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Yakham Mbaye : «Le Président m’a parlé et indiqué ce qu’il souhaitait et j’ai obtempéré»

POLITIQUE
Mardi 26 Septembre 2017

Dans cette interview exclusive accordée à Dakaractu, Yakham Mbaye explique comment Macky Sall l’a fait revenir à de meilleurs sentiments et sur sa décision de démission du parti au pouvoir.


Yakham Mbaye : «Le Président m’a parlé et indiqué ce qu’il souhaitait et j’ai obtempéré»
Monsieur le ministre, est-il vrai, comme ça nous a été rapporté que finalement vous vous êtes retrouvés le Président Macky Sall et vous, et que vous avez reconsidéré votre démission de l’Apr ? 
  
Le lien entre le Président de la République et moi n’a jamais été rompu, pour qu’on puisse parler de retrouvailles. 
  
Pourtant, ce n’est pas la perception des Sénégalais depuis votre démission fracassante de l’Apr… 
  
D’un événement, tout un chacun est libre d’avoir sa perception, qui, cependant, n’est toujours pas la vérité. 
Permettez que je me répète en rappelant mes déclarations d’il y a deux semaines : d’une part, la décision que j’ai prise, le 09 septembre dernier, de démissionner de l’Apr n’a jamais eu pour cause une quelconque mésentente entre le Président de la République et moi. D’autre part, elle ne découle pas de ma non-reconduction dans la nouvelle équipe gouvernementale formée le 07 septembre 2017, ou d’une nomination à un autre échelon de l’Etat. 

Au Président de la République, j’avais exprimé le vœu, des mois auparavant, de ne plus figurer dans l’équipe gouvernementale, s’il devait y avoir un remaniement, après les élections législatives. Il ne m’avait été donné aucune réponse relativement à ce souhait. Ce sera le cas bien après, avant la publication de la liste des ministres composant le nouveau gouvernement. En effet, le 07 septembre 2017, j’ai su que j’allais incessamment être à un autre niveau de responsabilités d’où je pourrai servir au mieux le Président de la République. 

Donc, peut-on raisonnablement croire que l’acte posé le 09 septembre 2017 puisse être relatif à la perte d’une responsabilité escomptée ? 

Je n’ai jamais demandé une nomination au Président de la République. Au contraire, bien avant qu’il me nomme ministre, en juillet 2014, sans m’aviser, il avait voulu, en avril 2012, puis en décembre de la même année, me placer à d’autres échelons. Mais, à l’époque, toutes mes énergies étaient vouées au développement de l’entreprise de presse que je venais de fonder. 
  
D’accord, mais vous n’avez pas répondu à la question relative à la renonciation à votre démission… 
  
La réponse est simple : tout au long d’échanges profonds et francs, le Président de la République m’a signifié que ma décision est, à ses yeux, inopportune et mauvaise. En conséquence, et en dépit du fait qu’il m’a dit avoir compris les motifs qui m’ont poussé à pareille extrémité, il ne peut accepter cette démission. En somme, s’il n’a jamais douté de ma ferme volonté d’être à ses côtés et à son service, il n’en exige pas moins que je demeure dans les rangs de son parti. En vérité, l’essentiel de nos divers échanges renvoie plus à des leçons de vie qu’à la politique. Lorsqu’il s’est agi d’apprécier l’acte que j’ai posé le 09 septembre 2017, il n’a pas été trop question de rhétorique. Il m’a parlé et indiqué ce qu’il souhaitait, je l’ai écouté et entendu, et j’ai obtempéré. 
  
Est-ce que vous ne craignez pas d’être mal jugé comme Youssou Touré ? 
  
Je ne crains absolument rien ! Je ne suis pas Youssou Touré ou un autre. Je suis Yakham Mbaye et non un reptile. Mes convictions ne sont pas en caoutchouc, à géométrie variable. Pour moi, un ancien ministre est une tombe et non une cloche qui carillonne. Par conséquent, aucun secret d’Etat n’est tombé de mes lèvres. Je n’ai dit du mal de personne, sinon indexer en les nommant les adeptes du coup de Jarnac, et remettre à l’endroit Tartuffe tenté de me dispenser un cours d’éthique. Je ne retire pas une virgule de ce que j’ai dit à leur endroit. Je ne cherche aucune justification, encore moins un quelconque pardon, car je n’ai porté tort à personne en me laissant emporter par l’émotion. J’ai pris et assumé une décision parce que j’en étais arrivé à un point où je ne pouvais plus encaisser et digérer, sans réagir, une multitude de coups infâmes portés à mon honneur. 

Certes, j’ai ressenti une certaine gêne en écoutant le sermon du Président Macky Sall, qui est une personne juste, lucide et clairvoyante, admirablement bien placée pour mesurer ce que j’ai enduré. Il est assez persuasif pour ramener à sa raison une personne blessée et révoltée. Tout au long de nos échanges, il a eu des mots justes et réconfortants à mon endroit. Parallèlement, il n’a pas pris de gants pour pointer des manquements qui renvoient à mon degré de résilience, car, en définitive, et j’en conviens, nous sommes en politique et non dans un monastère. 
  
Et la Première Dame ? 
  
Quoi la Première Dame ? 
  
Parce qu’il a été beaucoup question d’elle dans les événements liés à votre démission… 
  
Je vais vous faire une confidence qui, sans nul doute, ne va pas ravir quelques éléments de ma famille politique qui ont œuvré inlassablement à ma perte. Mais, tant pis pour eux ! La Première Dame est avec mon frère aîné, Papa Yama Mbaye, à qui je rends un hommage appuyé, les deux personnes qui ont été permanemment à mes côtés durant ces quinze derniers jours d’épreuves marquantes. 
Quotidiennement, depuis l’étranger, ici au Sénégal, elle a été présente à mes côtés. Comme elle a eu à le faire à plusieurs reprises, dans le passé, alors même que personne ne songeait qu’elle serait Première Dame du Sénégal. Sans nul doute, elle me considère comme un membre à part entière de sa famille. 
  
Donc, votre supposée brouille relève de contre-vérités ? 
  
Je vais vous faire une autre confidence : hier, lundi, comme au bon vieux temps, j’ai passé presque toute la soirée avec elle et sa famille. Sa mère, son père, qui ont fortement prié pour moi, à l’instant où avec elle je prenais congé d’eux, laissant sur place ses frères, Mansour Faye, Iba Faye, Adama Faye et Malick Seck. Tous, nous avons passé de longues heures ensemble, en famille. Ce qui me lie au Président de la République, à la Première Dame et à leurs familles, est antérieur et sera postérieur à la politique et aux positions qu’elle induit. En dépit des turbulences de la vie, j’ai l’intime conviction qu’il en sera ainsi jusqu’après 2024, Inch Allah. 

En définitive, je remercie tous ceux qui ont tenté d’œuvrer à ma perte, car ils m’ont rendu d’inestimables services. En politique, on a beau être vigilant, méfiant, jamais on ne sera à l’abri de coups de boutoirs assénés par des mains imprévues. En quelques jours, le propos de Antigonos («Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m’en charge»), m’est apparu dans toute sa vérité cruelle. 
  
A quel niveau de responsabilité étatique on va retrouver prochainement Yakham Mbaye aux côtés du Président Macky Sall ? Dans une ambassade, comme dit avec insistance ? 
  
C’est dommage pour ceux qui ne me portent pas dans leur cœur et n’aiment pas me voir dans leur champ de vision : je ne suis pas candidat à l’exil. J’en ai même ri avec le Président de la République. 
Et pourquoi un niveau étatique ? Je ne suis pas de ces politiciens qui ont fini l’école pour automatiquement gagner leur premier emploi grâce à la politique. J’ai gravi tous les échelons de la profession de journaliste, de stagiaire à Directeur de publication, sans prendre des voies de contournement. 
Ensuite, j’ai dirigé, alors que je n’avais que trente-deux ans, en 2002, la première entreprise de presse privée du pays (ndlr : le Groupe Com7) forte de près de deux cents employés. J’ai démissionné de cette position enviée et enviable, m’engageant à fond aux côtés de Macky Sall, alors à la quête de la magistrature suprême. 

Enfin, avant que Dieu ne le place à la tête de ce pays, j’ai fondé avec le concours de mon ami Cheikh Amar ma propre entreprise de presse éditrice de l’un des plus importants quotidiens d’informations générales (ndlr : Libération) du pays, qui participe modestement au renforcement de la liberté d’expression. 
Dans cette profession, j’ai connu des heures de gloire, tout comme des moments dont je suis peu fier. 
J’ai servi avec engagement et détermination le Président Macky Sall, plusieurs années durant, sans être dans les sphères étatiques. Mais, s'il devrait en être ainsi demain, c’est parce que le Président Macky Sall le voudrait, et en dernier ressort, Dieu disposerait. 
  
Comment entrevoyez-vous votre avenir politique ? 
  
Je ne suis pas un politicien carriériste. Cependant, à l’analyse, j’ose dire que la somme de mes engagements aux côtés du Président Macky Sall n’est pas entachée. Secrétaire d’Etat à la Communication, aux côtés du Ministre de la Culture et de la Communication, mon grand-frère et ami Mbagnick Ndiaye, j’ai été au cœur de la production, de la défense et de l’achèvement de l’un des plus importants chantiers du Président Macky Sall : le projet de Code de la Presse. 

Au plan politique, d’une part, sur instruction du Président de notre parti, je me suis engagé à fond dans la Commune de Dakar-Plateau où j’ai réanimé l’Apr qui agonisait, avant de la remettre sur pied et la conduire, avec d’autres valeureux militants de la première heure, à des victoires électorales. Là-bas et au niveau départemental de Dakar, je me suis dépensé sans compter pour l’Apr et Bennoo Bokk Yakaar. 

D’autre part, durant les trois années de ma présence dans le gouvernement, sous l’autorité directe du Premier Ministre, Mouhammad Boune Abdallah Dione, un homme sérieux, d’une «loyauté granitique», pour reprendre le propos du Président Moustapha Niasse, je n’ai jamais déserté lorsqu’il s’est agi de se battre pour défendre le bilan et la renommée du Président de la République, face aux menées subversives de nos adversaires et ennemis. Je ne regrette rien. 

Pour le reste, peut-être qu’il m’est arrivé d’être incompétent dans la conduite de certaines de mes missions, mais jamais je n’ai été déloyal vis-à-vis de mon parti et de son chef. 
En somme, mon avenir, je le vois combattant, sans frémir, aux côtés du Président Macky Sall à qui j’ai fait une promesse, cette semaine. D’ores et déjà, j’essayerai, avec l’aide de Dieu, de faire miennes deux vertus qu’il porte en lui en permanence, et qui me font parfois défaut : le sens du pardon et la mesure.

Source : Dakaractu
 

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