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Serigne Fallou Dieng : «Le Sénégal est un terreau de subversion et de déliquescence morale»

POLITIQUE
Lundi 5 Février 2018

Serigne Fallou, président du cercle des intellectuels soufis, analyse la visite du chef de l’Etat français, Emmanuel Macron, et se prononce sur le tollé suscité par la venue de la chanteuse Rihanna à la conférence du Partenariat mondial sur l’éducation.


Serigne Fallou Dieng : «Le Sénégal est un terreau de subversion et de déliquescence morale»

L’Essentiel : Comment analysez-vous cette visite de Macron au Sénégal ?

Serigne Fallou Dieng : Une visite fraternelle effectuée dans un pays ami et partenaire dont les liens politiques et économiques sont déterminés par une histoire commune. Certes cette s'inscrit dans le cadre du renforcement de la coopération bilatérale et multilatérale avec comme point orgue la conférence de financement du Partenariat mondial pour l'éducation (PME), mais tout de même cette revêt un caractère assez particulier compte tenu du moment et du contexte de grande interpellation et grande évaluation auxquelles les rapports franco-sénégalais se font l'objet.

Quelle signification donner à cette visite au plan économique ?

On pourrait attendre la subvention et le financement de l'école sénégalaise mais les sommes semblent être dérisoire eu égard au décaissement échelonnés et à l'assiette des bénéficiaires. Seulement, c’est une visite ratée - sur fond de malaise politique - pour Emanuel Macron. Parce que le Président se présentait comme le héraut d'une nouvelle France, à savoir la France du renouvellement et celle de la nouvelle conquête et de l'esprit des finances. Donc une France qui prétend opérer des ruptures mais qui met en application toujours l'ancienne pratique peu scrupuleuse de la Françafrique.
Mais cette profession de foi n'a pas pu être traduite face aux ambitions dominatrices de la France devant un marché africain très alléchant. Donc les déclarations d'intention — d'un Macron candidat hâbleur qui tenait le haut du pavé dans les débats sur les méfaits et caractères hideux de la Françafrique — sont restées dans les limbes d'un vœu pieux qui se manifeste en «sentiment idéaliste» non viable dans un contexte de realpolitik. Tout le monde attendait un débat sur la mainmise des privées françaises sur le marché sénégalais et leur accaparement du marché de l'emploi.  

Macron perpétue-t-il la politique africaine de la France ou bien opère-t-il une rupture avec ses prédécesseurs ?

Ni une rupture disruptive, ni une invention incrémentale n'ont eu lieu de cette visite de Macron. Ce dernier semble actuellement en train d'analyser des «poker menteur» dont certains tyrans africains, comme Macky, se prêtent à l'aréopage politique français. Mais c'est une grande erreur pour la France d'agir de la sorte. Car la visite de Macron pourrait nous en servir un effet de miroir. Car le défaut des rapports pacifiques entre l'État, la vie civile et la religion ont pesé négativement sur la chaleur d'un accueil populaire qu'aurait dû avoir le président Macron, hôte du Sénégal, une terre de téranga et d’hospitalité.

Comment analyser le tollé soulevé par la venue Rihanna ?

Je ne m'y souscris pas. D'accord Rihanna est un produit de entre guillemet de subversion morale. Mais le Sénégal est un terreau de subversion et de déliquescence morale. Les danses de «lembeul salace» endiablées, les nuisettes et autres habits dépoitraillés que les bringueurs portent dans les boites de nuit sénégalaise n'ont rien à envier en termes d'orgies et de vice à l'exhibitionnisme de Rihanna. Ce n'est pas Rihanna qui trimballe dans ville du Sénégal de culture de «féminité sulfureuse», ce n’est pas elle qui a inspiré la «génération de décolletés». Si on parle de perversion ou d’autres choses péjoratives sur Rihanna, commençons par les chercher chez nous-mêmes. On verra pire.
 
Le marché sénégalais est inondé des portions aphrodisiaques, des sex-toy et d'autres godemichets. Pourtant ces libations aphrodisiaques qui entrainent souvent des morts subites ne sont jamais décriées par ces pseudo-gardiens de la foi. Les priorités sont ailleurs.

 

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