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Élections en Corée du Sud: les grands enjeux d'une présidentielle indécise

INTERNATIONAL
Mardi 8 Mars 2022

Ce mercredi 9 mars, les Sud-Coréens doivent désigner le successeur de Moon Jae-in alors que l’épidémie d’Omicron bat son plein. Après une campagne marquée par les scandales, les attaques et des débats centrés autour du logement et du féminisme, les deux favoris sont toujours au coude-à-coude. Les conservateurs et les démocrates proposent deux projets diamétralement opposés pour la quatrième économie d’Asie.


Avec 200 000 nouveaux cas chaque jour, la Corée du Sud a dû s’adapter pour permettre à tous les inscrits de voter, notamment pour le million de personnes qui respectent les sept jours d’isolement obligatoire. Lors des journées de vote anticipé vendredi et samedi, des files et des horaires spéciaux devaient permettre aux malades de voter en toute sécurité. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu et des personnes positives et négatives se sont côtoyées dans les longues files d’attente. La commission électorale n’ayant pas prévu que 36,9% des inscrits se déplaceraient en avance pour choisir le successeur de Moon Jae-in.

Qui sont les favoris ?

Les campagnes des deux candidats Lee Jae-myung et Yoon Seok-youl ont été marquées par des scandales, les impliquant personnellement ou bien leurs épouses. C’est peut-être le seul point commun entre les principaux prétendants à la fonction suprême.
Du côté du parti au pouvoir, c’est Lee Jae-myung qui a remporté la primaire démocrate. À 57 ans, cet ancien avocat est connu pour avoir instauré des politiques sociales en tant que maire de Seongnam ou de gouverneur de la province de Gyeonggi, la plus peuplée du pays. Favorable à l’instauration d’un revenu universel, Lee a fait de ses origines populaires son identité politique, mettant en avant son passé d’ouvrier dans une usine. Déjà candidat à la primaire en 2017, c’est une figure connue et controversée de la vie politique sud-coréenne.
À l'inverse, Yoon Seok-youl est un néophyte. Jusqu’en 2021, il était le procureur général de Corée du Sud, un poste extrêmement puissant où il a joué un rôle clé notamment dans le processus de destitution et la condamnation de l’ex-présidente Park Geun Hye. Nommé par Moon Jae-in, il a été une épine dans le pied de la majorité démocrate en enquêtant notamment sur le ministre de la Justice, ce qui l’a rendu très populaire chez les conservateurs. Surnommé « Monsieur une gaffe par jour » ou le « Trump coréen », il est connu pour son franc-parler et ses sorties polémiques, entre autres sur les questions de féminisme.
 

Corée du Nord et politique internationale

 
Moon Jae-in s’était distingué par sa volonté de dialogue envers la Corée du Sud. Profitant de l’intérêt de Donald Trump sur le dossier, il a rencontré Kim Jong-un à trois reprises et a même délivré un discours à Pyongyang. Mais ses efforts n’ont pas payé, et « bien qu’il soit resté constant dans sa politique nord-coréenne, désormais on assiste à un retour à la normale », explique Go Myung-hyun, chercheur à l’Asan Institute et spécialiste de la Corée du Nord. Jusqu’au bout, Moon a proposé à Pyongyang une déclaration commune de fin de guerre de Corée. Un conflit officiellement toujours actif depuis 71 ans. La réponse de Kim Jong-un est claire : depuis le début de l’année, le régime a procédé à neuf essais de missiles. Dans ce contexte international compliqué, Lee Jae-myung représenterait une forme de continuité et pourrait poursuivre la voie du dialogue en privilégiant une baisse des sanctions en échange d’une dénucléarisation. Yoon représente la voix de la « rupture », car il est partisan de « frappes préventives » en cas de danger imminent d’attaque du voisin nord-coréen. Il assure vouloir obtenir la paix grâce à la « puissance » et la dissuasion.
Impossible d’aborder la question nord-coréenne sans parler de la Chine. Le pays est le principal partenaire économique des deux Corées, ce qui place Séoul dans une situation délicate, car c’est Washington qui garantit la sécurité du pays avec environ 30 000 soldats présents sur son sol. Sur ce point, Yoon Seok-youl privilégie un rapprochement clair avec les États-Unis, en suivant la ligne Biden sur la question chinoise. Une stratégie à visée électorale, car la popularité de Pékin est en chute libre chez les Sud-Coréens. Côté démocrate, on ménage la chèvre et le chou. Coincé entre les deux géants, Lee Jae-myung recommande, quant à lui, la poursuite de relations amicales avec la Chine. Notamment pour poursuivre le développement des relations économiques, mais aussi dans l’espoir d’obtenir une intervention positive de Pékin sur le dossier nord-coréen. Mais jusqu’à la crise ukrainienne, les questions internationales ont été occultées par les débats économiques.

Crise du genre et de l’immobilier

Si la Corée du Sud est parvenue à traverser la pandémie sans trop d’encombres sur le volet sanitaire, les populations ont été affectées par les restrictions. Notamment les indépendants qui représentent un quart des travailleurs du pays et qui ont payé un lourd tribut. De nombreux restaurants et cafés ont dû fermer, car leurs activités étaient restreintes pour lutter contre l’épidémie. À cela s’est ajoutée une explosion des prix de l’immobilier sous le mandat de Moon. À Séoul, le prix d’un appartement de 100 m² a presque doublé en cinq ans. Un sujet sensible pour de nombreux Sud-Coréens sur lequel les candidats se sont affrontés. Lee Jae-myung plaide pour la construction de logements sociaux et l’instauration d’un revenu universel d’abord à l’intention des plus fragiles afin de pousser la consommation. Mais les conservateurs, aussi favorable à la hausse du nombre de logements, souhaitent alléger la fiscalité sur les biens immobiliers pour faire baisser les prix. Des thématiques économiques qui ont partagé le devant de la scène avec un sujet très populaire dans la jeunesse sud-coréenne : celui du féminisme.
Dimanche 27 février, elles étaient plusieurs centaines à manifester devant le ministère de l’Égalité du genre et de la Famille pour dénoncer « une élection misogyne, marquée par un antiféminisme notoire. » Une prise de position symbolique, car le candidat conservateur souhaite supprimer ce ministère. Porté par une opposition marquée des jeunes Sud-Coréens envers les idées féministes (76% des hommes dans leur vingtaine se déclaraient opposés au féminisme, selon une étude du Kookmin Ilbo de 2018), Yoon a pris, à plusieurs reprises, des positions polémiques sur le droit des femmes. Alors qu'il attribue au féminisme le fait que la Corée du Sud ait le plus bas taux de natalité de l’OCDE, il a également proposé de durcir les peines pour témoignage calomnieux d’agression sexuelle. Des propositions qui inquiètent les militantes, d’autant que côté démocrate, le candidat était loin de jouir d’une réputation de féministe. Il a néanmoins effectué sa mue en participant à des rassemblements contre les violences sexuelles avec des figures du milieu.
Difficile de savoir quelle vision politique l’emportera alors que les deux favoris se trouvent séparés par la marge d’erreur dans les derniers sondages.
 

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