Une tournée de « remerciements » et de « reconnaissance » qui répond à l’objectif malien de renforcer les – rares – soutiens officiels dont Bamako bénéficie dans la région faceau régime de sanction très lourdes mis en place par la CEDEAO le 9 janvier dernier. Des sanctions jugées « illégitimes, illégales et inhumaines » par le Premier ministre de la transition Choguel Maiga. Exclue des instances de la communauté régionale depuis le coup d’État du 15 septembre, la Guinée de Mamadi Doumbouya a refusé d’appliquer le blocus, en « conformité avec sa vision panafricaniste ». Les frontières entre les deux pays restent donc ouvertes.
Contourner le blocus
Le soutien du colonel guinéen à son homologue malien Assimi Goita qu’il a côtoyé en 2008, lors de Flintlock, un exercice militaire de l’armée américaine, n’apparaît pas uniquement comme un geste solidaire à un « pays frère ». Comme Assimi Goïta, Mamadi Doumbouya est soumis à une pression intense de ses homologues ouest-africains, qui s’impatientent alors qu’il ne s’est toujours pas prononcé sur la durée de la transition en Guinée. Jusque-là soumis à un régime léger de sanctions, Conakry n’est pas à l’abri de voir se durcir le traitement qui lui est réservé, et Mamadi Doumbouya le sait.
Le Mali, menacé par l’asphyxie économique, l’inflation et la pénurie, s’est empressé de saisir la main tendue par son voisin guinéen. Conakry, mis au ban de la communauté régionale, représente une opportunité vitale pour le Mali qui ne dispose pas de façade maritime, pour continuer à commercer, via son port.
L’objectif affiché de la mission était donc de discuter des moyens de « faciliter la libre circulation des personnes et des biens » et de « redynamiser les différents cadres de coopération » entre les deux pays. Avant les sanctions, près de 70 % du trafic malien passait par le Sénégal, de loin premier partenaire commercial de Bamako et 20 % par la Côte d’Ivoire. La Guinée, elle, représente seulement 2 à 3 % du fret malien, soit quelques milliards de F CFA : un chiffre que le président de la chambre de commerce du Mali, Youssouf Bathily, espère voir passer à 15 ou 20 %… Si l’état des routes s’améliore.
« L’avantage du port de Conakry est d’être le plus proche de Bamako. Après la réalisation d’une nouvelle route, il sera à 700 km de la capitale malienne, contre 1200, 1400, voire même 2000 km pour les autres ports de la sous-région. D’ici à quelques années, la Guinée pourrait devenir notre deuxième ou notre premier partenaire commercial », veut croire Youssouf Bathily qui s’exprimait lundi 17 janvier devant la télévision d’État, la RTG.
Solidarités réciproques
Si une partie de la classe politique malienne a critiqué la junte, jugée « responsable » des sanctions de la Cedeao, l’opinion reste fortement mobilisée derrière les autorités de transition, comme l’atteste la mobilisation massive des Bamakois vendredi 14 janvier à l’appel du gouvernement. De nombreuses marques de soutien ont également afflué de toute la sous-région de la part de responsable politiques ou de personnalités influentes, mêlant critiques des sanctions et discours, parfois virulents, contre la CEDEAO et la France.
Dans l’opinion guinéenne, où des premiers signes de frustration sont récemment apparus au sein de la classe politique, la décision de défier – encore une fois – la Cedeao semble avoir été bien reçue. Le CNRD a d’ailleurs rappelé l’importance d’exprimer une « solidarité réciproque » entre Conakry et Bamako, « particulièrement en cette période de transition ».
La délégation malienne a ensuite poursuivi sa tournée dans les pays limitrophes les plus susceptibles de s’allier à la junte. Elle s’est rendue lundi soir en Mauritanie, où elle a été reçue par le président Mohammed Ould Ghazouani.
Objectif : s’assurer du soutien de Nouakchott en ces temps de crise. Comme à Conakry, la délégation a visité le port de la capitale.
Pour la dernière étape de son périple, la mission s’est rendue à Alger, moins de deux semaines après l’audience accordée le 6 janvier au président Abdelmadjid Tebboune à Abdoulaye Diop. Président du comité de suivi de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, le pays tente d’adopter une posture équilibrée. Mais ses responsables ne cachent néanmoins pas leur inquiétude vis-à-vis d’une possible arrivée du groupe Wagner dans la sous-région.
Alger avait ainsi incité les responsables maliens à adopter une « attitude responsable et constructive » et s’était prononcé pour une période de transition d’une durée ferme de douze à seize mois, jugée « raisonnable et justifiable »… tout en avertissant des « risques graves » que représentent les sanctions. La Cedeao, quant à elle, s’est exprimée publiquement pour la dernière fois le 16 janvier dans un tweet lapidaire : « La Cedeao reste disponible pour accompagner le Mali pour le retour à l’ordre constitutionnel à travers des élections crédibles dans un délai raisonnable et réaliste. »
JEUNE AFRIQUE