J’ai mal en entendant les propos de Mamadou NDoye, ancien secrétaire général de la Ligue Démocratique. En effet, Monsieur NDoye nous apporte la preuve de ce que nous connaissions ou soupçonnions déjà : la corruption à grande échelle que s’est livré et continue de se livrer Macky Sall, avec les deniers de l’État, pour obtenir le soutien de ses alliés aux fins exclusives de pérennisation de son pouvoir. Ce n’est point une surprise pour toute personne tant soit peu informée de la marche du pays et dotée d’un minimum d’objectivité. Avant d’extérioriser tout le mal que je ressens, je voudrai dire merci à Monsieur NDoye. Il faut une bonne dose de courage, une dignité à toute épreuve et une sacrée indépendance d’esprit pour se livrer à de pareilles révélations dans un pays tous les sujets, même les plus sérieux, sont abordés sous les angles de la passion, de la sensation, de la personnalisation, voire de l’irrationnalité. Tel qu’il est décrit par les personnes qui l’ont longuement pratiqué et sur la base de ce que je sais de lui comme homme politique public, je demeure convaincu, jusqu’à la preuve du contraire, que Monsieur NDoye n’a pas profité de cette situation pour s’enrichir à titre personnel. Combien de personnes ont-elles profité, indûment, directement et personnellement, des prébendes tirées de nos maigres ressources publiques distribuées par le Président de la république comme une tarte à se partager et qui se taisent comme des carpes sous prétexte que ce sont des affaires « sensibles », des actions revêtues du sceau de « secret d’État » ou, tout simplement, de décisions relevant « du pouvoir illimité et discrétionnaire » du Chef de l’État ? Dans cet ordre d’idées, Monsieur NDoye est à féliciter même si une part de responsabilité dans le système que nous dénonçons pourrait lui être attribuée.
J’ai mal et très mal même. En 2012, le peuple sénégalais a porté au pouvoir, au-delà de la personne de Macky Sall, toute une génération. C’est la génération née aux lendemains des indépendances. Une génération qui ne souffre pas de complexe d’infériorité face aux occidentaux puisque n’ayant jamais été des sujets de la colonisation. Une génération dont ses élites sont formées dans les universités et écoles professionnelles les plus prestigieuses au monde. Une génération ouverte sur le monde et qui a apprivoisé les nouvelles technologies de l’information et qui sait en tirer profit. Une génération qui a beaucoup voyagé et qui s’est enrichie au contact de différentes cultures. Une génération qui sait que les règles de bonne gouvernance, de reddition des comptes, de transparence et d’équité dans la distribution de la justice constituent le socle sur lequel repose de tout exercice d’une parcelle de pouvoir. Malheureusement, c’est cette génération qui est en train de s’illustrer, négativement, en étant l’auteure de tristes records : mauvaise gestion des deniers publics, affaissement des bonnes règles de gouvernance et de fonctionnement de l’Administration publique, disparition des sentiments patriotiques et nationalistes, déliquescence des mœurs et, encore plus grave, règne de l’obscurantisme.
J’ai mal et je rage de constater que tous ces maux ont pour responsables ou co-responsables plusieurs personnes de cette génération post-indépendance qui s’étaient distinguées, à l’université de Dakar (devenue Cheikh Anta Diop), comme des défenseurs acharnés d’idéaux et de valeurs universels d’égalité, de justice, d’équité, de transparence, de préservation des ressources et de la dignité nationales, de nominations basées sur la seule compétence. Elles étaient engagées activement dans plusieurs associations estudiantines notamment l’Union nationale patriotique des étudiants sénégalais -UNAPES- (proche d’And/Jëf originel), l’Union des étudiants de Dakar -UDED- (proche de LD-MPT) et du mouvement des étudiants se réclamant du PIT. Aujourd’hui, ces personnes dépositaires d’une parcelle de pouvoir (politique, administratif, judiciaire, militaire ou paramilitaire) s’enrichissent et « se développent individuellement » de manière éhontée en s’asseyant sur leurs engagements d’hier alors que le pays, dans sa très grande majorité, croupit durablement dans la misère.
J’ai mal et je suis révulsé de voir que ce sont les hyper engagés d’hier, jadis hérauts et tribuns hors pair lors des chaudes assemblées générales universitaires, donneurs de leçons infatigables et nationalistes intransigeants qui se sont transformés en kleptomanes, en roublards, voire en mafieux dont la seule loi qui vaille est celle de leur enrichissement personnel, rapide et massif au détriment du peuple. Ils sont auteurs des scandales financiers les plus retentissants depuis que le Sénégal est indépendant notamment ceux d’Arcelor-Mittal et de Pétrotim. Ils couvrent d’une immunité les pilleurs de nos maigres ressources et tous les délinquants à cols bancs leur étant favorables. Ils ont sevré le patronat sénégalais pour livrer, pieds et poings liés, l’économie nationale aux seuls intérêts français (terminal vraquier au port, autoroute à péage, TER aéroport de Diass-Dakar, etc.). Ils ont porté atteinte au sentiment patriotique et nationaliste en favorisant, par exemple, le retour des bases françaises, la signature d’accords militaires attentatoires à notre indépendance nationale avec l’armée américaine, l’alignement systématique de nos positions diplomatiques sur celles de pays comme l’Arabie Saoudite ou la Turquie, etc.
J’ai mal et suis envahi par l’amertume ainsi qu’un profond sentiment de gâchis en constatant que certains membres de cette génération ne sont pas parvenus à faire leur mue en restant des hâbleurs qui se croient toujours devant des assemblées estudiantines. La rhétorique et la parlotte sont érigées en règle de gestion au détriment de l’action. Les manipulations de l’opinion publique sont considérées comme une façon de jeter un voile sur leurs pratiques innommables. En effet, l’abêtissement des populations à travers des programmes de télé et de radio sans quintessence ainsi que l’acoquinement de journalistes sans foi et d’animateurs sans niveau visent à assurer une tranquillité dans leur œuvre de pillage et de mise à sac du pays. L’achat de consciences ainsi que la traque implacable et l’emprisonnement systématique des opposants sont devenus des moyens de pérennisation de leur pouvoir. Idem avec le musèlement des intellectuels qui ont fini par se taire, car ayant peur de faire insulter ou de se faire traîner dans la boue, injustement (atteinte à leur honorabilité). Les compétences deviennent suspectes, voire menaçantes pour leurs « stations de rentes » acquises au moyen de nombreuses combines et combinaisons, tandis que l’incompétence doublée de la malhonnêteté sont des gages de réussite.
Finalement, plus qu’un mal, je suis tout simplement malade en étant contraint de reconnaître l’échec de la génération post-indépendance. Elle n’a pas porté la rupture tant attendue et espérée. Elle a déçu tous les espoirs que le peuple sénégalais était en devoir de s’attendre d’elle en la portant au pouvoir en 2012. C’est une génération qui a échoué et qui a trahi les espoirs placés en elle. Pour celles et ceux qui veulent voir des ruptures, elles ou ils devront attendre après 2019.
Ibrahima Sadikh NDour
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