Selon Lamine Tine, observateur, «ce sont des gens qui ne comprennent pas encore que le président Macky Sall, à l’image de ses prédécesseurs, les présidents Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, compte beaucoup sur Thiès pour asseoir son pouvoir. Malheureusement, ils ne font rien pour lui garantir un second mandat et, surtout, lui gagner la sympathie des Thiessois, condition sine qua non de toute victoire».
Une chose est sûre : aujourd’hui, dans la capitale du Rail, la plupart des personnes interrogées perçoivent ces «mouvements de soutien» comme des «instruments d’arnaque», voire des «comités d’intérêts», souvent pilotés par des «chasseurs de privilèges». Lors des manifestations comme une visite présidentielle, ils s’activent pour se faire remarquer, débloquent de l’argent, «louent des gens et des cars», font du bluff, utilisent même des militants de l’opposition.
Les plus rusés d’entre eux se font parrainer depuis Dakar. Et presque «tous trompent Macky Sall, qui le sait d’ailleurs bien», soutient le coordonnateur régional du Forum civil à Thiès. Abdoul Aziz Diop rappelle que «ces mouvements de soutien ne datent pas d’aujourd’hui, leur existence remonte depuis le régime socialiste, avec L. S. Senghor, Abdou Diouf, et s’est perpétuée sous Abdoulaye Wade et Macky Sall». Selon lui, on a le plus souvent affaire à «des individus regroupés en mouvements, qui prennent souvent les voies de contournement.
Au lieu de s’afficher en politique, ils attendent souvent l’approche des élections pour créer ces mouvements qui n’ont ni ancrage social ni ancrage communautaire ni légitimité à la base ni vision ni idéologie». Selon notre interlocuteur, «le plus déplorable dans ces mouvements de soutien, c’est quand des religieux s’y mêlent et prennent la religion comme fonds de commerce, en organisant, par exemple, des conférences religieuses parrainées par des hommes politiques le plus souvent au pouvoir. Ce sont des gens qui disent toujours vouloir accompagner «la vision» du Chef de l’Etat. C’est des anonymes et, chaque jour que Dieu fait, on voit des mouvements qui émergent, mais seulement par la voie médiatique. On ne connait la plupart du temps ni les tenants ni les aboutissants ni même les fondateurs de ces structures».
Le jeu de groupuscules d’opportunistes
Poursuivant sa diatribe, le coordonnateur régional du Forum civil à Thiès pense que «les différents pouvoirs qui se sont succédés ont tous joué le jeu de ces groupuscules d’opportunistes». Parce que, soutient-il, «ils sont dans la logique des nombres et des chiffres. Par exemple, ils se plaisent à se vanter d’avoir des dizaines de mouvements de soutien derrière eux, alors qu’en réalité, si vous évaluer l’impact et l’ancrage de ces structures de soutien, elles ne représentent rien du tout, n’ont aucune vision».
M. Diop rappelle qu’il y a trois types d’acteurs : le pouvoir, l’opposition et la société civile. Mais, constate-t-il, «aucun de ces mouvements de soutien ne se réclame de ces trois parties, ils disent seulement être dans le champ politique». Or selon lui, «on ne peut prendre des raccourcis pour compter des fonds ou se faire élire ou avoir des postes».
Malheureusement, regrette-t-il, «tout le monde joue le jeu». Il dénonce cet état de fait et, mieux, invite qui de droit à «essayer de voir comment faire une cartographie de ces mouvements de soutien, pour voir leur localisation, leur structuration, leur impact, leur ancrage». Car, il en est convaincu, ces «groupes d’individus opportunistes» sont le plus souvent composés de «deux pelés et trois tondus». Abdou Aziz Diop dénonce aussi «l’engagement, à travers ces mouvements, avec une certaine ostentation, de certains responsables qui sont dans l’administration, qui gèrent des deniers publics, des secteurs aussi névralgiques».
Les souteneurs du président Diouf recherchés
Pour dire vrai, à Thiès, le ridicule, loin de tuer, semble engraisser. Le président de l’APR pourrait bien s’inspirer de l’exemple du parti socialiste. Tout le monde n'a-t-il pas soutenu cette formation lorsqu’elle était au pouvoir ? Aussi bien les religieux, les opérateurs économiques, que les associations de jeunesse, de femmes, etc. Où sont-ils, aujourd'hui, ces «souteneurs» qui s'agitaient du temps de la splendeur du parti de Senghor et Abdou Diouf ? Tous ont tourné casaque dès que le PS a perdu le pouvoir. Où sont les mouvements de soutien à O.T.D. ? Où sont les «amis» d’Elisabeth Diouf, l’ex-Première Dame ? Que sont devenus aujourd’hui ces centaines de mouvements de soutien autour du Pds et du tout-puissant ministre Karim Meïssa Wade ?
Au moment où le camp présidentiel traverse aujourd’hui une zone de turbulences à Thiès marquée par l’anarchie, la confusion totale, l’absence de visibilité et de lisibilité, le tout étant l’œuvre d’«entrepreneurs politiques» se livrant à des pratiques quotidiennes qui n’obéissent à aucune éthique, l’idéal ne serait-il pas de mettre au placard certains «fauteurs de troubles» qui feraient mieux de se taire? De donner un vigoureux coup de balai dans la fourmilière politique ? La réponse tombe sous le sens.
Cheikh Camara avec le Témoin