Depuis quelques semaines, il ne se passe plus un seul jour où la presse ne fasse état d’une démission au sein du groupe Futurs Médias (GFM). a ce rythme, on se demande si le puissant groupe médiatique de Youssou Ndour ne risque pas sombrer dans un état de collapsus incurable.
Si le groupe Futurs Médias (GFM) était un bateau, on n’hésiterait pas à dire sans ambages qu’il prend eau de toutes parts et que, si les secours n’arrivent pas à temps, il risque de couler avec le personnel navigant restant. Depuis le départ fracassant des figures de proue que constituaient Mamadou Ibra Kane et Alassane Samba Diop, respectueusement directeur de GFM et directeur de la RFM, Youssou Ndour assiste impuissant à une cascade de démissions et non des moindres. On peut citer entre autres l’animateur et très efficace commercial Dj Boub’s, à lui seul une agence de publicité, les journalistes Antoine Diouf, Khalifa Diakhaté, Ousmane Gueye, Adama Anouchka Ba, le duo d’humoristes Sylla Mougneul et Tonton ada. On suppute les départs imminents de Macoumba Bèye, de Georges Déthié Diop et de Ndaté Diop. Mais, pour ces derniers, toutefois, il ne s’agit pour l’heure que de supputations. La saignée ne s’arrête pas seulement au niveau de la rédaction centrale. Elle a atteint les correspondants régionaux dont plusieurs n’ont pas pu résister aux offres alléchantes du groupe e-Médias qui regroupe une radio et une télé.
LE SYNDROME DE WALF-FM
Certains Sénégalais que GFM ne laisse pas indifférents —et pour cause car ayant été jusqu’ici le groupe de presse le plus puissant du pays —, pour décrire ce qui se passe dans la maison du Roi du Mbalakh, utilisent la métaphore de l’arroseur arrosé. en effet, quand naissait en 2003 la RFM (Radio Futur Médias) sur les cendres de Sports-FM, Youssou Ndour n’avait pas lésiné sur les moyens pour démanteler le groupe de Sidy Lamine Niass alors au faîte de sa puissance et renforcer le sien.
L’hémorragie qu’avait subie Walf-FM, meilleure radio à l’époque devant Sud-FM selon les multiples sondages, l’a laissée exsangue au point qu’elle ne s’est jamais relevée de ce débauchage massif de ses meilleurs éléments. avec la configuration de la RFM, on parlait même de Walf-FM bis tellement la quasi-totalité de la rédaction de la radio du « Mollah de Sacré-Cœur » s’était déportée à Futurs Médias. Il faut rappeler que Mamoudou Ibra Kane (MIK) et Alassane Samba Diop(ASD), démissionnaires de Walf FM, étaient à la Radio municipale de Dakar (RMD) quand Youssou Ndour a fait appel à eux pour lancer l’aventure de la RFM. Ces journalistes qui avaient propulsé Walf-FM aux cimes de l’audimat avaient réussi en un temps record à propulser durablement la RFM en tête des sondages. Depuis plus d’une décennie, la RFM caracole en tête des audiences.
La Télévision Futurs Médias(TFM) qui est née en 2010 bat le même record d’audience que la RFM et occupe la première place parmi les télés. Tout a une fin et aujourd’hui, l’opinion a l’impression que l’empire Futurs Médias est comme un château de cartes qui s’écroule sous l’effet de la bourrasque de e-Médias Invest. Toutefois, des pontes tels que Assane Guèye, nouveau directeur de la RFM, Babacar Fall, promu directeur de la rédaction et Daouda Diouf, nommé directeur des programmes, restent dans le top management de GFM et résistent à cette tempête dévastatrice. Leur challenge, c’est d’éviter l’état de collapsus dans lequel Walf-FM est tombé quand la RFM a été porté sur les fonts baptismaux. Mais comment en est-on arrivé à cette saignée au sein du groupe de presse le plus puissant du Sénégal ? Comment Youssou Ndour qui dispose d’un puissant service de renseignements très huilé au sein de son groupe et en dehors s’est-il fait surprendre par le duo MIK et ASD ? D’être renseigné sur ces départs aurait en effet permis au magnat de la presse sénégalaise de faire avorter le projet médiatique de ses désormais ex-employés si l’on connait ses méthodes nocives et sa capacité de nuisance. Concernant MIK, des supputations avaient déjà fusé sur son éventuel départ lorsque, à la veille des dernières législatives, il avait pris une disponibilité de six mois pour de soi-disant raisons d’études. Mais celui que Youssou ne voyait pas venir, c’est le redoutable ASD. ainsi, ce duo de choc qui a guidé les premiers pas de Futurs Médias a fait preuve de discrétion extraordinaire de la gestation du projet jusqu’au murissement de son projet médiatique (radio et télé).
L’annonce de la démission de ces deux ténors du groupe médiatique le plus emblématique de notre pays a créé des secousses sismiques au sein de gFM même si Birane Ndour, directeur général adjoint et fils de Youssou, a tenté de minimiser les départs contrairement au nouveau directeur Assane guèye qui a appréhendé la profondeur de cette saignée difficilement « arrêtable ». Le patron de GFM, qui est maître dans l’art du débauchage et du limogeage, est aujourd’hui tombé dans un profond état traumato-paranoïaque au point qu’il a poussé le présentateur vedette de RFM-midi, Antoine Diouf, à la démission. Ce dernier qui a toujours assuré l’intérim d’aSD n’aurait pu supporter la lâcheté de Youssou Ndour dans la prise de décision pour nommer un nouveau directeur.
BIRANE NDOUR, LE VRAI PATRON DE GFM
GFM a toujours été caractérisé par des luttes de positionnement internes. Comme dans toute entité du genre, devrait-on dire.au sein des employés et même de la direction, la guerre des places, les coups bas, les petits meurtres se multiplient chaque jour. en avril 2012, quand Youssou Ndour avait été nommé au poste de ministre de la Culture et du Tourisme, le conseil d’administration du groupe Futurs Médias avait porté MIK, précédemment directeur de la RFM, au poste de Directeur général avec comme Directeur général adjoint (Dga), Birane Ndour, fils aîné de Youssou Ndour. Mais GFM est considéré comme une entreprise familiale parce que quand Youssou a été débarqué en 2014 du gouvernement, il a voulu reprendre en main ses pouvoirs au sein de GFM tout en reléguant MIK au poste de Dga. Ce que ce dernier a catégoriquement refusé selon le journal enquête qui avait ébruité l’affaire. Youssou finira par laisser MIK à son poste de Dg et son fils comme Dga. Mais il était évident que le vrai directeur plénipotentiaire, c’est le Dga Birane Ndour parce qu’il prenait des décisions sans en référer au Dg. MIK, c’était comme un roi dans une monarchie constitutionnelle où il n’est décisionnaire de rien. Depuis qu’on lui a flanqué le fils comme adjoint-doublure, MIK ne faisait qu’inaugurer des chrysanthèmes au sein de GFM.
La nomination de Birane au poste de Dga était donc une manière de river l’œil sur MIK qui bénéficiait d’un traitement salarial hors-norme et d’autres prérogatives disproportionnés, selon Youssou, à son rendement au sein du groupe. Jamais le PCa de GFM n’a voulu ouvrir le capital à ses employés comme certains l’ont toujours réclamé. et c’est ce qui confortait l’idée selon laquelle GFM est une entreprise littéralement Ndour où personne d’autre n’a sa place. Ce même si l’homme d’affaires Cheikh Amar est un puissant actionnaire du groupe. Ce que Youssou Ndour « oublie » souvent de mentionner. Cette situation de caporalisation exclusive du groupe de presse a fini par créer une atmosphère de méfiance, voire de défiance, entre le clan Ndour (Ndiaga, Birane, Bouba) et les autres employés non « ndourènes » de gFM. elle aura poussé un journaliste comme ASD à guigner autre chose où il aurait des actions. et c’est ce qui est arrivé avec ce nouveau groupe de presse qui va bientôt démarrer ses émissions. Avec e-Médias Invest, MIK et aSD ont eu ce que Youssou Ndour leur a toujours refusé au nom d’une patrimonialisation absolue de GFM. ASD et MIK auraient chacun 15% des actions du groupe là où Boub’s en a 20 %. La lourdeur des investissements du nouveau groupe de presse et l’immeuble flambant neuf qu’il occupe — même s’il n’y est que locataire — laisse croire que les directeurs démissionnaires de GFM sont soutenus par un bailleur qui n’a pas lésiné sur les moyens.
Comme jadis Youssou Ndour lorsqu’il s’est agi de démanteler le groupe Wal Fadjri ? au tout début de la démission de Mamoudou Ibra Kane et Alassane Samba Diop, la rumeur médiatique avait laissé entendre que le milliardaire Yérim Sow, fils de feu Alioune Sow CSe, était le promoteur du nouveau groupe de presse. Il n’en est rien puisque dans un communiqué daté du 20 août 2018, le groupe Teyliom de Yérim Sow a démenti « avec la plus grande fermeté les allégations contenues dans différents articles de presse relatifs à une prétendue implication de son président dans le lancement d'un nouveau groupe de presse au Sénégal ». en conséquence,«il n'existe aucune relation d'affaires entre le groupe Teylio met les dits promoteurs comme le laisse entendre une partie de la presse ».
Pourtant lors de sa disponibilité de six mois, MIK s’est beaucoup entretenu avec Yérim Sow aux Etats-Unis pour discuter d’un projet médiatique. Mais l’affaire n’avait pas abouti comme le souhaitaient MIK et aSD. Mais des sources très sûres nous affirment que le bailleur du projet e-Médias n’est rien d’autre que l’ancien administrateur provisoire de AHS Abdoulaye Sylla.
ABDOULAYE SYLLA, LE BAILLEUR
Abdoulaye Sylla est l’administrateur de la Société ecotra Sa qui est adjudicataire du marché de l’assainissement du pôle urbain de Diameniadio à hauteur de 140 milliards de francs CFa après un appel d’offre dont le manque de transparence avait été décrié par tous les concurrents de ecotra. Cette même entreprise a bénéficié du marché de réfection et de construction de casernes de gendarmerie pour un montant de 60 milliards. est-il vraiment derrière la constitution du groupe e-Médias ?On le saura avec la ligne éditoriale de e-Médias. Le groupe va-t-il verser dans la radicalisation contre le pouvoir ou va-t-il verser dans l’équilibrisme, ménageant la chèvre et le chou ? Va-t-il être un contrefeu de GFM ou son frère siamois ? Le démarrage prochain des activités e-Médias nous édifiera sur le vrai projet éditorial du groupe de MIK et aSD. Une chose est en revanche sûre : sa naissance constitue un retour de flammes pour le magnat Youssou Ndour qui, jusque-là, démantelait les groupes de presse adverse. eT qui doit assister impuissant, désormais, à la mise à mort programmée de son groupe. Ce même s’il n’a pas encore dit son dernier mot.