Que se passe-t-il au Zimbabwe ? S’agit-il d’un coup d’Etat, bien que l’armée le nie ?
Ça y ressemble beaucoup, c’est vraisemblablement un coup comploté entre l’armée et l’ancien vice-président. Pour comprendre la situation actuelle, il faut savoir que la Zanu-PF, le parti du président Mugabe est très divisé, depuis 2014, entre deux principales factions : d’un côté, le camp d’Emmerson Mnangagwa, l’ancien vice-président limogé le 6 novembre dernier. De l’autre, la faction G40 (pour génération 40), pro-Grace Mugabe [âgée de 51 ans], l’épouse du président qui veut lui succéder. Les deux camps sont à couteaux tirés depuis une année. On assiste à l’apothéose de leur lutte.Le limogeage d’Emmerson Mnangagwa a vraisemblablement été téléguidé par la Première dame qui aspire à devenir vice-présidente pour être le successeur naturel de Robert Mugabe. En 2014, Grace Mugabe avait mené une campagne accusant la vice-présidente Joyce Mujuru de vouloir renverser le président, menant à son limogeage. Or Emmerson Mnangagwa est soutenu par l’armée. Il est difficile de ne pas voir de corrélation entre l’action de l’armée et le limogeage du vice-président. D’ailleurs le général Chiwenga a donné une conférence de presse lundi 13 novembre mettant en garde Robert Mugabe au sujet de la purge qui avait eu lieu dans le gouvernement et le parti (dont le limogeage de Mgangagwa).
Le soutien de l’armée à Emmerson Mnangagwa serait donc la motivation principale à cette prise de pouvoir ?
Les militaires s’inquiètent aussi de la situation économique qui s’est dégradée et de la confiance dans la monnaie qui s’est effondrée. Il y a une convergence des intérêts. Emmerson Mnangagwa a le soutien des milieux économiques, alors que Grace Mugabe les inquiète, car elle a une réputation très sulfureuse et est extrêmement dépensière. L’armée a d’ailleurs fait arrêter le ministre des Finances, qui est un soutien de la Première dame.
Quel sort l’armée va-t-elle réserver à Robert Mugabe ? Peut-il rester au pouvoir ?
Ce n’est pas un coup contre Robert Mugabe, c’est un coup contre Grace Mugabe, ou plutôt un règlement de compte entre les deux factions du parti présidentiel. C’est en quelque sorte un coup d’Etat interne à la Zanu-PF. Ce qui est frappant, c’est que jusqu’à présent toutes les tentatives pour faire quitter le pouvoir à Robert Mugabe sont venues de l’extérieur du parti, soit de la communauté internationale, soir du parti d’opposition MDC.