Après avoir décroché son premier diplôme à Harvard en 1936 et un doctorat en économie à l'Université de Chicago en 1940, il s'engage dans l'armée américaine et combattra pendant la guerre en Afrique du Nord et en France, ce qui lui vaudra la Légion d'Honneur en 1945. En 1946, il entre au département international de ce qui était alors la Chase National Bank (devenue JP Morgan Chase).
Il deviendra vice-président en 1949, puis président en 1961 de Chase, qu'il dirigera jusqu'en 1980, devenant l'une des figures les plus en vue du monde des affaires américaines. Grand voyageur, ayant rencontré plus de 200 chefs d'État dans près de 100 pays, selon sa biographie officielle, il fera de la banque l'un des établissements américains les mieux représentés à l'étranger. Chase fut ainsi la première banque à ouvrir des bureaux en Russie puis en Chine continentale.
Capitaliste «éclairé»
Deux présidents, le démocrate Jimmy Carter et le républicain Richard Nixon, lui proposeront le poste de secrétaire au Trésor, rappelait lundi le New York Times. Il déclina l'offre à chaque fois, ignorant les sirènes de la politique, contrairement à son frère Nelson, mort en 1979, qui fut longtemps gouverneur de New York et brièvement vice-président de Gerald Ford.
Dernier des descendants des Rockefeller à jouir d'une influence considérable sur la scène américaine, son aura tenait en partie à sa défense d'un capitalisme «éclairé». Tout en vantant un «capitalisme américain qui a apporté plus de bénéfices à plus de gens que n'importe quel autre système de l'histoire mondiale», il appelait aussi les entreprises à la responsabilité sociale, et les riches à payer leurs impôts. Il poussa notamment Chase à aider la ville de New York à sortir de la crise fiscale qui l'avait ruinée dans les années 1970.
Reprenant le flambeau allumé par son grand-père puis porté par son père, David Rockefeller embrassa lui aussi rapidement la philanthropie. La légende veut que, dès leur plus jeune âge, les enfants Rockefeller devaient économiser une partie de leur argent de poche pour des oeuvres caritatives. Parmi ses dons les plus importants: 25 millions de dollars pour l'université de Harvard en 1994. En 2005, pour son 90e anniversaire, il promet 5 millions de dollars par an au MoMa, le musée d'art moderne de New York, fondé par sa mère. Et pour son 100e anniversaire, il donna plus de 400 hectares à un parc national de l'État du Maine, à la nature préservée, qu'il affectionnait, et où il avait une résidence.
Une collection de 15.000 œuvres d'art
Il s'était aussi engagé à verser de grosses sommes après sa mort, qui devraient maintenant être débloquées: le MoMA, l'Université Rockefeller et Harvard devraient recevoir quelque 100 millions de dollars chacun, selon le magazine spécialisé Inside Philanthropy. Le dernier des Rockfeller était lui-même détenteur d'une impressionnante collection d'art, avec quelque 15.000 pièces, dont beaucoup de tableaux de maîtres, dont certains ornaient ses bureaux du Rockefeller Center, selon le New York Times.
L'aura de David Rockefeller tenait aussi à sa longévité. À 90 ans passés, il voyageait encore régulièrement à l'étranger. «Il est resté actif jusqu'au dernier moment», a souligné son porte-parole Fraser Seitel, qui travaillait avec lui depuis 1970. «Il vivait chaque jour au maximum», a-t-il ajouté. Avec sa femme Margaret, décédée en 1996, David Rockefeller avait six enfants, 10 petits-enfants et 10 arrière-petits-enfants. Mais aucun de ses descendants n'a pour l'instant «atteint sa stature», soulignait le New York Times.