Les rendez-vous «secrets» du président Macky Sall avec ses partisans au siège de l’Alliance pour la République – le palais de la République - sont devenus une curiosité financière immonde et impropre à la consommation. Une de ces mille et une pratiques qui, depuis 2012, ont transformé le double mandat d’Abdoulaye Wade en une belle gouvernance regrettée, de moindre mal.
Après «sa jeunesse», ses «cadres», tous neutralisés et/ou égayés par l’argent, c’est au tour de ses «députés» dépités par leur non investiture aux législative du 30 juillet 2017, que le chef de l’Etat a remis en œuvre sa tactique de containement des frustrés de sa galaxie. Avec, selon nos confrères de L’As, des gratifications faites d’espèces sonnantes et de billets pour la Mecque (et peut-être, pour les catholiques, un sésame pour Rome et Jérusalem).
En attendant que ses griots, journalistes, musiciens, enseignants, soient également désintéressés pour services rendus au prince. Pourquoi pas ? Il faut juste oser! Pour ces députés du président, le meilleur est à venir: ils pourraient garder leurs voitures de fonctions en guise de cadeau d’adieu.
Macky Sall apparaît aujourd’hui comme le rouage essentiel de la corruption des mœurs et des élites politiques dans notre pays. Par ces pratiques autant injustifiables que décomplexées, aux antipodes de la bienséance minimale en République, il ne fait que confirmer sa stature. Pas de surprise pour ceux qui étaient déjà avertis. Du côté des députés, également point de nouveauté: on vit les derniers jours de la plus minable des législatures dans le Sénégal indépendant.
Le drame, il faut plutôt le chercher dans les conséquences, notamment psychologiques, de tels actes de corruption sur la vie politique nationale. Déjà mal en point avec l’ensevelissement de ses capacités de résistance légales, la démocratie sénégalaise est contrainte de subir ce nouvel affront qui la défigure d’autant.
Elle (re)constate que sa faiblesse congénitale liée à la duplicité originelle des politiciens locaux qui l’ont prise en otage a été transformée en instrument de perpétuation de la pire des perspectives que l’homme politique peut offrir au peuple qu’il est censé servir: la tyrannie. Elle ignore si elle sera en mesure de se relever d’une accumulation aussi rapprochée de coups tordus. Elle attend du secours, mais elle n’est pas certaine d’en recevoir ici et maintenant. Elle est obligée d’attendre… Pendant ce temps, le mal la ronge, méthodiquement, puissamment, impitoyablement.
Les «intellectuels» et autres grandes gueules médiatiques qui osaient ruer dans les brancards pour défendre un minimum décent dans l’espace public ont plutôt rangé leurs fléchettes empoisonnées, s’ils n’ont pas choisi le confort de la soumission implicite au prince. Des marabouts plus ou moins influents, dans des proportions décourageantes, ont vendu leurs âmes aux diables tout en espérant conduire leurs ouailles à Firdaws. La presse qui avait terrorisé Wade s’est terrée. Macky Sall a le champ libre face à des individualités esseulées, hors appareils. Ses adversaires politiques sont pris au piège: eux aussi ont eu leurs heures de gloire en matière de corruption. Désespoir!
L’esprit tyrannique du président de la république est là, dans cette conviction atavique que l’argent peut et doit tout régler, surtout en politique. Il est là, tapi dans les frontières reculées d’un soi/moi historique qui sert encore de boussole pour solder des comptes du passé qui ne nous regardent point… Bravo, monsieur le Président !
Momar Dieng