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L'essentiel


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Les chefs d’Etat africains et le syndrome de Stockholm

COUP DE GUEULE
Mercredi 24 Avril 2019

Les Français et le monde entier n’ont pas encore fini de pleurer Notre-Dame et de panser ses brûlures. Ce qu’il faut noter, c’est que dans plusieurs réactions émanant des autorités françaises et de partout dans le monde, on note qu’elles relèguent au second plan la quintessence de Notre-Dame. Elles oublient que Notre-Dame est avant tout une église, une église catholique, un lieu de prière et pas une ancienne église, pas une église reconvertie en musée historico-touristique. Certes Notre-Dame est un édifice religieux d’une magnificence sublime qui attire des millions de visiteurs par an, mais cette magnificence n’est qu’un instrument pour manifester la grandeur immatérielle de ce qui fonde la foi chrétienne : le Christ. D’ailleurs Monseigneur Michel Aupetit a rappelé que pour les catholiques, l’essentiel ce n’est pas la pierre, mais la foi. Cette pierre qui attire plus que la foi a été assaillie, ce jour du 15 avril, par le feu purificateur et aspergée d’eau baptismale.

On pleure Notre-Dame alors que les fidèles catholiques qui l’animent sont victimes de plus en plus d’une christianophobie alarmante dans l’indifférence des autorités et des médias français. Plus de 800 églises françaises ont vandalisées en 2018 sans que cela n’émeuve le peuple français dans sa grande majorité. Mais cette église-là n’existe presque plus dans le cœur de ce peuple français qui caracole dans le top 4 des pays les plus athées du monde. La fille aînée de l’Eglise a tourné le dos à sa religion et à ses origines judéo-chrétiennes. Ce que confirme l’historien François Huguenin, qui déclare que seulement « 5% des Français pratiquent la religion catholique ».

On pleure le monument chargée d’histoire, on pleure le bâtiment gothique qui contribue au PIB français en attirant entre 12 et 15 millions de touristes annuellement mais on ne pleure pas l’Eglise, ce lieu de rassemblement de tous les baptisés affirmant leur foi en Jésus ressuscité. Et comme le dit la Bible, la véritable Église de Dieu n’est pas seulement un bâtiment ou une dénomination particulière mais ce rassemblement communiel de tous ceux qui ont reçu le salut par la foi en Jésus-Christ. 

Et dans le concert de pleurs et de larmes de crocodiles qui a accompagné le drame de Notre-Dame, s’y ajoute la cacophonie des jérémiades de chefs d’Etat africains qui ont joint leurs voix pleurnichardes à celles des Français. Lesquels français adoptent très souvent une attitude indifférente à la limite méprisante quand un malheur avec son lot de morts frappe le vieux continent. La célérité des chefs d’Etat à envoyer des messages de sympathie quand la métropole souffre montre l’assujettissement sous-jacent détermine les relations nord-sud. L’esclave souffre plus que le maître souffrant. Le mal de nos dirigeants est qu’ils ne balaient jamais devant leurs propres portes. On ne leur reprochera jamais de compatir du malheur d’autrui car la douleur émotionnelle sans frontière transcende les aires géographiques et les cercles religieux voire raciaux. Mais dans le drame de Notre-Dame aucun mort voire aucun blessé n’est enregistré. C’est pourquoi Lilian Thuram, le 18 avril devant la presse, dénonce cette stratification des drames dans son pays. « Nous sommes des êtres d’émotion, c’est normal que nous soyons touchés. Mais on a l’impression que, parfois, il y a des hiérarchies qui s’installent dans l’émotion… Il y a des gens qui meurent en voulant traverser la Méditerranée et en fait, le monde n’est pas ému comme ça », vitupère l’ancien défenseur des Bleus.

Mais cette hiérarchie des émotions commence d’abord chez les Présidents africains qui sont plus enclins à s’émouvoir de la douleur métropolitaine que des tragédies qui assaillent leur continent. Le Président camerounais Biya qui a compati à la douleur de la France a été vivement critiqué par ses compatriotes qui lui reprochent d’être plus préoccupé par les drames extra-muros que ceux de son pays. En atteste l’accident du train d’Eseka. Il ne s’y est pas rendu pour compatir, pire il ne s’est jamais montré préoccupé par la situation des familles des victimes. Pour rappel, le 21 octobre 2016, près de la gare d’Eseka sur la ligne de Douala-Yaoundé au Cameroun, s’est produit un accident ferroviaire qui a fait 79 morts et 551 blessés.

Le 14 mars dernier, le cyclone Idai a ravagé le Mozambique, le Zimbabwe et le Malawi avec à la clé 1 007 morts, 2 262, disparus, 2 450 blessés et 3 044 000 millions de sinistrés, 240 000 maisons détruites, 500 000 hectares de culture perdus. La Banque mondiale a estimé que les dégâts causés par le passage meurtrier du cyclone Idai devraient coûter plus de 2 milliards de dollars pour la reconstruction des infrastructures et le rétablissement des moyens de subsistance des populations à ces trois pays pauvres d'Afrique australe. Pour l’instant, seuls le Fonds monétaire international (FMI) d’urgence, la Caritas italienne ont débloqué respectivement 118,2 millions d’euros et un million d’euros. S’y ajoutent 70 millions de dollars de quelques autres bonnes volontés. On est loin du compte. Aucun de ces chefs d’Etat qui pleure notre Notre-Dame n’a déboursé un kopeck en guise de solidarité aux sinistrés de l’Afrique australe. Les chefs d’Etat africains de même que les 20 milliardaires (en dollars) du continent font le mort devant Notre Drame.

Dans la nuit du 16 au 17 avril, plus de 120 personnes sont mortes dans le naufrage de Kalehe, sur le lac Kivu à cause d’une embarcation vieillotte et surchargée qui s'est retournée. La communauté internationale si prompte à casser la tirelire pour une douleur plus bénigne de même que les chefs d’Etat africains restent insensibles au deuil qui frappe la RDC. Aucune aide ni logistique ni financière n’est acheminée à ce pays des Grands Lacs. Ni un message de compassion des colons belges qui construit leur pays avec les ressources du Congo-Léopoldville après avoir lâchement assassiné son leader Patrice Lumumba.

Je me réserverai d’évoquer le drame des 150 peuls assassinés presque dans la quasi-indifférence de la communauté internationale. A part quelques réactions officielles de principe, aucune action d’envergure de solidarité et d’aide n’a été faite pour venir en aide aux rescapés de cette tuerie sordide. Mais rien d’étonnant si l’on sait que les chefs d’Etat africains sont atteints du syndrome de Stockholm. Ainsi la tragédie de Notre-Dame de Paris vient reléguer au second plan Notre-Drame de l’Afrique.

Serigne Saliou Guèye
 

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