Aujourd'hui et à la lumière de ce qui se passe au Mali nous sommes interpellés tous en tant que compatriotes africains d'apporter notre contribution à la lancinante question de la crise malienne. Cette crise qui commence à l'aube des premières années de la deuxième décennie de ce 21e siècle (2012 avec le départ forcé de ATT) a eu et continue d'avoir des conséquences fâcheuses (économiques, sociales, luttes intercommunautaires, djihadisme, terrorisme...) sur l'avenir du peuple malien, du Mali et par extension sur les autres pays de l'UEMOA et de la CEDEAO). Dans ce texte, nous nous proposons de donner notre propre lecture de la situation.
Il convient de rappeler les critères présidant à la constitution d'un État. Les spécialistes de la statologie (science de l'État) parlent de l'existence de l'État si trois éléments constitutifs sont réunis. Au regard d'une telle définition, Marx Weber pense que le territoire, la population et le pouvoir de contrainte ou puissance publique (armée, police, gendarmerie) constituent les trois éléments qui président à l'existence d'un État. Qu'en est-il de ces trois éléments au Mali ?
Premièrement, le territoire malien est divisé et donc le principe de territorialité pose problème. C'est ce qui justifie la lutte pour le respect de l'intégrité territoriale malienne. Relativement au pouvoir de l'État, il est clair que le pouvoir de contrainte qu'il devait avoir se trouve être affaibli par la présence de corps ennemis étrangers sur un territoire qu'il était censé occuper bien avant. À ce propos, il est loisible de rappeler que c'est le vide laissé par l'État qui est à l'origine de cette situation. L'absence de l'État sur ses terres du Nord a favorisé la création, l'organisation et les actions de forces ennemies dans son propre territoire. Ne dit-on pas que la Nature a horreur du Vide. Comme personne d'autre d'ailleurs, Nietzsche prendra le contrepied des de partisans du pouvoir qui pensent que l'État en disant qu'il est le peuple (population) ne fait que le leurrer. "Moi, l'État je suis le peuple", Nietzsche dit que c'est loin de la vérité (un mensonge). S'agissant du Mali et tenant compte de la situation au Nord du Mali, nous pouvons penser que sous ce rapport le philosophe ne se trompe guère.
Deuxièmement, nous pouvons avancer, avec justesse, que le Mali, depuis 2012 et suite au départ forcé du Président M. Amadou Toumani Touré, est versé dans une phase de reconstruction nationale très lente et douloureuse (8 ans au total). Toutefois, avant d'en venir à la problématique de la reconstruction nationale, il sied de souligner ce qui est à l'origine de la désagrégation de l'État malien.
Pour les spécialistes des questions sécuritaires, l'armée malienne est lamentablement sous équipée, les traitements des militaires laissent à désirer. Ces deux facteurs conjugués, disent certains, sont à l'origine du mécontentement de la " Grande MUETTE MALIENNE " et ont souvent poussé les militaires à exiger un meilleur traitement avec un équipement répondant aux besoins de l'armée.
À l'opposé de cette armée sous équipée, on retrouve le groupe AQMI (Al Qaeda au Maghreb Islamique, 2007) équipé et bien organisé au Nord Mali. Il est considéré par l'ONU, la Russie, la France, les États-Unis comme une organisation terroriste et comme telle elle est combattue par tous les Pays qui luttent contre le terrorisme international depuis les attentats du 11 septembre 2001. L'objectif fondamental d'AQMI c'était la création d'un État islamique avec l'application de la Charia comme loi fondamentale. Un tel dessein est vu comme une menace par les États-Unis, la France, l'ONU... d'où le prétexte de leur engagement auprès de l'État Malien en vue de l'aider, dans un premier temps, à lutter pour le retour de l'intégrité territoriale malienne; dans un deuxième temps, ils cherchent à lutter contre le terrorisme (djihadisme) au Nord du Mali et, dans un troisième temps, ils visent à éviter les menaces réelles d'extension de ces forces ennemies qui pourraient compromettre leurs intérêts dans la ZONE et déstabiliser de surcroît la sous-région.
En plus d'AQMI, le MNLA (mouvement national de libération de l'AZAWAD) est un mouvement indépendantiste lourdement armé et qui a bénéficié du soutien des populations locales (Touaregs). Il y a aussi le mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'ouest (Mujao) et Ansar Dine (c'est un groupe salafiste). Les groupes ethniques qui s'opposent à l'indépendance du Nord sont soumis à des exactions inouïes et sans que l'État malien ne puisse les défendre encore moins leur rendre justice. Subséquemment, ces groupes se désolidarisent de l'État et essaient de défendre leurs terres, richesses et familles et au prix de leurs vies. Un tel sentiment de rejet par l'État malien ne fait qu'exacerber les tensions au Nord. Ces forces terroristes", indépendantistes et communautaires (les frustrés du Nord) quoiqu'ayant des objectifs différents et des structures différentes ont comme principale adversaire, l'ARMÉE MALIENNE ET PAR VOIE DE CONSÉQUENCE l'ÉTAT MALIEN.
L'armée malienne face à son manque de munitions et compte tenu de la modicité des salaires des militaires n’était et n'est pas dans les dispositions militaires et psychologiques d'affronter des djihadistes ou irrédentistes plus armés qu'elle. Ce qui, naturellement, aboutira à son affaiblissement et ensuite à sa déconfiture. Pour preuve, des dizaines et des dizaines de militaires maliens et étrangers sont tués et continuent de l'être dans le Nord. À ce bilan macabre et regrettable s'ajoute les tueries injustifiées des populations innocentes et souvent des vengeances interethniques (peulhs et dogons). Cette débâcle militaire à laquelle s'ajoutait une dégradation continue des liens communautaires et des mécontentements au sein de l'armée poussera les militaires (avec à leur tête le capitaine SANOGO) à marcher sur Bamako pour renverser le régime de M. Amadou Toumani Touré.
Le COUP réussi, le peuple malien qui croyait en terminer avec la désagrégation du Mali notamment au Nord avec la présence des forces djihadistes (islamistes) pour les uns et terroristes pour les autres se voit avec l'arrivée d'IBK dans une situation délétère. Pis, le sentiment de rupture de confiance entre l'armée, les groupes ethniques du Nord, les guides religieux et l'État central se sont renforcés créant ainsi une atmosphère de défiance et de méfiance générale. L'Affaiblissement de l'armée, l'impuissance de l'État, les guerres irrédentistes ou djihadistes et les vengeances intercommunautaires favoriseront la chute du Chef de l'État de la République malienne et auront des conséquences immédiatement fâcheuses sur le devenir du PAYS.
C'est dans cette perspective de restauration et de reconstruction de l'État que les autorités maliennes principalement IBK ont fait appel à la communauté internationale. La suite nous la connaissons, les forces étrangères se mobiliseront pour, disent-elles, venir à la rescousse du Peuple Malien et de l'État. Ce prétexte a favorisé et justifié la présence des forces militaires étrangères.
Il s'agit de la MINUSMA (13000 casques bleus) de l'opération BARKHAN (4500 militaires français) en remplacement de la force SERVAL (1700 militaires), le G5 SAHEL (malheureusement sans le Sénégal. M. Cheikh Tidiane GADIO a regretté la non-participation du Sénégal dans ce groupe du SAHEL), la force TAKUBA entre autres... À ce titre, soulignons que ce sont plus de 4500 militaires français, 13.000 casques bleus qui sont engagés au Nord du Mali sans compter les militaires anglais et allemands et les militaires maliens eux-mêmes... À côté de cet arsenal militaire, il faut ajouter les hélicoptères, les chars et avions militaires.
À cette liste s'ajoute la mission européenne de formation de l'armée malienne ou European Training mission in Mali (EUTM- Mali) avec 620 militaires venus de 28 pays de l'Union européenne. Sa mission consistait à former les militaires maliens très sous équipés et sous formés. Citons quelques pays européens membres de cette mission. Il s'agit de l'Italie, de la France, de l'Allemagne, du Portugal, de l'Espagne... Alors une seule question me vient à l’esprit : comment cela se fait-il que des pays comme la France, l'Angleterre, l'Allemagne...en plus des troupes onusiennes et de l'armée malienne ne puissent pas faire revenir les choses à la normale et conséquemment restaurer l'autorité de l'État malien depuis tout ce temps (2012-2020) ?
D'ailleurs force est de concéder que l'impuissance des forces étrangères sus-citées justifie à elle seule l'impuissance de l'armée malienne à faire face à la situation. Cette situation de ni paix ni guerre inquiète les africains particulièrement la jeunesse africaine qui rêve, à juste titre, d'une vraie indépendance. Elle se demande s'il n'y aurait pas anguille sous roche ?
En outre, nous sommes en droit de penser que face à la présence des forces étrangères à côté de l'armée malienne et à leur échec de faire revenir la PAIX que le PROBLÈME du Mali pourrait avoir d'autres soubassements. Lesquels ?
Ceci me fait dire que l'avenir du Mali et la restauration de l'État de droit ne passeront guère par la voie militaire encore moins par la présence des militaires étrangers. Il s'agira pour le Mali de prendre des mesures fortes, conciliatrices, unificatrices, consolidantes, franches et sincères pour espérer retrouver l'unité du peuple malien ou à défaut voter une loi décentralisante nouvelle qui donnerait la possibilité aux gouverneurs de chaque région de voter des lois à caractère local et selon l'esprit de la loi du pouvoir central (Exemple russe avant la réforme de Poutine). Disons que le Mali pourrait tôt ou tard être obligé compte tenu de sa vastitude de subir le même sort que le Soudan : une balkanisation regrettable du Pays.
Hélas, nous ne le souhaitons pas ni ne plaidons pour cela, mais du train où vont les choses la stabilité et le retour à la paix au Mali n'est pas une question qui se règle aussi facilement. Pour preuve, la crise malienne est une crise très profonde qui requiert une analyse lucide et transversale. Il y a un premier problème qui est religieux (la création d'un État islamique), un deuxième problème identitaire ( les Touaregs demandant une indépendance), un troisième problème relatif à la guerre interethnique (peulh-dogon), un quatrième relatif à l'exploitation des ressources naturelles du Nord...Ces problèmes conjugués compromettent dangereusement la promesse d'un retour à un développement harmonieux dans le Nord du Mali et donc constituent par extension une instabilité réelle sur l'intégrité territoriale de l'État malien. Aussi faut-il remarquer que chacun de ces acteurs pourrait avoir des soutiens à l'étranger. Pour quelles raisons ? Du moins, on peut être sûr d'une chose, les soutiens ne manquent pas.
Au regard de cette situation inédite le Mali a besoin d'un Chef d'État fort avec un État fort si vraiment les choses doivent changer.
Troisièmement, nous l'avions annoncé pour qu'il y ait un État, il faut impérativement un territoire et celui du Mali est désagrégé. Signalons que le NORD représente 2/3 du territoire malien. Il regorge d'innombrables ressources gazières, pétrolières, aurifères, minières... Et c'est la véritable source, selon certains, des convoitises du Nord du Mali. L'adage dit : "qui terre a, guerre a". Autrement, la propriété est source de problèmes. Les gens ne se battront, peut-être, pour rien à fortiori des États. La présence des militaires étrangers notamment européens, des troupes onusiennes, de l'armée malienne explique en filigrane beaucoup de choses. C'est le lieu de rappeler les propos du guide libyen, Kadhafi. S'adressant aux maliens, il leur aurait dit que : "le nord du Mali est très riche en ressources minières, si vous n'y prenez garde, un jour les occidentaux vont venir s'y installer définitivement pour exploiter vos richesses." Ce constat du guide libyen conjugué à la lutte antiterroriste est pour beaucoup de jeunes africains et certains spécialistes le motif principal de la présence de la France et de ses alliés au Nord du Mali. Pourtant, il est à regretter que le Mali soit en passe de payer les effets collatéraux de la crise libyenne dont les principaux artisans étaient la France de Nicholas Sarkozy, de François Hollande et de Macron, l'Angleterre de David Cameron, de Tony Blair, les États-Unis de Hillary Clinton, de Georges Bush. Les effets collatéraux ont favorisé la prolifération des armes dans le Nord du Mali et ont facilité le réarmement des rebelles, des djihadistes et des groupes ethniques.
Malheureusement pour les mauvais négociateurs. Un adage africain nous apprend que celui qui se TRESSE les cheveux avec des POUX, les défait beaucoup plus tôt qu'il ne prévoit. Chemin faisant, les effets collatéraux de la prolifération des armes libyennes ont eu pour conséquence immédiate d'installer une situation de plus en plus dégradante n'épargnant plus la gouvernance nationale, sous-régionale, continentale et internationale (UEMOA, CEDEAO, UA, UE, ONU).
Partant, le Mali a réuni patiemment un problème d'intégrité territorial, un problème d'irrédentisme, la présence des forces militaires étrangères, les luttes interethniques et dernièrement la question de la mal gouvernance avec tous ses corollaires.
Quatrièmement, le régime du Président malien, M. IBK est taxé de faire dans la corruption, la gabegie, le népotisme, le favoritisme, le laxisme, outre mesure. À tout cela s'ajoute l'immixtion de son fils dans la gestion jugée peu orthodoxe du pays et surtout le problème de la transparence lors des dernières élections législatives ayant vu la confiscation de certains sièges de l'opposition (selon le M5) par les tenants du pouvoir en place. Comment oublier l'arrestation du charismatique opposant, M. Soumaïla CISSÉ. Cet enlèvement devenu une prise d'otage est fortement condamné par ses souteneurs, mais malheureusement la réaction de la communauté internationale comme les organisations sous-régionales, régionales, continentales et internationales a été jugée molle par d'aucuns.
C'est de la résultante de ces problèmes que sont nés des mouvements de contestation dirigés essentiellement par le mouvement du 05 Juin, M5- RFD ( rassemblement des forces démocratiques) et l'entrée dans la contestation de la figure de proue du mouvement contestataire, le très écouté et admiré Imam DICKO. Ce dernier mobilisera le peuple malien pour dit-il restaurer l'État de droit, lutter contre la gestion catastrophique du Pays. Son combat a trouvé un écho favorable auprès des masses populaires et a suscité un engouement sans précédent auprès de la jeunesse malienne et des forces du M5- RFD. Figure de proue du mouvement contestataire et espoir d'un nouveau changement, Imam Dicko recevra les pressions indirectes de la communauté internationale. C'est dans cette optique d'ailleurs qu'une délégation de la CEDEAO effectuera un déplacement au Mali pour tenter d'harmoniser les positions et d'aider le Mali à retrouver la paix des braves. L'imam Dicko contre, toute attente, des Chefs d'État de la CEDEAO refusera d'abdiquer et préférera être au côté du peuple pour le triomphe de l'État de droit et le respect des principes démocratiques.
Quelques jours après, l'armée, à la vitesse d'un éclair, s'empare du pouvoir prenant au dépourvu le M5 -RFD, l'imam Dicko, le Président IBK et les principaux acteurs de la communauté internationale. L'arrestation du Président IBK avec son Premier Ministre et les autres membres influents de son gouvernement n'a pas laissé la communauté internationale et les organisations auxquelles le Mali adhère indifférentes. Ils condamneront tous sans exception l'arrestation de M.IBK et le Coup d'État invitant ainsi au retour à l'État de droit ou appelant à un retour de la paix et de la stabilité au Mali.
Cette situation crée déjà une division non-voulue au sein de la communauté malienne, sous-régionale, régionale et internationale. Intéressons-nous, à présent, aux différentes positions du moins les plus manifestes pour voir, en dernier ressort, les conséquences de la dite crise.
Cinquièmement, il nous faut nous demander :
Primo, quelles pourraient être les conséquences de cette crise ?
L'économie malienne déjà affaiblie par la crise qui sévit depuis 2012 au Nord se voit plonger, malencontreusement, dans des lendemains incertains. Les banques sont pour le moment aux arrêts, les agences bancaires sont dans le même cas. Quid des fonctionnaires de l’État ? Beaucoup d'entre eux subiront avec le risque de non-paiement des salaires une catastrophe sociale sans précédent ce qui pourrait découler à la dislocation de certaines familles. Les institutions de la microfinance risquent de faire faillite du fait du non remboursement des créances. Ce qui déstructurerait complètement le réseau bancaire. Les maisons d’assurances seront impactées. Les investissements déjà démarrés ou qui étaient en voie de l'être tomberont à l'eau. Le secteur d logement connaîtra des difficultés face à l'impossibilité de certains d'honorer les mensualités. Pis, le Mali aura du mal à faire face au service de la dette interne et externe. Ce qui détériorera considérablement son image auprès des partenaires financiers et techniques...
Les hôpitaux, les écoles, les universités peuvent connaître des dysfonctionnements regrettables et à long terme. L'économie malienne ne devra compter que sur une aide internationale et à condition que cette dernière change de position. La fermeture des frontières aériennes et terrestres n'est pas pour faciliter les choses. Les déplacés de guerre et les réfugiés envahiront les frontières. Le transport transfrontalier en pâtira. Les flux commerciaux en sont déjà dangereusement atteints. Les conséquences seront entre autres une montée en flèche de la pauvreté et de la criminalité frontalière. À ce sujet, l'aide humanitaire pourrait être un prétexte qui favoriserait des choses aux conséquences encore inconnues et incalculables. Les exemples récents de la Lybie, de la Syrie et de l'Ukraine devraient nous dessiller les yeux. Tous ces problèmes réunis seront à l'origine au meilleur des cas d'une nouvelle stratégie de relance de l'économie malienne. À cet égard, les institutions de Bretton Woods (la BANQUE MONDIALE, le fonds monétaire international) devraient accompagner le pays dans le cadre de la relance future de l'économie malienne.
Ça se fera, à coup sûr, suite à un mémorandum, que la future équipe dirigeante concoctera. Seulement, je suis à mesure de vous dire que cette future stratégie de relance de l'économie nécessitera des milliards qui ne seront guère libérés sans un certain nombre d'exigences de la part des bailleurs et des institutions internationales. Par exemple, le retour à l'ordre constitutionnel sera exigé, des politiques garantissant une protection des investissements privés étrangers pourraient être corsées, la promotion des principes de gestion démocratique, le respect des accords internationaux...entre autres. Ces différentes exigences, si elles sont satisfaites nous ramèneraient à la case de départ. Le Mali risque de refaire du ATT et du IBK sans les deux. N'est-ce pas pendant toute la phase de la reconstruction nationale le Pays devra se plier aux raisons des bailleurs et des institutions internationales si véritablement la future équipe dirigeante souhaite bénéficier des fonds d'aide spéciaux, des programmes de redressements économiques... Le Mali pourrait dans ce sillage avoir un PAS (PROGRAMME D'AJUSTEMENT STRUCTUREL). Au regard de ce qui précède, nous pouvons inférer que l'économie malienne est partie pour connaître d'énormes difficultés sans l'aide et l'accompagnement de la communauté internationale qui, du reste, est pour le moment très réfractaire aux putschistes. Il est important d'ailleurs de dire que la position de Macron annonçant que la France sera aux côtés du peuple malien est la preuve que le Mali risque de connaître si on n'y prend garde des compromis décevants. Nous savons tous qu'Emmanuel Macron ainsi que toutes les forces engagées au Mali ont échoué dans leur volonté de faire revenir la paix, de restaurer l'État de droit et surtout de faire revenir l'intégrité territoriale malienne. Macron pour sauver son honneur et préserver ses chances aux prochaines échéances électorales fait de la crise malienne un problème personnel. Il n'acceptera pas de perdre cette guerre au Nord du Mali du moins avant sa réélection. Il se dit qu'il ne peut échouer là où François Hollande a réussi.
Qu'on se rappelle de cette phrase de François Hollande lors de visite au Mali et suite à la libération de la ville de Tombouctou occupée alors par les djihadistes. " C'est le plus beau jour de ma vie". Avait dit Hollande. Mieux, l'échec de la France au Nord du Mali détruira l'image de la politique étrangère française. Donc ne soyons pas surpris de voir Emmanuel Macron et ses alliés (l’Union Européenne, les Nations Unies...) proposer un plan de sortie de crise en relation avec le Comité National de Salut du Peuple Malien. On le sait Macron ne souhaitera pas dire à la suite de François Hollande que " c'est le plus DÉCEVANT jour de la mission française au Mali". De toutes les façons, je suis prisonnier de cette idée. Aussi, il y a les cas du Niger, du Burkina, de la Côte d'Ivoire, de la Guinée Conakry et du Sénégal où la France semble être dans ses dernières heures de domination. Une chose est certaine l'avenir de ces pays se fera en grande partie avec la volonté de la jeunesse qui représente plus de 65% de ces pays. Donc soit la France et ses alliés acceptent la volonté de changement au sommet des États en coopérant, soit elle ne coopère pas et ces Nations s'engagent avec leurs jeunesses à construire dans la douleur le futur triomphal d'une Afrique enfin libre et indépendante.
Secundo, le Mali sera-t-il à mesure de faire revenir son intégrité territoriale sans des organes légitimement élus ou bien sans un Président, un Gouvernement et une Assemblée nationale que pourrait faire le Mali avec une armée divisée et sous équipée relativement à son intégrité territoriale ?
Dès lors, nous pouvons légitimement nous demander si l'économie malienne pourrait faire face aux nouvelles dépenses militaires qu'auraient besoin les futurs dirigeants du Mali post-IBK pour reconquérir le NORD ? En réalité, c'est de cela qu'il s'agit. À vrai dire, sans le soutien des partenaires tels que l'UEMOA, la CEDEAO, la BM, le FMI et les autres partenaires techniques et financiers, il serait impossible pour le Mali à lui seul de faire face aux forces djihadistes, irrédentistes au Nord du Mali et aux luttes inter-communautaires. S'y ajoute le désaccord quasi unanime de la communauté internationale relativement au renversement du pouvoir par l'armée. Si les exigences des partenaires ne sont pas satisfaites on pourrait assister à un retrait pur et simple des forces onusiennes, la force BARKHAN...Il en découlera une situation à l'image de celle de la Libye. Un pays déchiré avec des risques de prolongement sur tous les autres pays de la sous-région. Les forces d'intervention suite à leur retrait laisseraient derrière un État affaibli, sans moyens et dont l'armée peinerait à faire seule face aux djihadistes et irrédentistes. Une telle situation n'est pas à écarter. Ceci pourrait faire de la Zone un «NO MAN'S LAND". Les cas de la Lybie, de l'Iraq, de la Syrie...sont assez révélateurs des conséquences que pourraient impliquer un retrait des forces militaires étrangères sans un retour définitif de la Paix au Mali. Et pourtant, c'est ce que tous les patriotes africains souhaitent. Y arriverons-nous avec la situation actuelle ?
La communauté internationale accédera-t-elle aux revendications du Comité National de Salut du Peuple ?
Tertio. À entendre les putschistes dire qu'ils ne toucheront pas aux accords déjà signés par l'État malien, l'on est en droit de nous demander quelle est la pertinence du renversement du régime ? Surtout si on sait que les actuels hommes forts du Mali pourraient être écartés de la gestion du Mali. Mieux, il faut souligner ici et maintenant que le Mali actuel n’a pas les moyens de sa politique. Il ne peut compter que sur les partenaires au développement qui ne sont rien d'autres que la communauté internationale. Dès lors, nous pouvons déduire que le Mali pour reprendre son envol devra coopérer avec la communauté internationale et cette dernière aura toujours des amendements à apporter au sujet des programmes. Ce fut le cas avec la Russie avec la crise du 26 août 1998. Un programme spécial dénommé TACIS a été proposé avec des conditionnalités venant de la BM et du FMI. La communauté internationale, pour dire simple, ne soutient et n'accompagne que ceux qui s'identifient au droit international (interprété par eux. le cas de l'Iraq) et nous savons que le Mali d'une manière ou d'une autre se verra contraint d'accepter des contrats et des mesures malgré lui. Celui qui dispose de la bourse commande, dit l'adage. Les États-Unis, l'Union Européenne, l'UA, la CEDEAO...ont tous marqué leur désaccord. Par conséquent, seul un retour à l'ordre constitutionnel pourrait faire adhérer la communauté internationale à la volonté des actuels hommes forts du Mali.
Quel avenir pour le Mali et Quelles conséquences sur nos autres pays ?
Quarto. L'avenir du Mali dépendra de sa capacité a écouté la communauté internationale sur tous les accords déjà signés, sur l'acceptation de faire revenir l'ordre constitutionnel, mais aussi surtout sur le respect des principes d'un État droit...C'est à ce prix seulement que le Mali pourrait revenir à un début normal. Et n'oublions pas que depuis 2012, l'État malien se cherche et malheureusement le constat général est que les autorités comme les forces étrangères ont échoué dans leur volonté initiale qui consistait à faire retrouver l'intégrité territoriale malienne...
Relativement aux conséquences sur les autres pays. Il convient de rappeler que toutes les économies fortes de la Zone CEDEAO ont été bouleversées par des mouvements djihadistes ou séparatistes... La Côte d'Ivoire, le Nigeria, le Burkina, la Guinée Conakry...Il faut aussi ajouter que parmi les pays limitrophes de la sous-région seul le Sénégal à échapper pour le moment aux bouleversements politiques et vivement qu'il en soit ultérieurement ainsi pour tous les pays avec bien évidemment des réponses conformes aux expectatives populaires. La Gambie, les deux Guinées (Conakry et Bissau), la Mauritanie, le Mali ont été tous affectés par des mouvements de contestation sociaux très forts. D'où l'intérêt d'être très vigilant relativement à la situation. Le cas de la Mauritanie pourrait être à l'origine de la déstabilisation de la sous-région. Les poursuites intentées contre l'ancien Président et certains de ses alliés pourraient rendre la Mauritanie ingouvernable et les conséquences pourraient impacter selon ce qu'on appelle un effet d'entraînement sur tous les autres pays.
D'où l'intérêt de prendre en compte la volonté de la jeunesse de l'Afrique occidentale et par extension l'Afrique globalement. La jeunesse africaine est estimée à plus de 70% et elle a soif de liberté et de changement.
Cette liberté est de plus en plus renforcée par les réseaux sociaux, véritables lieux démocratiques, par l'éducation de plus en plus des jeunes africains...La liberté de la jeunesse africaine notamment malienne jouera à coup sûr sur les changements futurs de nos pays. Dans ce sillage, Chateaubriand dans " Mémoires d'Outre-Tombe" écrit " sans liberté, il n'y a rien dans le monde, elle seule donne du prix à la vie". C'est cette liberté que nous souhaitons avoir. Une liberté pour notre continent, une liberté pour nos pays, une liberté pour nos États, une liberté pour nos peuples. Il est vrai que rien ne se donnera, il faudra l'arracher, mais comment ? Il s'agira de faire autant que faire se peut pour ne pas s'affaiblir intérieurement, il nous faudra écouter et entendre Césaire.
Pour lui notre combat ne doit guère être un combat interne, mais externe. Malheureusement, les africains s'entretuent, s'autodétruisent et s'auto-ruinent. Les conséquences risquent de nous surprendre, le moment est venu pour nous de retourner aux volontés premières des Cheikh Anta DIOP, des Sankara, des Lumumba, des Nkrumah...L'unité de l'Afrique est la seule issue et elle se fera avec la liberté des peuples. Les européens ont leur continent et leur unité (Union européenne), les pays de l'Asie centrale (la communauté des États indépendants), les États-Unis (des États fédérés)... L'Afrique doit revoir les fondamentaux de l'Union africaine et définir de nouveaux objectifs conformes aux attentes de la jeunesse africaine notamment, celle qui prendra la relève.
Miriam Makéba nous rappelle une pensée plus qu'utile. À ses yeux, l'histoire n'est pas faite pour les morts, mais pour servir de conducteur aux vivants dans leur recherche de réponses aux questions actuelles et leurs choix qui détermineront le futur. Voilà ce qu'il nous faut : apprendre de l'histoire. À cet égard, les récentes crises ivoiriennes, libyenne, ukrainienne, syrienne, irakienne, burkinabé doivent nous servir de leçons. Après tant de crises, l'Afrique ignore l'histoire et compromet son présent au profit d'un futur mal préparé. Le développement de nos pays ne se fera guère dans la culture de la violence et dans le mépris des cris de cœurs de nos peuples. Et d'ailleurs tant que les vainqueurs le seront injustement attendons-toujours à la revanche des vaincus dès que les conditions seront réunies. Voilà le triste sort de nos États modernes africains.
Vivement que la Paix reviennent au Mali !
Vivement que cela soit le dernier coup d'État en Afrique !
Nous ne devons pas être la risée du monde après tant de siècles d'esclavage, de colonisation faits dans l'humiliation et la douleur, il est inconcevable de revivre le néo-colonialisme. L'Afrique avant tout et l'Afrique au-dessus de tout.
Docteur Abdourahmane DIALLO,
Enseignant-chercheur, à
L’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar/Faculté des Lettres et Sciences Humaines/ Département des Langues et Civilisations Slaves,
Conseiller Municipal,
Membre de la CONVERGENCE DES CADRES RÉPUBLICAINS,
Coordonnateur des mouvements patriotiques BENNO DEFAR KARANG/ SELAL ET BENNO DEFAR SUNU DÉPARTEMENT FOUNDIOUGNE