Au demeurant les positions varient selon qu’on est pour ou contre le report au-delà du 02 avril 2024 date à laquelle expire le mandat du Président de la République.
J’entends ainsi par cette modeste contribution participer au débat.
Je voudrais au préalable saluer la décision du conseil constitutionnel qui a permis de faire revenir notre pays à l’ordre constitutionnel et qui a eu l’intelligence d’étendre sa compétence à l’annulation du décret 2024-106 pour éviter une contrariété entre sa décision et celle que la Cour Suprême, déjà saisie d’un recours pour excès de pouvoir contre ledit décret, pourrait rendre.
Je voudrais d’emblée relever que pour comprendre la quintessence de la décision du CC, il est important de rappeler que les différents considérants de ladite décision se valent et forment un tout indivisible. Dès lors, on se saurait donc faire prévaloir les uns sur les autres ou s’appesantir sur quelques-uns et ignorer royalement d’autres. Ce serait ainsi vider la décision de la haute juridiction de toute sa substance ainsi que de toute sa portée.
Cette contribution tente à apporter un éclairage sur le contenu de la décision du CC suite aux nombreux débats qu’elle suscite.
SUR LE REPORT DES ELECTIONS
Par ce considérant 14, le Conseil Constitutionnel précise « Que la date de l’élection ne peut être reportée au-delà de la durée du mandat » et par conséquent nous savons tous que la durée du mandat du Président de la République expire le 02 Avril 2024.
Je constate avec regret que les partisans du report au-delà du 02 avril 2024 passent allégrement sous silence ce point saillant du considérant 14 et préfèrent s’épancher sur le fait que le CC ait constaté l’impossibilité d’organiser les élections le 25 février 2024 et en déduisent hâtivement que le report est acté. Qu’à cela ne tienne il reste que le conseil a bien indiqué que les élections ne peuvent être reportées au-delà de la durée du mandat du président de la République sous peine de violer la constitution.
Toutefois, la fixation de la date des élections ne relève pas de la compétence du conseil constitutionnel. C’est pourquoi il a renvoyé cette question aux autorités administratives compétentes en les invitant à organiser les élections dans les meilleurs délais.
Il découle de ce qui précède que les élections doivent être organisées avant le 02 avril 2024 délai de rigueur à défaut nous vivrons une période de transition dont on ignore à priori les tenants et les aboutissants.
SUR LA DEMANDE DE POURSUIVRE LE PROCESSUS ELECTORAL
« Considérant que le conseil constitutionnel constatant l’impossibilité d’organiser l’élection présidentielle à la date initialement prévue invite les autorités compétentes à la tenir dans les meilleurs délais »
Les partisans du report des élections confondent à dessein l’impossibilité d’organiser les élections le 25 Février 2024 et le report au-delà du 02 avril 2024 alors que le CC a imparti aux autorités compétentes de tenir les élections dans les meilleurs délais. Le conseil constitutionnel ne pouvait faire autrement sous peine d’outrepasser ses compétences.
Que faut-il entendre par « meilleurs délais »
« Qu’en décalant la date de l’élection au 15 Décembre 2024 et en décidant que le PR en exercice poursuivra ses fonctions jusqu’à l’installation de son successeur la loi attaquée a prorogé la durée du mandat au-delà de 5ans »
La position du CC est donc claire et ne saurait être sujet à interprétation.
Les meilleurs délais sont donc nécessairement circonscrits entre le 15 février 2024 date à laquelle le conseil constitutionnel a rendu sa décision et le 02 avril 2024 date à laquelle expire le mandat du Président de la République. Il ne peut en etre autrement sauf à vouloir remettre en cause la décision du CC et fouler aux pieds les dispositions de la constitution.
Enfin l’assemblée nationale semble, selon un supposé communiqué, s’offusquer de la décision du CC en lui reprochant d’avoir remis en cause son pouvoir constituant. Il ne s’agit point de dénier à l’institution parlementaire son pouvoir constituant mais de rappeler que les lois votées par cette institution doivent être conformes à l’esprit et à la lettre de la constitution. C’en n’était manifestement pas le cas. En effet le CC a relevé dans son considérant 14 infine que « la loi votée par l’assemblée nationale a introduit dans la constitution des dispositions dont le caractère temporaire et personnel est incompatible avec le caractère permanent et général d’une disposition constitutionnelle ».
C’est pour ce motif et pour d’autres que la loi a été annulée pour violation de la constitution.
Pour donner force aux décisions de la haute juridiction l’article 92 alinéa 4 de la constitution dispose que
« Les décisions du conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours. Elles s’imposent à tous les pouvoirs publics à toutes les autorités administratives et juridictionnelles »
La décision du conseil constitutionnel rendue le 15 février 2024 est historique et audacieuse surtout dans un contexte de polémique et d’incertitude sur le respect du calendrier électoral.
Me Daouda KA
Avocat à la Cour