Je pense avoir joué mon rôle de directrice de label, de grande soeur, de Musulmane tout court. Elle a gardé le moral tout au long de la procédure.» Un ange passe. Aussitôt, ses amis artistes n'ont pas perdu de temps. Mines affligées, propos mesurés, verbes recherchés Zeynoul Sow, président des Acteurs de l'industrie musicale du Sénégal (Aim), Xuman, Guigui et Abdou Guité Seck ont cherché à toucher la fibre sensible du chef de l'Etat, demandant clémence après les propos «inélégants et déplacés» de l'artiste Amy Collé Dieng.
NGONE NDOUR: «Amy a fait une erreur, on demande pardon au Président»
Dans sa cellule où les pensées noires risquent d'escorter ses longues nuits, la chanteuse qui ne respire pas l'enthousiasme des gâtées de la vie, l'agitation déjouée des célébrités locales empêtrées dans un quotidien sans aspérités, est loin d'être décomplexée par la foule et la ronde des jugements hâtifs.
On peut le dire sans perdre la face devant l'objectivité: Amy Collé Dieng risque de s'éterniser en prison et l'angoisse monte crescendo auprès des artistes qui se mobilisent pour lui apporter réconfort, soutien, sourire aussi dans ces temps de galère. Abdou Guité Seck, artiste de peu de mots publics, chante la clémence : «Nous demandons pardon au président de la République et à la Justice de notre pays pour notre soeur Amy Collé qui est une femme de coeur, une femme extraordinaire, une femme que je connais personnellement et qui est très sensible.»
Le chanteur Saint-louisien chante pardon pour son Amy. Son angoisse perceptible, son inquiétude palpable. En écho, Ngoné Ndour embouche la même trompette. «Je ne cautionne pas ce qu'elle a dit, mais en tant que sa grande soeur, je demande clémence. Elle a fait une erreur et c'est la première fois qu'on l'entend proférer de tels propos. On ne peut que demander clémence au Président qui est le protecteur des Arts.»
Au domicile familial de sa défunte mère au quartier Hersent (Thiès), l'on tente de chasser l'angoisse, mais l'émoi revient au galop dès que l'on évoque le nom de Amy Collé Dieng. Drapée d'un boubou à l'effigie de Benno bokk yaakaar (Bby), sa cousine Marième Faye est très peinée. Elle maugrée, bougonne et tente de lâcher quelques mots: «Amy Collé est ma cousine. Nos deux mères ont les mêmes parents. C'est ici le domicile de sa défunte mère. Je ne lui connais pas un comportement insolent. J'ai appris la nouvelle comme tout le monde, à travers la presse», dit-elle sans chichis.
Assise dans l'arrière-cour de leur maison, elle fait le linge. Toiture en zinc adossée sur un bâtiment en banco, la concession ne paie pas de mine. A côté de la dame, se tient un jeune garçon de 5 ans. «C'est mon fils, il porte le nom du député Abdou Mbow. Je suis sa représentante dans ce quartier. Nous soutenons le Président Macky Sall. J'interpelle le député Abdou Mbow pour qu'il soit notre interlocuteur auprès du président de la République. Amy s'est trompée. Et nous lui présentons nos plates excuses, si c'est vrai que Amy Collé a tenu de tels propos», confie-t-elle, l'air hagard. Dans cette concession, tout le monde est triste, tout le monde est accablé ?
La peau dépigmentée, Absa Dieng, demi-soeur de Amy Collé Dieng, tient compagnie à sa tante Adama Sambe à l'entrée de leur concession familiale à Sampathé, quartier populeux de Thiès. Elle a les yeux rougis, les traits du visage tirés par une longue nuit d'insomnie. Elle n'a cessé de pleurer sa soeur gardée à vue par la Division des investigations criminelles à Dakar. Adama Sambe vend du pain à l'entrée de leur maison. Elle est autant troublée par l'affaire Amy Collé Dieng qui défraie la chronique ces temps-ci. A l'entrée de leur maison, se dresse une mosquée.
Cette parcelle avait été offerte à un homme religieux par le grand-père de Amy Collé Dieng, le marabout inspiré en avait fait un lieu de culte où l'on enseigne le Coran aux enfants du quartier. La famille Dieng s'émeut vivement de ce qui est arrivé à leur fille.
Famille griotte, les Dieng sont connus pour leur talent dans la chanson. Ses parents ont toujours chanté les panégyriques du Prophète Mouhamed (Psl). «Collé peut parfois avoir des habitudes incontrôlables», informe sa tante Adama Sambe.
«On ne mange plus depuis qu'elle est en prison»
Les propos de Amy Collé Dieng ont choqué, ils ont aussi surpris ses parents qui ne cessent de pleurer toutes les larmes de leur corps. Sa demi-soeur Absa Dieng est inconsolable. Mais elle prend son pinceau pour peindre sa soeur de coeur comme une femme charmante, douce et sans histoire. «Amy est ma petite soeur. Dans notre famille, on a tous de la peine. On ne mange plus depuis qu'elle est en prison. Si le Président Macky Sall lui pardonne, il le fera pour notre frère Birame Dieng, son seul frère de même père et même mère», confie-t-elle. L'on a tenté de câbler son frère, le choriste de la star planétaire, en vain. C'est lui sur qui, désormais, repose l'espoir de cette famille pour sortir sa soeur du pétrin dans lequel elle s'est jetée.
Fille de Alioune Mbaye Dieng et de Maguette Guissé, Amy Collé Dieng a grandi écartelée entre la maison de son père et celle de sa mère à Hersent. Son père qui chantait dans les cérémonies religieuses, vivait au quartier Sampathé. Durant toute son existence, il n'a chanté que le Prophète Mouhamed (Psl). Par contre, sa mère Maguette Guissé chantait dans les cérémonies familiales, notamment les baptêmes, les mariages, entre autres' Partout où elle se rendait, elle amenait sa fille Amy Collé Dieng qui n'avait même pas 10 ans. Toutefois, la petite Collé émerveillait l'assistance par sa belle voix.
Elle reprenait surtout les chansons de son père à l'intention du Prophète (Psl). Son oncle Couly Dieng dit : «Il arrive par moments à Amy Collé Dieng de piquer des crises, comme il en arrive chez certaines dames, mais cela n'a jamais entaché ses facultés mentales.» La vieille Ndèye Guèye qui n'a que trop entendu des témoignages sur sa filleule, n'a pu retenir ses larmes. Elle pleure sous le regard ahuri d'une ribambelle d'enfants innocents, étonnés par cette décharge émotionnelle subite.
A Thiès et ses environs, la magie de la voix fluette de Amy Collé Dieng fait des ravages. Il lui suffit de chantonner que tout Thiès tombe à ses pieds' Les nouvelles vont de bouche à oreille et cela finit par tomber sur l'oreille de la méga-star Youssou Ndour qui lui tend la perche en lui donnant le micro devant un stade Lat Dior, à l'époque, conquis par une si sublime voix.
«Je me souviens. Quand elle était toute petite, Youssou Ndour l'avait invitée à monter sur scène, lors d'un concert au stade Lat Dior de Thiès. C'est ainsi que Youssou avait commencé à la pister», se souvient Alioune Cissé, un voisin de la famille. Fana éperdue du roi du Mbalax, Amy Collé lui dédie une chanson. L'enfant de la Médina qui avait décelé le talent «fou, hors norme» de la chanteuse thiessoise, aurait même recommandé à la mère de Amy Collé de ne pas la laisser chanter dans les cérémonies à si bas âge. Amy accompagnait sa maman dans les cérémonies de «labane» ou mariage.
4 fois mariée, Amy a divorcé à 3 reprises
Amy Collé Dieng vit des relations imprévisibles, des chocs émotionnels semblables à des tremblements de terre sur l'échelle sentimentale de Richter. Amy dégage une belle voix, sa silhouette gracile et un visage poupin attirent les mâles empressés chez elle. Elle connaîtra un premier mari qui l'avait beaucoup chérie. «Son premier époux, Daouda, qui habitait à Usine Ben Tally à Dakar, a tout fait pour elle. Ils ont eu 4 enfants», soutient sa soeur Absa Dieng.
Elle va divorcer quelques années plus tard, puis se remarie avec Ndiaw Sambe, son danseur attitré avec qui elle aura deux enfants. Cette idylle sera aussi éphémère que polémique. Elle va encore convoler en troisièmes noces avec un marabout Mbacké-Mbacké avec qui, elle divorcera aussi plus tard. Amy Collé Dieng s'est mariée plusieurs fois pour divorcer autant de fois à cause de son comportement imprévisible et bizarre, narre-t-on.
Son oncle Couly Dieng estime qu'elle a toujours connu une existence tumultueuse. Après l'échec de son 1er mariage, comme possédée par des «Djinns», elle traînait dans les rues. On la voyait souvent avec son bébé sur le dos. «Elle a eu des hauts et des bas comme tout le monde, mais elle revient toujours à la réalité», explique un de ses proches. «J'ai toujours connu Amy Collé saine d'esprit. Il faut arrêter avec ces histoires», s'emporte Ngoné Ndour. A un moment donné, les rumeurs les plus folles ont couru sur Amy Collé Dieng et Gorgui Ndiaye. L'on a même fait cas d'une grossesse contractée par la chanteuse et dont le père ne serait personne d'autre que Gorgui Ndiaye. Mais le Rufisquois acculé par «L'Observateur» a fini par lâcher le morceau. «Un jour, nous étions au Mali pour une tournée. Sur place, j'ai remarqué que sa gorge gonflait et se dégonflait. Je le jure sur Dieu, d'aucuns disaient qu'elle avait été maraboutée.
D'autres, qu'elle était possédée par de mauvais esprits. Ne sachant plus à quel saint se vouer, j'ai pris l'initiative de la faire venir à Rufisque où j'habite. Je savais qu'il y avait des personnes capables de soigner son mal. Dans un premier temps, nous sommes allés, sans succès, chez une dame. Par la suite, on a été voir un autre homme à Ndar. Ce dernier avait dit pouvoir la soigner à condition qu'elle s'installe chez lui. Amy ne voulait pas y rester. Apeurée par l'ambiance et la présence des malades. Je lui ai suggéré de venir s'installer chez moi durant tout son traitement. Mon épouse et toute ma famille l'ont accueillie à bras ouverts», jure-t-il d'un trait.
Aujourd'hui, partout dans les ruelles sablonneuses de Sampathé et de Hersent, les fans prient pour que la chanteuse thiessoise recouvre la liberté. C'est tout le mal que lui souhaite Ngoné Ndour, directrice de son label, qui souhaite la tirer de cette mauvaise passe pour qu'elle continue sa carrière musicale. Puisque la prison n'est pas l'endroit idéal pour elle. «Ce n'est pas bien pour sa carrière.» C'est Ngoné qui le dit.
OUSSEYNOU MASSERIGNE GUEYE