Mais lors de la rencontre du 7 janvier 2018, l’opposition regroupée au sein de Mankoo Taxawu et Sénégal (MTS) et de la coalition gagnante Wattu Senegaal avait refusé de participer au dialogue car récusant le pôle des non-alignés dirigé par Déthié Faye, président de la Convergence Pour la Démocratie et la République (CDR) Fonk Sa Kadu. Au même moment, une autre partie de l’opposition réunie au sein du Cadre de l’Opposition pour la Régularité, la Clarté et la Transparence des Elections (CORECTE) avec des leaders comme Me Aïssata Tall Sall du mouvement « Osez l’avenir », Modou Diagne Fada de la coalition Manko Yesal, Abdoulaye Baldé de l’Ucs, le Mpc « Luy Jot Jotna » de Cheikh Tidiane Gadio — tous ces leaders ayant entretemps transhumé —, El Hadj Issa Sall du Pur, le mouvement And Liguey de Mme Aida Mbodj... cette partie de l’opposition exigeait la mise en place d’une commission indépendante pour l’audit du fichier électoral, la baisse de la caution à l’élection présidentielle et un verrouillage systématique du nombre de mandats du chef de l’Etat. Lequel nombre de mandats devait être limité à deux successifs.
Le Pôle des Non-alignés dirigé Déthié Faye est suspecté par l’opposition significative d’être la cinquième colonne du pou- voir. Mais son coordonnateur, dans le journal L’Evidence du 24 juillet 2018, a expliqué la raison de la mise sur pied de cette structure supposée être équidistante entre la majorité et l’opposition : « Le Pôle des Non-Alignés est créé parce qu’il y a des partis politiques qui refusent de s’aligner systématiquement sur les positions d’autres groupes, d’autres formations poli- tiques, qui sous le prétexte fallacieux d’une prétendue représentativité, ont tendance souvent à vouloir imposer leur vision sur les questions politiques et sur les questions liées à la bonne marche de la démocratie. Donc, c’est pour refuser toute forme de diktat que nous avons constitué ce pôle composé essentiellement de parti politiques qui ne sont animés que par une volonté permanente et en toute circonstance pour défendre les intérêts du peuple sénégalais au-dessus des considérations partisanes ». D’ailleurs, ces « Non alignés » exigent même aujourd’hui que leur soit reconnu un statut comme celui du chef de l’opposition. Ainsi lors de la réunion du Bureau politique de son Parti pour l’Emergence et le Développement (PED / Natangué) tenue le 26 novembre 2017, Mohammed Massamba Sèye, membre du PNA, déclare : « A notre grande surprise, nous avons constaté ensemble que seuls deux statuts ont été pris en compte à savoir le pouvoir qui regroupe l'Exécutif et l'Opposition par le statut du Chef de l'opposition. Une démarche qui semble nous mettre à l'écart, nous les non- alignés. Et cette attitude risque de violer les principes du jeu démocratique. Car la couche poli- tique n'est pas composée que par ces derniers. Et il n’est nulle part écrit que seuls l'opposition et le pouvoir sont exclusivement les composantes de la classe politique ».
Toutefois si ces pôles, qui s’ajoutent à ceux de la Majorité et de l’Opposition significative, sont considérés comme des créations factices du pouvoir, certains leaders de partis membres comme Déthié Faye ont soutenu la coalition Idy 2019 lors de la présidentielle. Mais si on voit que tous les membres du Corecte ont fini par soutenir la candidature du Président Sall — à l’exception de Mme Aïda Mbodj dont la neutralité à la dernière présidentielle a été interprétée comme une forme de soutien implicite au président sortant —, on est en droit de dire que ces pôles soi-disant non- alignés ou d’une troisième voie ne sont que des créations du pouvoir pour mieux enfumer l’opposition significative. C’est un écran de fumée voire une arnaque du pouvoir pour affaiblir l’opposition. Mamadou Lamine Diallo de Tekki fustige d’ailleurs le fait que le ministre de l’Intérieur, dans son schéma de «dialogue», propose 15 représentants pour la mouvance présidentielle, 15 pour l’Opposition et 15 pour les Non-alignés. « C’est une duperie inacceptable. On est du pouvoir ou de l’opposition, c’est tout ! », estime à raison le député de « Tekki ».
En politique, il y a deux clans : la majorité ou l’opposition. Quand on n’est pas avec le pouvoir, on est contre sa politique. Certes, il peut y avoir une diversité dans la façon de s’opposer mais de là à inventer le non- alignement en politique, il n’y a qu’au Sénégal qu’on ose le faire. Au point même de réclamer un statut pour le chef de cette nébuleuse ! En attendant sans doute de demander prochainement la constitutionnalisation du Pôle des Non-Alignés !
Serigne Saliou GUEYE