Personne ne nie la qualité et le professionnalisme de plusieurs des responsables et animateurs de son groupe que je connais. Là n’est absolument pas la question. La question qui interroge le journaliste que je suis (si si..) et le citoyen qui se veut sentinelle du fonctionnement de notre République, c’est pourquoi Monsieur le président, vous prenez un malin plaisir à tuer le service public médiatique tout en lançant une opa sur la plupart de nos organes de presse ?
Vous aviez promis de libérer le service public médiatique et de favoriser l’accès équitable des acteurs politiques et sociaux. Or, on constate que rien n’a changé sous votre magistère. Vous continuez d’observer la mort programmée par TOUS vos prédécesseurs de notre agence nationale de presse (APS). Or, une agence de presse est le premier service d’information, de diffusion, de l’information des décideurs publics.
La télévision publique persiste dans la confusion voulue et entretenue entre service publique et service (être au service) du gouvernement. Pourtant, l’homme que vous avez nommé à la tête de la télévision est un Professionnel jusqu’au bout des ongles ...du pied. De la RTS dans les années 80 à la merveilleuse expérience de « Sud », nous avons cheminé ensemble dans des «mortal-combats » pour la démocratie et la liberté de la presse. En ces années-là à la RTS, les responsables avaient un mot d’ordre: « tant que nous serons ici, Wade ne passera pas ici ». Comme si le service public appartenait à leurs parents et au régime socialiste. Que fit Wade ? Nommer ces gens-là à la présidence pour polir et diffuser sa parole.
Dans ce naufrage du service publique de l’audiovisuel, la radio tire son épingle du jeu en respectant les règles du service public : le droit à l’information du public et l’accès équitable au service public des acteurs politiques et sociaux. Seulement, malgré leurs efforts, ils paient l’histoire de la RTS : « rien tous les soirs » comme le nomma un grand confrère de l’APS (tient ! tient !) Mamadou Amath, alias « Yamatélé ». Parce que voyez-vous, la classe politique dans son ensemble est...comment dire, amoureux de son image. Il faut qu’ils soient vus par leur chef, leurs militants, leurs maîtresses et autres flagorneurs. Le chef lui-même, à défaut de prouver qu’il travaille, fait de l’enfumage télévisuel…
Quelles sont belles nos autoroutes « même si elles ne sont pas éclairées (comme l’a dit si finement un ministre de la République) ! Vous voyez notre aéroport, notre future nouvelle cité avec un futur troisième palais (« oh pas pour moi, mais pour mes successeurs ») ; que dites-vous du Ter etc. Tout cela est appelé œuvres « de la dernière génération « ! Mais bien sûr, puisqu’elles viennent d’être construites ! Le « m’as-tu vu » tue le « faire »; le cinéma télévisuel remplace les réalisations.
Le président et son chef de gouvernement ont donc choisi les médias de son Ministre conseiller et ami qui, pour dire son indignation des rapts et meurtres d'enfants (depuis Kigali ? Dans l’avion ? Par téléphone ? qu’importe !) Qui, la radio un dimanche de grande écoute, où les heureux sélectionnés sont interrogés par un « grand jury » où le seul juré est aussi le juge, et le procureur qui parle au nom de la société ! Des auditeurs (?). Terrible tribunal !....
Alors, alors, est-ce faire preuve de mauvais esprit que de penser que le "coup de gueule" (qui n’en était pas un du reste mais bien buzzé) du patron de GFM a eu l’objectif visé: remettre ses outils médiatiques (radio, télé, quotidien) au cœur du débat-jeu politique pré-présidentiel. Pour le deuxième mandat au premier tour, comme le rêvent le président et ses souteneurs. Le postulat-pari du camp présidentiel est semble-t-il le suivant : au service public de l’audiovisuel discrédité (par lui-même d’abord) les litanies du gouvernement de 20h, au GFM « l’info chaude et importante » pour donner plus de crédit à la parole présidentielle et gouvernementale....
Et puis il y a cette démission des forces démocratiques et citoyennes à exiger un vrai service public de l’audiovisuel, le droit des citoyens à des informations diversifiées et crédibles. Parce qu’il s’agit bien de « biens publics » qu’on a délibérément mis au service du camp du pouvoir. C’est tout le monde qui paie les impôts qui servent au fonctionnement de ses services publics. Alors la moindre des choses est qu’ils soient vraiment « des services publics pour tous, de tous », n’est-ce pas monsieur le premier ministre qui croit avoir trouvé une nouvelle extension du slogan présidentiel : « un pays pour tous, de tous, donc parrainage pour tous ». Que c’est profond !
Demba Ndiaye, journaliste