Recalés pour n’avoir pas — du moins pour le moment — pu présenter un nombre de parrainages représentant un pourcentage de 0.8 % (au minimum) et 1 % (maximum) du corps électoral, certains candidats à la candidature de l’élection présidentielle du 24 février prochain n’ont pas manqué de manifester leurs mécontentements face à la décision du Conseil Constitutionnel. Ils n’ont pas hésité à charger les 7 Sages pour divers motifs.
Le Conseil Constitutionnel continue d’en prendre pour son grade depuis le début des opérations de vérification de parrainages, vendredi décembre dernier. Même s’ils ont toujours la possibilité de poursuivre la course à l’avenue Roume le 24 février prochain, les premières victimes du parrainage n’ont pas pu digérer l’ «affront» subi à travers le rejet de leurs listes de parrainages. Parmi ces «recalés» du Conseil Constitutionnel qui ne parviennent pas à digérer leur mise à l’écart, on peut citer Thierno Alassane Sall.
Pour le candidat de la République des Valeurs et son camp, cette information, même si elle est décevante, ne constitue «pas en soi une surprise». «Non pas que nous n’ayons pas vérifié dans les moindres détails nos listes de parrainages jusqu’à la dernière minute et avec une minutie et une rigueur qui sont notre ADN, mais parce que le système même de contrôle au niveau du Conseil constitutionnel est opaque et peut prêter à toutes formes de manipulations. Les principes universels de justice supposent, en effet, que les règles, procédures et procédés appliqués soient connus de toutes les parties qui peuvent, si de besoin, assurer une contre-expertise ou un contrôle sur leur application. En l’espèce donc, nos données ont été introduites et traitées dans une boîte noire dont on ne connaît ni la consistance ni la base de données de référence», soutient le camp de Thierno Alassane Sall.
Au demeurant, les fiches de parrainage qui sont la source première des parrainages n’auraient, à en croire les partisans de l’ancien ministre des Infrastructures, jamais été consultées par les 7 Sages. Ils se disent surpris d’apprendre que le Conseil Constitutionnel leur donne rendez-vous mercredi 2 janvier pour le PV.
De son côté, le camp de l’ancien maire de Kédougou, Moustapha Guiraasy, déplore le «manque de sérieux, la confusion et le tâtonnement des 7 sages du Conseil constitutionnel». A en croire son mandataire, Mamadou Cissokho, la vérification a commencé et «quand nous sommes arrivés dans la région de Saint-Louis, ils (les 7 sages) ont constaté qu’il n’y avait pas le nom du mandataire de la région et non pas voulu continuer. Ainsi, à cause d’une seule région, ils disent qu’ils ne sont pas à mesure de continuer la séance de vérification», révèle le mandataire de l’ancien ministre de la Communication du président Abdoulaye Wade.
Recalé après avoir vu 36.136 signatures invalidées sur les 59.493 présentées, la coalition «Fippu» de Boubacar Camara n’a pas elle non plus hésité à brocarder le Conseil Constitutionnel. Son directeur de campagne estime que sa coalition avait déjà pris les devants. «On savait que cela pouvait nous arriver, c’est pourquoi on avait gardé par-devers nous plus de 51mille parrainages qu’on va déposer plus tard. Mais on a pu constater par nos méthodes de calculs et d’investigations que le Conseil Constitutionnel dispose d’un fichier qui ne correspond pas à la réalité de l’électorat », soutient Ibrahima Sylla, professeur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Poursuivant, il indique qu’il y a des gens parmi eux, qu’ils connaissent très bien et dont on a déplacé les lieux de vote.
Ibrahima Sall dit avoir des preuves irréfutables et promet de sortir la liste avec les noms et les numéros des électeurs concernés, le moment venu. Poursuivant, l’enseignant-chercheur en sciences politiques pense qu’on ne peut pas établir un fichier sans disposer de la carte électorale. «C’est la première anomalie. Tout ça, c’est un jeu pour écarter des candidats. Pour les doublons, il n’y a aucune base qui peut justifier cela», ajoute M. Sylla parlant de «fichier miné et manipulé».
«On ne comprend pas ce que mijote le Conseil Constitutionnel» Selon le camp de Hadjibou Soumaré, une Cour ne peut pas rejeter pour «autres motifs» sans donner de détails supplémentaires. A en croire son mandataire, Mapenda Diaw Mbaye, il n’y a pas eu une possibilité pour eux de savoir les raisons du rejet de leur dossier.
«Le contrôle doit s’adosser au fichier. Nous avons rempli tous les critères pour être candidat. Et s’agissant des parrainages, nous avons même des réserves qui dépassent de très loin le nombre de signatures requis. Nous allons faire face à cette forfaiture. On ne comprend pas ce que mijote le Conseil Constitutionnel. On ne laissera pas faire. Notre candidature dérange, mais elle sera là», prévient Mapenda Diaw Mbaye, le mandataire de l’ancien Premier ministre Haguibou Soumaré.
Autre Premier ministre, Abdoul Mbaye, et son camp aussi ne sont pas restés insensibles à la décision de du Conseil Constitutionnel prise à leur encontre. Pour le bureau politique de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act), l’exclusion de la vérification du fichier contenant les parrains de la diaspora «sous le fallacieux prétexte que ce fichier ne contenait pas la première colonne portant le rang du parrain (est) Une totale ignorance de la base servant de référent pour le contrôle de parrainage. Et c’est ainsi que le taux de rejets de nos parrains atteints le chiffre excessif de plus de 28% (dont 10 % de doublons ?????). En attendant la notification officielle, prévue le mercredi 02/01/2019à 10heures, nous exigeons que les doublons soient identifiés tout comme la liste référent et que les autres motifs de rejets soient détaillés», martèle l’ACT.
Selon Abdoul Mbaye et son camp, il est constant que «malgré toutes les alertes que nous avions agitées, le processus de vérification est entaché par une non-transparence des bases de données référents et attendons donc du Conseil Constitutionnel tous les détails explicatifs desdits rejets». «Les Sages ont agi sans qu’on ne sache ce qui a été fait réellement» Serigne Mansour Sy Djamil fait partie des candidats invités à piocher dans leur stock de parrainages.
«Une bonne partie de nos parrainages a été rejetée par le Conseil constitutionnel», a révélé dimanche le mandataire du parti Bës Du Ñak. Vu l’importance du nombre de rejets qu’il s’est refusé de révéler, il en a conclu que le candidat de ce parti se considère exclu de la course. «Nous sommes dans une dynamique d’élimination. Nous considérons que nous sommes éliminés après avoir rencontré les Sages. Parce qu’ils ont agi sans qu’on sache ce qui a été fait réellement. Ils nous ont juste dit que la machine était en marche et qu’elle a rejeté beaucoup de parrainages. On n’a pas de fichiers pour effectuer les contrôles nécessaires», a fait savoir Bernard Ousmane Ndiaye, le mandataire de Serigne Mansour Sy Djamil.
Et de dénoncer une série d’injustices qui font que son camp doute de la transparence dans les opérations de contrôle. Pire, soutient-il, «nous sommes dans l’incertitude. On ne peut donc que se fier à leurs indications. Dans une démocratie, nous estimons que cela n’est pas normal de procéder de la sorte sans aucune transparence». Bernard Ousmane Ndiaye dit ne pas comprendre comment «un président en exercice peut décider de la mise en place d’un parrainage pour éliminer des candidats. Ce modèle est une violation de la transparence exigée. Cette méthode démontre qu’on a déjà fait son choix. Ils sont faussé le jeu démocratique. Il n’y a pas de démocratie. Il y a un semblant de démocratie. Candidat ou pas, nous nous mobiliserons», a-t-il annoncé en conclusion avec des menaces en sous-entendu...
Bassirou DIENG