi mais choisit de la modifier au lieu de la supprimer, trahissant ainsi ses engagements.
Un “toilettage funeste” et une loi partiale
Pour Omar Youm, la loi interprétative est une manœuvre visant à modifier l’esprit de la loi d’amnistie en la vidant de son principe d’impartialité. Il dénonce une tentative de tri sélectif parmi les bénéficiaires :« La loi d’amnistie est-elle devenue subitement une bonne loi ? Pourquoi ce toilettage funeste qui rompt avec son caractère impersonnel ? »Il accuse le gouvernement de vouloir protéger uniquement son camp en empêchant certaines poursuites tout en excluant d’autres acteurs de l’amnistie.
Des réparations pour les “casseurs” des manifestations ?
Une des préoccupations majeures soulevées concerne la mention d’un droit à réparation dans la proposition de loi. Omar Youm y voit une volonté d’indemniser des individus responsables d’exactions lors des manifestations de 2021 à 2024, ce qu’il juge illégitime et scandaleux.« Peut-on être à la fois auteur de faits délictuels et obtenir une réparation pour ces mêmes faits ? Vous ne nous dites pas par quelle alchimie cela est possible ! »Il dénonce ce qu’il considère comme une tentative de légitimer une indemnisation arbitraire, contraire aux principes du droit sénégalais.
Un précédent dangereux pour l’État de droit
Enfin, Omar Youm met en garde contre les conséquences d’une telle démarche, qu’il juge purement politicienne et dangereuse pour l’équilibre juridique du pays :« Nous vivons dans un État organisé, régi par des textes de loi que vous devez apprendre à respecter. »Pendant ce temps, le député Guy Marius Sagna, membre du Pastef, soutient la proposition de loi portée par Amadou Bâ et a déposé des amendements. La commission technique examinera la question le 21 mars, avant un vote en plénière prévu le 2 avril.
Le débat autour de cette loi interprétative promet d’être houleux, opposant un camp dénonçant une loi sur-mesure à un gouvernement cherchant une issue juridique aux tensions politiques récentes.