Tout commence le jeudi, 16 avril 2020, quand un agent de la boite est testé positif au coronavirus. Arrivés au bureau, sis au Point E, ses collègues trouvent les lieux fermés. L’un d’eux, que nous avons joint au téléphone, détaille : « A notre arrivée au bureau jeudi dernier, on a trouvé la porte close. Après, on nous a expliqué qu’il fallait arrêter la production. Parce qu’il y avait un cas suspect de Covid-19. » Deux jours plus tard, lui et ses collègues sont appelés un à un pour reprendre le travail, avec pour seule explication que les "lieux ont été désinfectés", sans aucune mention qu’un agent a été testé positif. Mais le bruit court rapidement et ne tarde pas à se propager à la vitesse du virus. Tous ceux qui ont été en contact avec le patient se prennent de peur et la psychose s’installe. Certains décident de ne pas aller travailler le dimanche.
Face à la situation, les agents en contact avec le collègue positif, inquiets de tout le temps passé ensemble avec lui dans des lieux exigus et des objets qui passent d’une main à une autre, décident de ne pas se rendre au travail le dimanche et certains d’entre eux mènent des démarches, sur initiative personnelle, pour se faire tester. « Le soir, on est plus de 100 conseillers. Le matin, il y a plus de 150. Au minimum, au PCCI, ce sont 300 conseillers qui sont concernés. Personnellement, j’ai tout fait pour être testé et là, je suis en attente de mes résultats. J’ai tenu à contacter Emedia pour en parler et alerter », se désole cet agent qui nous a contacté et mis en rapport avec ses collègues.
PROMISCUITÉ, MESURES TARDIVES, OMERTA
« Moi qui vous parle et tant d’autres personnes avons été en contact permanent avec lui, confie l’un d’eux. Selon les horaires, il nous arrivait même de passer la nuit dans les mêmes locaux, dans une ambiance qui fait que tout le monde est exposé s’il y a un cas positif parmi nous parce que non seulement nous sommes nombreux, mais également les interactions sont notre quotidien et nous partageons les mêmes matériels de travail, les mêmes espaces et quand nous rentrons, nous empruntons les mêmes véhicules de transport en commun. Mieux, en cette période de couvre-feu, quand on descend à minuit, nous sommes obligés de passer la nuit au bureau en attendant 6h du matin pour pouvoir sortir », s’inquiète notre interlocuteur.
Son autre collègue enfonce le clou : « Il a fallu ces cas suspects du jeudi pour qu’ils distribuent des masques. On a saisi les responsables de la boîte. Mais ils nous interdisent d’en parler aux autres agents. Ils ne veulent pas que l’affaire s’ébruitent parce qu’ils vont perdre de l’argent en restant sans travailler. C’est ainsi qu’ils ont sélectionné des agents pour qu’ils fassent du télétravail mais ces derniers risquent de contaminer leurs proches. Ce serait une véritable catastrophe. »
Au même moment, les tests effectués sur ceux avec qui le patient partagent le même groupe de travail reviennent avec trois autres cas positifs supplémentaires, dont un qui était en quarantaine au Lac Rose, portant le total à 4 agents positifs. Face à l’impossibilité de faire réagir un des responsables du PCCI, la boite accusée par certains de ses agents d’avoir voulu étouffer l’affaire, nous avons pu, après recoupement auprès de proches de certains d’entre eux et collaborateurs du centre d’appels, confirmer que les patients sont en ce moment internés à l’hôpital Dalal Jam de Guédiawaye, un des centres de traitement installés dans la région de Dakar pour recevoir les malades du coronavirus.
Du côté des responsables de la société, c’est l’omerta. Jusqu’ici, aucune communication n’est faite à ce sujet à destination des employés. Aux dernières nouvelles, une note de service a été prise pour annoncer la suspension, pendant 14 jours, des activités, sauf pour ceux qui sont en télétravail. Sans aucune autre précision. Après plusieurs tentatives auprès de certains d’entre eux, nous arrivons à entrer en contact avec un des directeurs de service qui refuse d’évoquer le sujet et nous renvoie vers le responsable de la communication. Nos tentatives de joindre ce dernier sont restés vaines. Il ne répondra pas non plus à nos messages.
Fondé en 2001 au Royaume-Uni et en France, le groupe PCCI est une multinationale opérant dans la gestion externalisée et multicanal de la relation client en Afrique, en Europe et au Moyen-Orient. Créé par les hommes d’affaires Abdoulaye Sarre, Yerim Habib Sow et Abdoulaye Mboup, c’est le premier centre de communication d’Afrique Subsaharienne et le plus grand.
Avec Emedia