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RETROUVAILLES MACkY-WADE : Une opportunité ou une fatalité pour Sonko ?

POLITIQUE
Mardi 8 Octobre 2019

La mosquée Massalikul Jinane a été le jour de son inauguration, le vendredi 27 septembre dernier, le point de convergence de musulmans d’obédiences confrériques différentes. Mais cette maison de Dieu aura été aussi le point de ralliement de tous les hommes et femmes politiques du Sénégal même si l’on peut présumer que leur présence était plus motivée par la spiritualité que par la chose politicienne.


RETROUVAILLES MACkY-WADE : Une opportunité ou une fatalité pour Sonko ?
L’occasion était belle pour montrer, en dépit des luttes âpres sur
le champ politique, que tous pouvaient être unis autour du bien commun qu’est le Sénégal. C’est pourquoi contexte ne pouvait être plus opportun que de créer les conditions de retrouvailles entre l’ancien président Abdoulaye Wade et son successeur Macky Sall qui, pendant plus d’une décennie, ne se sont pas parlé à cause de problèmes politiques. Une brouille qui avait atteint son point d’orgue quand, une année après l’accession de Macky Sall à la magistrature suprême, Karim Wade, fils du président Wade qui a fait de l’actuel chef de l’Etat, directeur de Pétrosen, ministre de l’Energie, ministre de l’Intérieur, Premier ministre et président de l’Assemblée en presque huit ans, Karim, donc, a été accusé et condamné à six ans de prison ferme et 138 milliards de francs CFA d’amende pour enrichissement illicite.

Le duo Wade-Sonko : la terreur de Macky

Ce différend entre les deux présidents, l’ancien et l’actuel, écornait l’image du Sénégal démocratique connu pour ses alternances apaisées même si l’on note que certaines périodes préélectorales ont été sujettes à des troubles souvent mortifères. Malgré toutes les tentatives de réconciliation les deux hommes entreprises par des personnes de bonne volonté composées de notabilités politiques, coutumières et religieuses, aucune avancée n’a été enregistrée dans le contentieux Macky-Wade.

Pendant toute la durée du septennat de Macky Sall, Wade n’a jamais manqué de déverser ses diatribes sur son successeur. Il menait ainsi son combat contre celui qu’il considère comme étant au début et à la fin des malheurs de son fils, de l’emprisonnement à l’exil à Doha de celui-là. La conséquence des malheurs de Karim Wade, investi pour porter le flambeau du Pds à la présidentielle de février dernier, a été la désagrégation du parti de son père. L’incertitude de la participation du Pds – qui excluait tout plan B – à la présidentielle a favorisé le rapprochement du Pape du Sopi avec d’autres partis de l’opposition. Toutefois, de tous les hommes politiques, celui dont Wade est le plus proche actuellement c’est Ousmane Sonko.

L’ancien président admire le courage et la lucidité du leader de Pastef. D’ailleurs en fin juillet nier, Ousmane Sonko, comme il l’avait fait à quelque deux semaines de la présidentielle, a rendu visite à Wade pour discuter politique. Cela dit, il convient de souligner que la proximité entre Wade et Sonko, les deux hommes politiques les plus virulents contre Macky Sall, participe d’une stratégie politique consistant à apeurer le leader de Bennoo Bokk Yaakaar au cas où cette entente qualifiée de contre nature déboucherait sur une alliance d’actions. Ousmane Sonko avait flétri le comportement des opposants qui sont allés répondre au dialogue politique en abandonnant le combat mené pour Karim Wade et Khalifa Sall.

Il faut préciser que les franges dissidentes du Pds et du Pastef n’ont jamais reçu l’aval de leurs partis respectifs pour siéger audit Dialogue. Wade et Sonko avaient considéré, lors de leur rencontre de juin dernier, que « la participation de l’opposition à celui-ci la détournerait des vraies difficultés des populations qui subissent déjà de fortes hausses décidées par le gouvernement sur les prix des produits de première nécessité » avant de déclarer qu’« ils comptent établir en- semble des programmes de résistance pour le respect du calendrier républicain ». Pour atteindre leur but consistant à apeurer le président Macy Sall, Wade et Sonko devaient donc surmédiatiser leurs rencontres pour donner l’illusion que quelque chose se trame contre l’actuel président.

A la veille de la présidentielle, le Patriote en chef a failli bénéficier d’une consigne de vote de la part de Wade si la réunion de Conakry du 16 février ne s’était pas tenue. Lors de cette rencontre dans la capitale guinéenne, Alpha Condé, avec les soutiens de ses homologues de la sous-région, avait obtenu de Wade qu’il ne perturbe pas le scrutin à venir parce que cela pouvait avoir des répercussions désastreuses dans les pays voisins. En retour, les chefs d’Etat de la sous-région s’emploieraient à contraindre Macky Sall à régler le cas Karim en cas de victoire à la présidentielle.

D’ailleurs, au retour de Conakry, le discours de Wade qui appelait à une insurrection le jour du vote s’est mué en une abstention effarante. D’ailleurs, cette consigne d’abstention de Wade lors de la présidentielle avait été perçue comme un soutien implicite à son ennemi juré Macky Sall si l’on sait que les militants libéraux très remontés contre Macky auraient voté majoritairement pour l’opposition plutôt que pour le président sortant. C’est dire que dans sa brouille avec son successeur, Wade a toujours plus privilégié toujours les intérêts de son fils qu’une alternance démocratique. Son fils passe avant les intérêts du Sénégal.

Massalikul Jinane bouleverse le champ politique

Deux mois après la dernière rencontre en date entre Sonko et Wade, la donne politique a changé. Le pontife libéral et Macky se sont retrouvés en attendant de se réconcilier sur fond de combines. Si les deux présidents ont fraternisé pendant l’ouverture de Massalik Al Jinane, c’est parce qu’en toile de fond transparait une éventuelle solution de l’affaire Karim Wade, à l’origine de la fâcherie entre les deux présidents. Par conséquent, ce rapprochement politique entre les deux anciens frères de parti risque de distancier Sonko de Wade avec qui il a des atomes crochus.

Les affaires Karim Wade et Khalifa Sall, qui leur servaient de motifs pour s’allier avec opportunisme, deviennent inopérantes désormais pour Sonko. Ce qui veut dire que, par ce rapprochement avec Wade, Macky gagne apparemment un point parce qu’il a réussi à fracturer cette ligne qui reliait Wade à Sonko. Tous les moyens sont pour stopper l’ascension fulgurante de Sonko dont la cote de popularité et de sympathie ne cesse de monter à la bourse de la jeunesse. Aujourd’hui, il est devenu le trouble-sommeil du pouvoir au point que même une stratégie politico-judiciaire n’est pas à exclure pour le mettre hors-course.

Certainement que les rapports politiques entre Wade et Sonko ne seront plus ce qu’ils étaient auparavant puisque de plus en plus le premier nommé va privilégier le sort de son fils au détriment d’un bras de fer avec son successeur. Quand le fils biologique est là, les fils de circonstances ne comptent plus et la violence verbale contre Macky va s’estomper. Or, tout le monde reconnait que Wade met sa famille au-dessus de tout et de tous. Et si Macky Sall a la garantie qu’une amnistie de Karim Wade favoriserait de plus en plus son rapprochement avec Wade et le Pds et éloignerait davantage Sonko des prairies bleues, il n’hésiterait pas un tantinet à actionner ses godillots de Bennoo pour voter une loi amnistiante en faveur de Karim et certainement de Khalifa Sall.

Une éventuelle distanciation de Wade avec Sonko affaiblirait-elle ce dernier politiquement ? Si l’on répond par l’affirmative, c’est parce que le leader du Pastef a bénéficié ou bénéficiera en termes de suffrages et d’image de sa proximité avec le libéral en chef. Pourtant, la réalité est autre. Lors de la dernière présidentielle, Sonko n’a pas réellement bénéficié de cet électorat de Wade si l’on sait que, dans la zone du Baol, fief de Wade, seul Idrissa Seck a beaucoup profité de l’absence du leader du Pds. Dans le département de Mbacké qui englobe Touba, Idrissa Seck a fait 129 724 voix devant Macky Sall 67 745 et Sonko 12 686. Dans les trois départements de la région de Saint-Louis, Ousmane Sonko s’est classé 2e devant derrière Macky Sall.

Dans cette région acquise à la cause de Macky Sall, Sonko surclasse Idrissa Seck. Ici, on ne peut pas dire aussi que Sonko a bénéficié de l’électorat de Wade puisque la- dite zone est mackyste. Dans la zone du Sud, le leader des Patriotes règne en maitre. Sa percée dans la région méridionale obéirait autant à des raisons politiques et affectives plutôt qu’à un éventuel report de voix libérales.

Du point de vue de l’image, l’éloignement de Wade vis-à-vis de Sonko pourrait être bénéfique pour ce dernier puisque certains de ses partisans n’ont pas digéré son rapprochement avec le Pape du Sopi après avoir critiqué le système qui porte l’empreinte des socialistes et des libéraux. « Un manque de cohérence politique », ont dénoncé certains. Il est indubitable que des combinazione et des négociations secrètes seront entamées pour la réhabilitation du fils de Wade et une éventuelle amnistie. Or, ce sont ces pratiques nébuleuses que les Sénégalais ont toujours fustigées dans le duo du système Macky-Wade. D’où une opportunité pour Sonko de se crédibiliser davantage aux yeux des Sénégalais, lesquels désapprouvent ces manœuvres politiciennes souterraines.

Certes, il ne s’agit pas pour le leader de Pastef de couper les ponts avec Wade ni d’entretenir des rapports conflictuels avec lui mais de préserver son identité politique en montrant que même sans les embrassades médiatisées avec la figure tutélaire du Pds, il est capable de conquérir un électorat qui lui est propre. Un électorat qui désapprouve les méthodes de ceux que l’on appelle les hommes du système. C’est en cela que ce rapprochement entre Wade et Macky peut constituer politiquement une opportunité pour Sonko et non une fatalité malheureuse.

Serigne Saliou GUEYE 
 

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