Benoît Hamon, candidat du PS, d’EE-LV et du PRG
Le temps fort
Il peut remercier Emmanuel Macron. En se sentant visé lorsque Benoît Hamon demande des«engagements» sur la «clarté avec laquelle nous montrerons que nous n’avons pas de dons de personnes qui appartiennent à des grands groupes et qui pourraient demain nous ligoter», le candidat En marche lève le doigt : «Je pense que c’est pour moi donc je me permets d’intervenir». Macron se défend d’avoir de dons allant de «1 à 7500 euros», comme le «prévoit la loi», avec «32 000 personnes qui ont donné» et un «don moyen» de «50 euros». Le piège se referme sur lui :«Je vous fais confiance, lui lance Hamon. Le problème, ce n’est pas que des gens riches financent votre campagne» Et le socialiste de ligoter son adversaire en lui demandant de promettre qu’il n’y a pas «plusieurs cadres de l’industrie pharmaceutique […] chimique [ou] bancaire» dans ses donateurs. Macron se contente de «prendre l’engagement de n’être tenu par personne».
Le temps faible
Il avait pourtant pris le bon wagon, prenant en tenaille Marine Le Pen sur la laïcité en lui demandant si elle était prête à «supprimer le Concordat». La candidate FN répondant «non», il lui envoie: «La laïcité comme ça vous arrange?» Mais Le Pen se sort en interpellant Macron sur le burkini. Le candidat En marche entre dans la bagarre et riposte efficacement à la représentante de l’extrême droite. Mélenchon reste dans le coup en donnant une leçon de laïcité à Le Pen. Hamon regarde l’échange sans plus intervenir. La faute - peut-être - à un temps de parole déjà bien consommé alors qu’il attendait le passage sur la transparence pour mieux viser… Macron.
La phrase choc
«Vous êtes très forts en soustractions, moins en additions, sauf quand il s’agit de votre propre argent». Lorsque François Fillon l’attaque sur son revenu universel et les «32 heures», Hamon renvoie l’ex-Premier ministre de Nicolas Sarkozy à ses propositions de suppressions de 500 000 fonctionnaires et à ses affaires. La phrase, visiblement préparée, a été un peu cachée par un Fillon continuant son propos. Mais, ciselée, elle restera.
L’appréciation
Bons débuts. Peut (encore) mieux faire. Il avait déjà deux débats dans les pattes, ceux de la primaire de la Belle alliance populaire. Et, d’emblée, ça s’est vu. Quand Benoît Hamon a déroulé ses propositions, déjà présentées dans la primaire, il était à l’aise. Son propos était propre. Sans fautes. En revanche, le candidat socialiste a eu du mal à surprendre, à tourner, en une formule, une séquence du débat à son avantage. Dans cet exercice, Jean-Luc Mélenchon s’est montré plus entreprenant. Sa phrase sur Le Pen «droguée aux pages faits divers», celle adressé à Fillon sur son «propre argent» et son piège tendu - et qui a fonctionné - à Emmanuel Macron sur la transparence du financement politique, tout cela était préparé. Hamon a parfois manqué de spontanéité. A part sur la séquence internationale : lorsqu’il épingle notamment Jean-Luc Mélenchon sur sa proposition d’une «conférence sur les frontières» en Europe. «C’est très dangereux, lance Hamon. Quand on discute avec M. Poutine, il vaut mieux avoir quelques arguments derrière».
Emmanuel Macron, candidat d’En marche
Il lui a fallu plus d’une heure pour sortir de sa coquille. Emmanuel Macron s’était préparé à jouer en contre, à parer les coups de quatre adversaires plus madrés que lui. D’où sa présentation liminaire tout en justification de son ambition, de son passé de banquier, de haut fonctionnaire et de ministre. Durant ce début poussif, il s’en tient à la récitation quasi clinique de son programme «pragmatique», son mot-clé de la soirée, en attendant des coups… Qui ne viennent pas! Ou si peu… Comprenant que Marine Le Pen et dans une moindre mesure Jean-Luc Mélenchon sont en train d’accaparer le débat, Macron change de stratégie. Il prend dès lors pour prétexte le moindre sous-entendu pour reprendre la main sur un débat qui jusque-là lui échappait. Façon de faire montre d’une certaine autorité et de démontrer sa crédibilité.
Les temps forts
Le premier vient avec le débat sur la laïcité. Accusé par Marine Le Pen d’être «pour» le burkini, Emmanuel Macron, attaché à l’esprit de la loi de 1905, hausse soudainement le ton: «Je ne vous fais pas parler et je n’ai pas besoin d’un ventriloque» attaque-t-il, appelant au«pragmatisme» et à la «responsabilité». «Le piège dans lequel vous tombez, c’est de diviser la société.»
Le sous-entendu de Benoît Hamon sur l’absence de transparence de Macron sur les grands donateurs de sa campagne est l’occasion d’une nouvelle passe d’armes. «Ça c’est pour moi», «aucun lobby ne me donne!», le coupe Macron. Le candidat PS ironise : «Je ne vous insulte pas, c’est vous qui vous énervez tout seul». Comprenant qu’il a donné tête baissée dans le piège, Macron enchaîne plus calme: «Je prends l’engagement solennel de n’être tenu par personne. Je suis libre et le financement de mon mouvement est transparent». Le mot de la fin est toutefois pour Mélenchon: «C’est bien qu’il y ait un débat à l’intérieur du PS», arbitre le candidat de la France insoumise, déclenchant les rires de la salle.
Le troisième temps fort vient avec les 35 heures. A Fillon qui veut les supprimer au nom de la compétitivité des entreprises, Macron fait remarquer: «Si le problème était là, j’ose espérer que vous les auriez supprimées quand vous étiez aux responsabilités!» Le candidat En marche fait alors valoir sa volonté de négocier le temps de travail au niveau des entreprises et des branches. Mélenchon de nouveau intervient : «Quel dialogue social? C’est un monologue, c’est Gattaz qui parle tout seul!»
Le temps faible
La première heure du débat : sur l’école, la sécurité ou l’immigration, Macron décline alors son programme en premier de la classe. Propre mais sans relief. Pour le téléspectateur, le plus jeune des candidats est transparent au regard d’une Marine Le Pen en pleine forme et d’un Jean-Luc Mélenchon tribunitien. Ainsi quand Macron prétend vouloir «une politique française forte et responsable», Le Pen prend les téléspectateurs témoin de la vacuité du propos: «Mais ça ne veut rien dire forte et responsable!»
La phrase choc:
«Ce que vous avez décrit, ce sont des conflits d’intérêts et ça se caractérise pénalement. Donc, soit ce que vous venez de faire Mme Le Pen, c’est de la diffamation, soit soyez plus précise et allez devant la justice de notre pays et, dans ces cas-là, la justice fera son office, comme elle est en train de le faire avec plusieurs candidats», a riposté Macron que la candidate FN accuse d’avoir un «problème avec des intérêts privés».
L’appréciation
Au fil du débat, Macron a gagné en assurance. Au point de rechercher la confrontation avec ses rivaux et tout particulièrement avec Marine Le Pen. Une necessité pour exister face à des monstres politiques. Il a évité le faux pas des débutants que ses adversaires attendaient et peu à peu réussi à prendre de la hauteur.
Marine Le Pen, candidate du Front national
Le temps fort
Pourquoi vote-t-on Marine Le Pen ? D’abord pour son discours en matière de sécurité et d’immigration, répondent ses sympathisants lorsque la question leur est posée. De ce point de vue, la candidate aura coché toutes les cases dès la première demi-heure de débat. En dénonçant «l’explosion de l’insécurité, de la violence et des cambriolages». En déclarant n’avoir «plus rien à offrir [aux immigrés], car nos millions de chômeurs et de pauvres doivent concentrer nos énergies». Ceux qui rejetaient déjà la frontiste continueront à le faire. Ceux qu’elle séduit, de plus en plus nombreux, ne demandaient rien d’autre.
Le point faible
Parce que le second tour pourrait les opposer, on a particulièrement scruté lundi les échanges entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Et constaté les difficultés de la frontiste. Exemple sur la laïcité : «Il y a quelques années, il n’y avait pas de burkini sur les plages. Je sais que vous êtes pour, Monsieur Macron…». L’intéressé bondit : «Je n’ai pas besoin d’un ventriloque qui parle à ma place. […] Vous divisez les Français en visant nos quatre millions de citoyens dont la religion est l’Islam, pour en faire des ennemis de la République». Quelques minutes plus tard, c’est de collusion avec le secteur bancaire qu’est accusé le candidat d’En marche : «Démontrez-le devant la justice, rétorque-t-il aussi sec. Sinon, cela s’appelle de la diffamation». Une petite tape qui laisse Marine Le Pen sans réplique. « Macron a un talent incroyable : en 7 minutes, il arrive à ne rien dire !», se rattrapera-t-elle tout de même, en fin d’émission, moquant le flou de son concurrent.
La phrase choc
Ce ne fut pas une déclaration, mais un graphique : celui de la production industrielle de plusieurs pays européens, censé démontrer le rôle de l’euro dans le déclin des usines françaises. Graphe déjà utilisé en différentes occasions par Marine Le Pen, et ici brandi comme une sorte de joker sur la question de l’euro, pas exactement le point fort du discours frontiste.
L’appréciation
Sauf évidente sortie de route, la candidate n’avait, au fond, pas grand-chose à craindre de ce débat. Bien connu des électeurs dans ses grandes lignes, son projet est quasiment inchangé par rapport à la dernière présidentielle. Tout comme les objections, prévisibles, de ses adversaires. Dans ce contexte, Marine Le Pen elle-même n’aura pas surpris le public, avec ses qualités objectives — constance et combativité — et ses défauts manifestes : jamais loin d’une certaine suffisance, la frontiste ne sera pas toujours apparue aussi stoïque et présidentielle qu’elle le souhaiterait.
Jean-Luc Mélenchon, candidat de la France insoumise
Le temps fort
Le député européen a été bon la majeure partie du débat: percutant sur le rapport à la police, l’immigration ou la laïcité - qui «ne doit pas être un prétexte pour flétrir une religion. Et pour dire les choses clairement : la religion musulmane», a-t-il lâché en direction de Marine Le Pen. Mais son «vrai» moment fort est arrivé sur la moralisation de la vie publique. Le tout, avec son verbe et son style. Le tribun a ciblé Marine Le Pen et François Fillon - sa saillie «j’admire vos pudeurs de gazelle» adressée aux journalistes tourne (déjà) tel un gimmick sur les réseaux sociaux -, les deux candidats aux prises avec des affaires judiciaires. Il est le seul à avoir évoqué cette situation. Et de lâcher: «Je ferai l’inéligibilité à vie des élus condamnés pour corruption». Puis, il a prévenu son monde : «Il ne faut pas seulement sanctionner les corrompus. Il faut aussi condamner les corrupteurs, c’est-à-dire les puissants.»
Le temps faible
Un début moyen, une présentation moyenne. Jean-Luc Mélenchon a mal débuté. L’impression qu’il n’était pas en forme. Un peu fâché. Le regard ailleurs. Il n’a pas été très clair sur l’un des premiers débats, l’éducation. Sûrement en lien avec le tweet de Sophia Chikirou, sa conseillère communication, peu de temps avant l’émission : «Dans les couloirs, une ambiance désagréable. L’équipe de TF1 odieuse, commentaires triviaux, la politique réduite à un cirque.» Ce début brouillon passé, Jean-Luc Mélenchon est monté en puissance. Avant de laisser quelques plumes face à Benoît Hamon et de recevoir le soutien de François Fillon sur la question russe en fin d’émission
La phrase choc
On en a choisi deux, mais Mélenchon en a sorti une dizaine. Lors d’une prise de bec entre Macron et Hamon sur les financements de la campagne, Jean-Luc Mélenchon est intervenu avec une petite phrase :«C’est bien qu’il y ait débat au PS.» La seconde punchline retenue est arrivée au moment «économie». Jean-Luc Mélenchon, qui souhaite abroger la loi El Khomri, a lâché à François Fillon et Macron : «Je ne suis pas d’accord pour un Code du travail par entreprise, comme je ne suis pas d’accord pour un code de la route par route.»
L’appréciation:
Jean-Luc Mélenchon avait hâte de débattre. Il aime ça. Il maîtrise cet exercice. Mais le début a été un peu raté. Au fil des minutes, le candidat de la France Insoumise s’est réveillé, sez plaçant bien souvent au centre du débat. A l’aise, il a coupé Marine Le Pen, François Fillon et appuyé ses idées avec force, sans bégayer. Jean-Luc Mélenchon ne fait pas dans la demi-mesure, c’est tout ou rien. Et lorsqu’il est en forme et naturel – comme lors d’une grande partie de la soirée – il se transforme en adversaire redoutable. Ses militants et alliés comptaient beaucoup sur ce débat. Ils ne doivent pas être déçus.
François Fillon, candidat LR-UDI
Le temps fort
Le hasard l’avait désigné comme premier orateur, Fillon en a profité pour critiquer, d’entrée de de jeu, l’organisation du débat. «Nous sommes onze candidats à l’élection présidentielle, il y en a cinq ici, cela pose une question démocratique […] avec cette règle je n’aurai pas pu participer à la primaire de la droite et du centre». Avec ce propos liminaire, le candidat LR s’est payé le luxe de convoquer le souvenir de l’histoire, déjà ancienne, de son incroyable remontée en novembre dernier. C’est en contestant les règles du troisième débat de la primaire que l’ancien Premier ministre avait pris le dessus sur ses concurrents, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. L’ancien Premier ministre rêve bien entendu de réitérer cette performance. Ce lundi soir, c’est Emmanuel Macron qu’il s’agit de rattraper. Tous les sondages lui donnent 6 à 8 points d’avance. Contrarié que ce son jeune rival ait eu droit, jeudi dernier, à un accueil quasi présidentiel à Berlin, Fillon a insisté sur son «désaccord de fond» avec«les félicitations» que Macron a adressées à Merkel pour sa politique d’ouverture aux réfugiés. Une «mauvaise politique» a-t-il insisté, réparant ainsi, du moins aux yeux de son électorat, l’affront de la semaine dernière.
Le temps faible
Spectateur des échanges entre Le Pen et Mélenchon d’une part Macron et Hamon d’autre part, Fillon a souvent été, dans la première partie de l’émission, signalé «en retard» dans son temps de parole. La question des retraites puis celles du temps de travail l’ont ensuite remis au centre du débat. C’est sur ce deuxième sujet que l’ancien Premier ministre espérait faire la démonstration de son expérience et de la solidité de ses propositions. Pas sûr qu’il y soit parvenu. Car ses concurrents n’étaient pas disposés à le laisser dérouler, comme il a pu le faire en novembre, son projet de «redressement national». Face aux assauts furieux de Jean-Luc Mélenchon, il a parfois pris des allures d’élève penaud. Sous le feu croisé de Macron et d’Hamon, les échanges se sont poursuivis dans une confusion peu propice au déploiement de la pédagogie filloniste.
La phrase choc
«Un petit peu à gauche, un petit peu à droite, c’est ça la politique de M. Macron», a lancé celui qui revendique d’être «le seul à pouvoir disposer d’une majorité claire et cohérente» en cas de victoire à la présidentielle.«Le programme de Marine Le Pen, c’est le programme commun de la gauche en 1981», a-t-il ensuite réservé à la présidente du Front national.
L’appréciation
Mise à part de rapides allusions de Mélenchon et d’Hamon, Fillon a pu traverser cette soirée sans avoir à se défendre des accusations qui lui ont valu d’être mis en examen pour détournement de fonds publics, recel et complicité d’abus de biens sociaux. Aucune référence non plus à l’affaire des costumes extraordinairement coûteux offerts au député de Paris par l’avocat Robert Bourgi. Un grand soulagement pour les fillonistes qui craignaient que les scandales ne rendent inaudible leur candidat.
Mais dans sa confrontation avec Emmanuel Macron, le candidat LR n’aura pas réussi à faire, comme il l’espérait, la démonstration de sa supériorité. S’il a renvoyé son rival à son statut d’ancien «conseiller» de François Hollande qui n’avait «aucune légitimité» pour «gouverner le pays», il s’est attiré, en retour de nombreuses allusions à sa très grande ancienneté politique.