En 2021, plombé par la pandémie de Covid 19, le mandat de Félix Tshisekedi s’est soldé par un bilan en demi-teinte. S’il a été l’occasion du « retour de la RDC sur la scène diplomatique », selon le président congolais, il a aussi été marqué par de nombreuses crises. Trois coups d’État en Afrique de l’Ouest et une une grave crise politique en Ethiopie, là même où se trouve le siège de l’UA.
Si la pandémie le permet, c’est donc à Addis-Abeba que Macky Sall devrait prendre les rênes de l’organisation. Après Félix Tshisekedi, il sera chargé de tenter de trouver une solution au conflit entre les forces gouvernementales éthiopiennes et le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), alors même que ces derniers ont taxé l’UA de « partialité » et que les efforts menés par le représentant de l’organisation continentale, l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, pour tenter d’obtenir un cessez-le-feu, ont tous échoué.
Des transitions militaires qui se prolongent
Les transitions militaires en Guinée, au Tchad et surtout au Mali, voisin du Sénégal, seront suivies de très près par Macky Sall. Le président sénégalais a donné le ton, en décembre, dans un entretien accordé à RFI et France 24. « Nous ne pouvons pas accepter que dans cette partie de l’Afrique, des militaires prennent le pouvoir par les armes. Nous sommes en démocratie et le pouvoir se conquiert par les élections », a dénoncé le chef de l’État en insistant sur le fait que ces régimes transitoires devaient prendre fin et céder leur place à des autorités issues d’élections libres et transparentes.
« La résolution de ces différentes crises politiques est une urgence », lance un diplomate sénégalais. D’autant plus que le Sahel englué depuis 2012 dans une guerre contre le terrorisme. La menace n’épargne même plus les pays côtiers. Si, pour l’instant, le Sénégal a échappé aux attaques, les activités des groupes armés présents au Mali comme la Katiba Macina d’Amadou Koufa ou le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) se rapprochent du sud est aurifère. Les deux pays partagent 480 km de frontières.
Quelle réponse sécuritaire adopter face aux terroristes ? Cette question sera une préoccupation majeure pour Macky Sall. À plusieurs reprises, le président a appelé à ce que le mandat des opérations de maintien de la paix de l’ONU soit plus robuste.
Le débat se pose avec acuité depuis l’annonce du retrait d’une partie des militaires de l’opération française Barkhane au Mali. Lors de la septième édition du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité, qui s’est tenu début décembre, le prochain président en exercice de l’Union africaine a estimé que « ce [n’était] pas aux Nations unies » d’assurer la sécurité de l’Afrique mais aux Africains eux-mêmes. L’idée de la création d’une force d’intervention à l’échelle continentale a donc ainsi été remise sur la table. Annoncé par plusieurs chefs d’État africains en 2013, lors du forum de l’Élysée sur la paix et la sécurité en Afrique, ce projet ambitieux n’a jamais vu le jour.
« L’initiative avait été prise à bras-le-corps par le président Idriss Déby Itno, qui avait pleinement conscience de la menace sécuritaire. Mais plusieurs de nos chefs d’État n’ont pas la même détermination. C’est un peu comme si certains d’entre eux avaient encore besoin d’être convaincus », estime Cheikh Tidiane Gadio, ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères et actuel vice-président de l’Assemblée nationale.
La lutte contre le Covid-19 au menu
Outre les questions sécuritaires, Macky Sall est aussi attendu sur le terrain de la lutte contre la pandémie de Covid 19 Moins de 10 % de la population du continent seulement est entièrement vaccinée, notamment à cause de l’inégalité d’accès des pays aux vaccins. L’Afrique ne répond en réalité elle-même qu’à 1 % de ses besoins et reste très dépendante de la générosité des pays riches à travers le mécanisme Covax. La souveraineté vaccinale des États africains sera donc l’un des enjeux de la présidence du chef de l’État sénégalais. D’autant que le variant Omicron est jugé plus contagieux que les précédentes souches.
En avril 2021, un partenariat pour la fabrication de vaccins africains a été lancé par l’UA avec l’appui de plusieurs institutions financières, dont la banque panafricaine Afreximbank. L’objectif affiché est de faire passer la production locale à 60 % à l’horizon 2040.
Mais Dakar est en avance sur cette question. Une production par l’Institut Pasteur doit démarrer dès 2022. « À terme, nous visons une capacité de production de 300 millions de doses. Ce n’est pas un projet uniquement destiné à satisfaire les besoins du Sénégal, l’objectif est continental », affirmait début décembre à Jeune Afrique Amadou Sall, le directeur de l’Institut Pasteur de Dakar.
Relance l’économie avant tout
Quid de la relance économique post-covid. Bien qu’ayant relativement échappé au désastre sanitaire, l’Afrique a toutefois connu en 2020 « sa pire récession économique » des cinquante dernières années, selon la Banque africaine de développement. « Le financement de la relance pour créer des emplois, pour relancer la machine économique, me paraît fondamental », a déclaré Macky Sall au micro de RFI et de France 24.
NOUS ALLONS CONTINUER À NOUS BATTRE POUR QUE CESSE CETTE INJUSTICE FAITE À L’AFRIQUE
Selon les prévisions du Fonds monétaire international (FMI), l’Afrique subsaharienne devrait renouer timidement avec une croissance de 3,7 % en 2021 puis de 3,8 % en 2022. Une reprise que devraient accélérer les droits de tirage spéciaux (DTS), un fonds d’urgence de 650 milliards de dollars lancé en août par le FMI. Un « ballon d’oxygène » qui reste insuffisant pour les économies des pays africains, qui demandent 100 milliards de dollars. Selon Macky Sall, ce montant est proche d’être atteint grâce au soutien des États-Unis, de la France ou encore de la Chine, qui ont décidé de transférer une partie de leurs DTS aux pays en voie de développement.
Autre défi pour le président sénégalais : obtenir des sièges de membres permanents au Conseil de sécurité de l’ONU pour l’Afrique. Début décembre, lors du Forum de Dakar, Macky Sall et le Sud-Africain Cyril Ramaphosa ont dénoncé l’absence du continent à cette table. « Il est injuste que le continent, avec 54 pays, ne soit pas représenté comme membre permanent au Conseil de sécurité. Avec l’Afrique du Sud, avec tous les autres pays, nous allons continuer à nous battre pour que cesse cette injustice faite à l’Afrique », a déclaré Macky Sall, qui s’est dit favorable à l’attribution d’au moins deux sièges au continent. « Ce sont des prétentions qui sont justifiées. D’autant qu’au Conseil de sécurité, une grande partie des dossiers portent sur l’Afrique », estime un diplomate sénégalais en poste aux Nations unies.
Jeune Afrique