Ainsi, pour ce dernier, la personne du magistrat ayant en charge le dossier semble peu importante. L’essentiel, selon lui, est dans les actes qui seront posés, au fur et à mesure de ce procès tant suivi par l’opinion publique nationale et internationale. Et sur ce plan, le président Lamotte aura rassuré son monde, lors de son entrée en matière tonitruante. Du moins, si l’on en croit les différents témoignages. Maitre Serigne Amadou Mbengue n’est pas commis dans cette affaire. Mais il a tenu à marquer de sa présence le début de ce procès historique. Il dit : ‘’Il (le juge Lamotte) a vraiment assuré. Dans ce genre de procès, il y a parfois trop de passion. Mais lui a su faire face avec beaucoup de sérénité. Je pense que cela l’a grandi.’’ Pour preuve, la robe noire évoque la décision du juge de renvoyer l’audience pour trois semaines. Malgré la ‘’farouche’’ opposition du tout puissant procureur Serigne Bassirou Guèye, le patron du parquet du tribunal de grande instance de Dakar.
Maitre Mbengue précise : ‘’Il a vraiment démontré, une fois de plus, tout le bien que l’on pensait de lui. Il a bien écouté les arguments des différentes parties, avant de prendre sa décision qui, pour moi, s’imposait. Aurait-il agi autrement en refusant le renvoi qu’il serait passé à côté. Je pense que son attitude va rassurer davantage la défense qui a besoin d’un juge impartial pour faire valoir ses arguments. Je le connais suffisamment crédible pour remplir cette mission.’’ Un juge calme, mais rigoureux Malick Lamotte, malgré le tumulte et l’affluence qui régnaient dans le temple de Thémis et environs, ce 3 janvier 2018, est resté zen, du début à la fin.
Très conciliant dans l’ensemble, il a aussi fait usage d’une grande rigueur pour faire régner la discipline dans la salle. Demandez à cette dame, présentée comme ex-épouse du maire de Dakar. Pour perturbation à l’audience, elle a tout bonnement été exclue de la salle. Rappelant sans cesse qu’il tenait à la sérénité des débats, le frère de Louis Lamotte n’a pas manqué de taper sur la table quand il le fallait. Morceaux choisis : aux avocats de la défense qui s’en prenaient au procureur, il dit : ‘’Je suis clair. Je veux la sérénité et je serai extrêmement ferme. Si le procureur est là, l’échange doit porter sur le droit. Ce n’est pas une occasion pour insulter.’’
Ainsi, rappelait-il à l’ordre Me Ousseynou Fall qui s’en prenait au parquetier en chef. Ou encore, quand il peste à l’endroit du public. ‘’Nous ne continuerons pas à accepter les acclamations et autres signes d’approbation ou d’improbation. C’est la dernière fois que j’avertis’’, lançait-il encore aux partisans de Khalifa Sall. Juge d’expérience, Malick Lamotte était tout simplement dans son élément. Alliant compétence et rigueur, il a su mener de main de maitre cet acte 2 de l’affaire de la caisse d’avance de la mairie de la capitale. Nommé président du tribunal régional hors classe de Dakar le 16 octobre 2015, le natif de Diourbel aura fait du chemin, avant d’atterrir à cette station très convoitée. Mais, d’après les témoignages que nous avons recueillis, il n’a jamais dépassé la Petite Côte.
Toute sa carrière, il l’a passée entre Dakar, Mbour et Thiès, expliquent nos sources. Sa première nomination est ‘’juge suppléant dans le ressort de la Cour d’appel de Dakar’’. Il a ainsi été affecté comme ‘’juge par intérim au tribunal régional hors classe de Dakar’’. En novembre 1995, il est titularisé comme juge par intérim au tribunal départemental hors classe de Dakar. Très vite, le juge aura tapé dans l’oeil de ses supérieurs par sa ‘’maitrise, mais aussi par sa compétence et sa grande culture’’, renseignent nos interlocuteurs. Il est ainsi, par la suite, bombardé président du tribunal départemental de Mbour. Dans la Petite Côte, le magistrat se fait une belle réputation et gravit lentement les échelons.
Rattrapé par son passé C’est en 2006 qu’il sera promu ‘’juge au tribunal régional de 1re classe de Thiès et affecté en qualité de vice-président par intérim au tribunal régional hors classe de Dakar’’. Le retour de Malick Lamotte dans la capitale ne produira toutefois pas que du bonheur. Très vite, le juge sera mêlé à un véritable scandale de corruption qui a failli éclabousser la magistrature. C’était la même année, en 2006. Malick Lamotte devait connaitre de l’affaire Momar War Seck contre Mohamed Guèye. Le premier nommé, pour échapper à la prison, avait été accusé d’avoir tenté de corrompre des magistrats, dont Malick Lamotte. Dans un Cd qui avait été versé au dossier, une magistrate parlait des 15 millions de francs Cfa qui devaient servir à acheter la conscience des magistrats. ‘
Le rôle de chacun y est clairement expliqué par l'avocate générale Aminata Mbaye et les présumés corrupteurs Rawane Fall et Djiby Ndiaye, avec une clé de répartition des 15 millions de francs Cfa qui devaient servir à acheter la conscience des magistrats pour sauver la tête de Momar War Seck dans le dossier qui l'oppose à Mohamed Guèye. Le dispatching proposé était le suivant : 5 millions au juge Malick Lamotte, 5 millions au premier substitut du procureur de la République Mouhamadou Bamba Niang, 2,5 millions à chacun des deux assesseurs, dont Théophile Turpin’’, lit-on dans le journal ‘’Le Soleil’’ du 24 août 2006. A la suite d’une mission d’enquête de l’Inspection générale des affaires de la justice, Lamotte a été blanchi.
Mais son nom était sur toutes les lèvres le jour du procès avec les plaidoiries de Mes Baboucar Cissé et Pape Leity Ndiaye. Une tache noire, difficile à effacer de la carrière du juge qui a su poursuivre son chemin, malgré cet épisode malheureux. L’ascension fulgurante Même s’ils ont été blanchis du délit de corruption, la plupart des magistrats mêlés à cette affaire ont subi de sanctions disciplinaires’’, renchérit notre source. Malick Lamotte y compris. En 2008, ce dernier revient en force. Il est nommé président par intérim du tribunal régional de Thiès. Quatre ans plus tard, avec l’avènement du nouveau régime et la réactivation de la Cour de répression de l’enrichissement illicite, Lamotte sera rappelé à Dakar, en tant qu’assesseur à la Crei. Poste qu’il cumule avec sa fonction de président par intérim du tribunal de grande instance de Thiès. Réputé être ‘’très proche’’ de l’ancien ministre de la Justice, Me Sidiki Kaba, il rejoint la chancellerie à la nomination de ce dernier comme Garde des Sceaux.