«Par divers canaux, il m’a été fait savoir que si je voulais que cette procédure cesse, il faut d’abord que je cesse mon ambition politique et mes tournées politiques» a-t-il déclaré en conférence de presse. Il faut dire que Khalifa Sall anime un courant du Parti socialiste qui s’oppose à la constitution d’une liste commune avec l’Alliance pour la République (APR), le parti présidentiel, dans le cadre de la coalition gouvernementale Benno Bokk Yakaar pour les élections législatives du 30 juillet 2017. Il a même annoncé qu’il conduira une liste autonome dissidente du Parti socialiste à cette échéance.
Le procureur de la République Serigne Bassirou Guèye insiste quant à lui sur une procédure judiciaire régulière enclenchée à la suite d’un rapport de l’Inspection générale d’État sur la gestion de la «caisse d’avance de la mairie de Dakar».
«Ce qui s’est passé dans l’affaire de la caisse d’avance de la mairie de Dakar est très simple. L’Inspection générale d’État (Ige) dans son rapport N° 12-2016 du 24 Mars 2016 m’a saisi pour me demander dans sa recommandation N°1, l’ouverture d’une information pour élucider la manière dont les fonds ont été gérés dans la mairie de Dakar. Il s’agit là, de la caisse d’avance. Cette inspection a relevé un montant de 1,800 milliards qui ont été dépensés sans aucune forme de justification. Devant cette recommandation, je ne pouvais que saisir l’enquêteur pour tirer au clair cette affaire. Alors, la Division des investigations criminelles (Dic) a été saisie et a commencé à mener son enquête…»
Qui croire ? Que croire ? Soyons honnêtes : la «caisse d’avance» de la mairie de Dakar n’a certainement pas toujours été gérée conformément aux règles de la comptabilité publique et n’a pas totalement servi au développement de Dakar. En fait la mairie de Dakar comme toutes les structures administratives et de gouvernement du Sénégal est dotée de structures et de méthodes de gestion conçues précisément pour permettre les détournements de fonds afin d’alimenter la corruption.
Dans une étude portant sur la municipalité de Dakar de la période coloniale au mandat de Mamadou Diop à la mairie de Dakar, Momar Coumba Diop et Mamadou Diop soulignent que la gestion des communes du Sénégal, en particulier de Dakar, a toujours été caractérisée par la corruption et la mauvaise gestion.
Ils citent de nombreuses analyses et études pour étayer cette affirmation. De Jean Collin, André Sonko, Amadou Clédor Sall et Mamadou Diop notamment. Ils indiquent aussi ceci : la corruption et la mauvaise gestion des communes s’est toujours fait avec «la complicité indiscutable du pouvoir central». Ceci, ajoutent-ils, parce ce que «la corruption et la mauvaise gestion participent d’un processus d’adaptation lié à la survie des équipes dirigeantes dont les maires constituent un des segments…»
Autrement dit, les «caisses noires», «caisses d’avance» et autres «dotations spéciales» qui existent à tous les niveaux de l’administration et du gouvernement servent délibérément à alimenter la corruption afin d’assurer la pérennité du régime en place.
A quoi pensez-vous qu’elle sert cette fameuse «Caisse Noire» dont on dit qu’elle a été portée à 60 milliards par le président Abdoulaye Wade et conservée à ce montant par le président Macky Sall ? A s’assurer d’abord des allégeances bien sûr ! Celle des marabouts, grands et petits, des «grands griots», des journalistes, de diverses complicités d’ici et d’ailleurs…
Mais il n’y a pas que la «caisse noire» du président de la République, il y a aussi la petite cagnotte du président de la l’Assemblée nationale qui serait de 60 millions FCFA par mois. Le Premier ministre, la présidence du Conseil économique social et environnemental, celle du Haut Conseil des Collectivités Territoriales ou celle du Haut conseil pour le dialogue social ne sont certainement pas en reste.
Il se dit même que les Groupes parlementaires disposent à présent d’une «dotation» mensuelle. On comprend dès lors pourquoi l’interpellation de monsieur Khalifa Sall nous parait relever plus du «règlement politique» que d’une action judiciaire au service d’une gestion financière vertueuse.
Si ce régime s’était tout à coup mué en parangon de la bonne gouvernance, comment se fait-il qu’il ait «blanchi et recyclé» tous ces gens, d’Ousmane Ngom à Awa Ndiaye, ces directeurs d’agences nationales et de services publics, dont les malversations ont été documentées par l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP), la Cour des comptes, l’Inspection générale d’État (IGE) ou l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) ?
D’autant que comme par hasard les principaux soutiens, alliés et collaborateurs de Khalifa Sall au sein du Parti socialiste ont eu maille avec la justice au cours de ces derniers mois. Bamba Fall, le maire de la Médina, qui est considéré généralement comme le principal animateur de la «dissidence Khalifa Sall» est en prison depuis le mois dernier pour «tentative d’assassinat, violences et voie de faits, destruction de biens appartenant à autrui, injures publiques et menaces de mort».
Ces faits se seraient produits à la suite d’une rixe entre les partisans de Khalifa Sall et ceux du Secrétaire général du parti, Ousmane Tanor Dieng. Barthélemy Dias, autre allié de Khalifa Sall au sein du Parti socialiste, s’est vu quant à lui, son immunité parlementaire levée, condamné pour meurtre, dans une affaire survenue en 2011, à la suite de laquelle il avait pourtant été libéré en mai 2012 à l’avènement du Président Macky Sall après quelques mois d’incarcération.
Il est vrai qu’entretemps Monsieur Dias après avoir été élu député et maire dans le cadre de la coalition Bennoo Bokk Yaakaar, s’est ligué avec Khalifa Sall, pour mettre sur pied la coalition Takhawu Dakar qui face à la coalition du Président remportera la plupart des communes de Dakar lors des élections les élections locales de 2014.
C’est assurément une Nuit des Longs Couteaux qui se prépare. Tous ceux, alliés du jour comme vieux frères libéraux, qui menacent la réélection triomphale du Pape de l’Emergence devront être réduits au silence ! Assurément ni la République ni la démocratie de notre pays ne sortiront grandi de cette épreuve.
Il faut même craindre que la paix sociale ne soit menacée puisque des «forces maraboutiques» dont on se souvient encore de la capacité de nuisance se sont d’ores et déjà invités dans l’arène.