Nous ne faisons nullement référence à ces jeunes qui se disent « mercenaires » parce qu’ils se font payer de petites sommes d’argent, comme 2500 FCFA ou 5000 FCFA, pour aider des hommes politiques à mobiliser dans des meetings, caravanes ou autres activités de mobilisation de ce genre.
Il s’agit plutôt de cadres, souvent de haut niveau dont l’activité politique n’est assujettie à aucune obligation d’ordre idéologie et dont le seul objectif est de monnayer leurs talents d’orateur, d’activiste, de propagandiste ou de mobilisateur afin d’aider un homme politique à gagner des élections. Ces mercenaires n’ont en effet aucun scrupule à changer de camp, trahissant ainsi celui avec qui ils travaillaient naguère. Ce qui compte en effet pour eux, ce sont les strapontins à gagner ou les postes de responsabilité ou autres avantages en espèces ou en nature qui leur sont donnés.
On me dira que le phénomène n’est guère nouveau. Le Sénégal a toujours connu la transhumance qui n’est rien d’autre que la théorisation de ce mercenariat si dynamique au Sénégal au sein d’une classe politique qui n’hésite pas à suivre les hommes du pouvoir, même si ces derniers les avaient combattus et humiliés lors d’échéances électorales.
Mais, ce qui nous semble nouveau et au regard de ce qui s’est passé lors de ces législatives du 30 juillet, c’est que le phénomène s’est généralisé pour se banaliser.
Généralisation du mercenariat
La brusque existence des 47 listes, dont au moins 40 ne sont manifestement pas viables, matérialise ce phénomène. On a vu des leaders, têtes de liste, féliciter une des coalitions en reconnaissant publiquement travailler pour elle. Dans ce cas, pourquoi n’avoir pas simplement rejoint cette coalition ?
Autre fait marquant, les convocations à la gendarmerie de Pape Samba Mboup et de Clédor Sène pour des enregistrements que ce dernier a rendus public et faisant état de la reconnaissance par le premier du fait que sa coalition, « Mbollo Wade », travaille justement pour Macky, en est une autre preuve. Et Clédor Sène avait ciblé d’autres coalitions dont les têtes de liste ont parfois fait profil bas.
La réalité est que bien d’autres coalitions ont une attitude suffisamment ambiguë pour susciter le doute sur leur innocente intention à n’avoir pour ambition que de siéger à l’Assemblée nationale. C’est parfois le cadet des soucis de certains qui ont aidé à amuser la galerie par l’existence de coalitions qui n’ont fonctionné que pour créer la diversion, en augmentant la liste et en semant la confusion.
La preuve, les 15 millions de nos francs de caution ne sont pas à la portée de tous. Pourtant, cela n’a suscité aucune réserve de la part de ces faire-valoir qui se sont fait aider pour s’acquitter de ce devoir.
Toutefois, le mercenariat s’est manifesté aussi d’une autre manière. Le Président de la République, bien que non-partant aux législatives du fait de la loi, n’a pas hésité à s’impliquer personnellement avec de gros moyens pour débaucher des gens qui étaient déjà investis sur d’autres listes. Un fait inédit dans l’histoire politique de notre pays où la transhumance s’est opérée à un moment décisif où, en principe, les dés sont jetés et qu’il n’est plus possible de retourner en arrière.
Pourtant, certains Sénégalais ont franchi le rubicond pour diverses raisons dont la plus évidente et le poids de l’enveloppe financière qui leur a été présentée.
En conséquence, si ces cadres sont ainsi achetables, qu’en sera-t-il du simple citoyen qui a du mal à joindre les deux bouts ? C’est pour cela que l’achat de conscience est devenu une gymnastique au plan national. Ceux qui savent s’y faire atteignent souvent leurs objectifs. La campagne électorale ne serait pas si populaire si le débat n’était que d’idées. L’expérience a montré que l’argument CFA est souvent le plus convaincant.
En définitive, rares sont ceux qui ne sont pas engagés avec, en toile de fond, des calculs d’épicier.
Et si on était tous des mercenaires ?
Assane Samb/Rewmi quotidien