Cependant, malgré la place de choix qu'elles occupent dans l'économie sénégalaise, avec notamment des positions de leader ou de quasi-monopole dans des secteurs stratégiques, les multinationales françaises ont fait la sourde oreille. L'ensemble des contributions des entreprises françaises dans le "Force Covid-19" (excepté la Css) atteint à peine 1 milliard.
Grand mammouth des télécommunications au Sénégal, la Sonatel-Orange a réalisé un chiffre d'affaires de 1 086 milliards de F Cfa, pour un bénéfice de 196 milliards en 2019. L'entreprise avait annoncé avoir contribué à hauteur d'un milliard. Mais, à l'arrivée, le ministère des Finances n'a mentionné que 250 millions comme contribution. Le reste serait, dit-on, de la connexion, du matériel et autres. Pendant ce temps, un milliardaire mauritanien a déboursé, à lui seul, 1 milliard de F Cfa en guise d'aide au Sénégal.
Total, un géant de 10 millions
Pendant ce temps, Free Sénégal, la sœur et nouvelle concurrente d'Orange au pays de la Téranga, s'était montrée moins généreuse. Dans un premier temps, Free n'avait donné que 10 millions au ministère de la Santé. Là où Wari de Kabirou Mbodj, écarté du rachat de Tigo au profit de Free, avait donné 50 millions. Xavier Niel et Cie ont dû donc s'ajuster auprès du ministère des Finances avec un chèque de 90 millions, soit 100 millions au total.
Grand favori de la distribution des hydrocarbures, Total Sénégal, n'a mis que 10 millions sur la table. Dix millions ! Pour une entreprise qui s'est lancée aussi dans la recherche pétrolière, alors qu'elle était déjà dans le stockage. A titre comparatif, Vivo Energie a déboursé 50 millions, là où Touba Oil a donné 25 millions, contre 10 millions pour Edk Oil. Comme Orange, Total, également, dit avoir fait recours à un autre type de don.
Eiffage, Bolloré, Auchan… absents
Sur son site internet, il indique avoir offert du carburant aux autorités pour une valeur de 100 millions. Ce qui ferait un total de 110 millions pour une entreprise qui a réalisé un chiffre d'affaires de 382 milliards, avec un bénéfice de 6,8 milliards en 2018. Au premier semestre 2019, Total Sénégal a eu 6 milliards de résultats avant impôts sur ses activités ordinaires.
Si ces capitalistes français se sont montrés radins, certains de leurs compatriotes ont été tout simplement aux abonnés absents. Et pas des moindres ! Gestionnaire décrié de l'autoroute à péage, Eiffage Sénégal ne figure sur aucune des deux listes (Santé et Finances). C'est à se demander s'il n'y a pas erreur quelque part, car la société, qui a fait un chiffre d'affaires de 77 milliards au Sénégal en 2018, n'a certainement pas manqué de mettre la main à la poche.
Il en est de même de Bolloré Sénégal. La firme de Vincent Bolloré, présente un partout en Afrique de l'Ouest, est introuvable sur les listes. Pourtant, son concurrent au port de Dakar, à savoir DP Wold, est bien passé à la caisse, avec 200 millions.
Autre entreprise française absente : Auchan dont l'arrivée à Dakar a été très polémique, car accusé, à tort ou à raison, d'être une menace pour le petit commerce. Auchan n'est d'ailleurs pas le seul, puisqu'aucune des grandes surfaces du pays de Macron n'est mentionnée parmi les donateurs. Il en est de même de Canal+, Vinci, Cfao…
Un modeste don au nom du Ccef
Même cas de figure pour la nouvelle société de gestion de l'eau, Sen'Eau, filiale de Suez. Pourtant, la Sénégalaise des eaux (Sde), évincée au profit de Suez, a bien participé à l'effort de guerre, avec une enveloppe de 15 millions.
Pour ne pas donner l'impression d'être insensibles au sort du Sénégal, ces sociétés, qui se sont regroupées au sein des Conseillers du commerce extérieur de la France (Ccef : Auchan, Axa assurance, Bolloré, Canal+, Cfao, Eiffage, Free…) disent avoir aidé les hôpitaux de Fann et de Diamniadio en équipements, consommables et autres besoins divers (connexion, téléphone), sans aucune précision de la valeur de la contribution. Une initiative prise en collaboration avec une partie du privé national.
Seulement, sur les images disponibles sur le net, on voit une camionnette qui ne peut pas contenir plus de 100 millions en dons. Surtout qu'une bonne partie du chargement est constituée de bouteilles d'eau et de boisson, des pots de tomate…
Conscients certainement de la modicité de l'apport, les initiateurs ont promis de continuer la collecte dans le but d'accroître la contribution.
Au final, seule la Compagnie sucrière sénégalaise (Css) semble prendre la mesure des attentes, elle qui a contribué à hauteur d'un milliard.
Comme quoi, dans toute règle, il y a une exception.