Cheikh Anta Diop, le célèbre scientifique, Ousmane Sembène, le cinéaste, et même Serigne Cheikh Tidiane Sy sous Senghor, Abdoulaye Wade, Amath Dansokho, Landing Savané et bien d’autres sous Diouf, les Tanor, Niass, Idy, Bathily et consorts sous Wade, ont subi toutes sortes de brimades pour avoir osé défier le prince.
Notre démocratie a souffert de cette forme de syndrome qui diabolise les opposants, les jette souvent en prison lorsqu’ils ne subissent pas des formes d’ostracisme et de blocage à leur promotion ou celle de leurs proches.
Cette situation a favorisé le phénomène de la transhumance politique. Car, comme on le sait, ces formes de pression, une réelle violence politique, ne s’exerce que dans le souci de pousser les uns et les autres à rejoindre le camp du pouvoir.
Sous Macky, les choses n’ont guère changé, même s’il a lui-même souffert de cela sous Wade. Karim Wade a subi les dommages collatéraux de l’annonce prématurée de la succession de son père à la tête du Pds. Khalifa Sall dont le verdict pourrait tomber d’ici vendredi, a subi les affres de la Justice parce que simplement, il n’approuve pas les orientations de son parti, le Ps.
Nombre de lieutenants de Wade, membres du Comité Directeur du Pds, ont dû rejoindre le camp marron. D’autres comme Aïda Mbodj, Modou Diagne Fada, Aliou Sow, Farba Senghor, et j’en passe, sont entrés dans une aventure ambiguë qui affaiblit leur parti d’origine. Tout récemment, c’est Ahmed Fall Braya qui a étonné son monde en ne s’inscrivant pas dans la dynamique tracée par son parti à propos de la visite du Président français Emmanuel Macron.
Aujourd’hui, c’est Bamba Fall, le Maire de la Médina qui, du fait de propos qui prêtent à confusion, est entré dans cette danse même s’il s’en défend. Le Maire doit pourtant savoir que le simple fait que toute la République se déplace pour lui présenter des condoléances, celles faisant suite au décès de son oncle, est, en soi, une forme d’aveu d’existence d’actes de rapprochement entre le pouvoir et lui.
Personne n’est dupe. Il peut en effet se rétracter mais, ce qui est sûr, c’est que les Sénégalais ne le regarderont plus de la même manière. Il semble bien qu’il n’a pas fait exception à la règle : En pesant le pour et le contre, il a pensé qu’avec le pouvoir, il pourrait mieux servir sa commune et asseoir son avenir qu’avec Khalifa Sall qui risque une condamnation.
C’est un simple réflexe de conservation développé par nombre d’hommes et de femmes politiques sénégalais qui, souvent sous pression, oublient l’éthique.
C’est loin d’être nouveau.
C’est même un schéma classique : En faisant pression sur ses opposants, notamment sur ceux qui détiennent des responsabilités, le pouvoir arrive, par multiples subterfuges, à les convaincre de rejoindre d’une manière ou d’une autre ses rangs afin d’affaiblir ses adversaires.
Une situation qui montre, à suffisance, que le statut d’opposant est loin d’être aisé sous nos cieux. Ailleurs, on les tue. Ici, on les emprisonne et les prive d’opportunités de toutes sortes, une façon de leur mettre, au maximum, la pression.
Alors, comme dans une course de fond, seuls ceux qui sont vraiment endurants pourront tenir le coup.
Il est important pour cela, d’avoir assez d’entrées au plan national et international, de bénéficier de bonnes assises financières avec des sources de revenus qui échappent au contrôle de l’Etat et de rester prudent et vigilant. Les seules convictions ne suffisent pas.
Tous les transhumants ne sont pas dépourvus d’éthique, de dignité. Certains par eux ont été pris à la gorge et contraints d’amorcer un virage à 180° au risque de périr.
Comme quoi, l’entrée en politique se prépare.
Assane Samb