Président du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Monsieur le Président de la République,
Par décret du 3 août 2016, vous aviez constaté mon élection en qualité de représentant du collège du deuxième grade au Conseil Supérieur de la Magistrature. Depuis lors, le Conseil que vous présidez, ne s’est pas réuni. Néanmoins, le ministre de la justice, chargé de préparer les propositions de nomination, a fait recours cinq fois, à la procédure dite de « la consultation à domicile » pour la désignation de magistrats, parfois à des postes très importants de l’appareil judiciaire. Cette procédure, consistant en une saisine individuelle des membres du Conseil pour recueillir leur avis sur les propositions formulées, ne garantit ni la transparence, ni le respect du principe constitutionnel de l’inamovibilité du juge. C’est la raison pour laquelle, elle n’a été utilisée par le passé, que pour des actes isolés et urgents (détachement, mise en position de stage ou nomination de magistrats après la formation initiale). Actuellement, sans doute conforté par la légalisation de cette pratique par la récente réforme de la loi organique sur le Conseil Supérieur de la Magistrature, le ministre de la justice y fait recours systématiquement. L’exception semble devenir la règle.
Il apparait ainsi évident, que l’institution constitutionnelle chargée de garantir l’indépendance de la justice, qui était certes à parfaire, est désormais dépouillée de toutes ses prérogatives. Dans ces conditions, il s’avère impossible, d’exercer ma mission dans toute sa plénitude; c’est-à-dire, de veiller au respect du statut des magistrats, en réunion du Conseil. C’est pourquoi, après en avoir informé mon collège, qui regroupe la majorité des magistrats, je suis au regret de vous demander, de bien vouloir prendre acte de ma démission du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Monsieur le Président de la République, la justice traverse aujourd’hui une crise profonde, étroitement liée au manque de transparence dans le choix des magistrats. Ainsi constate-t-on, un traitement de certaines affaires, qui renforce le sentiment d’une justice instrumentalisée et affaiblit considérablement l’autorité des magistrats. Bien évidemment, la vitrine de la justice ne doit pas être une magistrature sous influence, mais plutôt une magistrature indépendante et impartiale, démontrant constamment dans ses décisions, que la justice est exclusivement au service de la vérité.
Monsieur le Président de la République, en décidant de vous expliquer les motivations de ma démission, j’ai voulu en appeler non seulement au président du Conseil Supérieur de la Magistrature, mais surtout au chef de l’Etat qui, au regard des dispositions de l'article 42 de la Constitution, est le garant du fonctionnement régulier des institutions.
Dans le même ordre d’idées, la justice étant rendue au nom du peuple, celui-ci doit également être informé, du discrédit d’une institution constitutionnelle si essentielle pour la survie de notre démocratie.
Avec mes respectueuses salutations, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération.