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L'essentiel


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Ousmane Sonko démonte la loi de finance rectificative

POLITIQUE
Samedi 30 Juin 2018

Monsieur le Ministre et vos collaborateurs

 Encore une fois, vous profitez de l’occasion du vote d’une «Loi de Finances Rectificative (LFR)» pour introduire de nouvelles dispositions fiscales, principalement la création de trois nouvelles taxes toujours sur le dos du pauvre consommateur sénégalais, plus que jamais pressuré.

 Avant de démontrer l’impertinence de ce nouveau dispositif, ce qui caractérise du reste toute la politique fiscale de votre régime, je voudrai relever que ces «recettes miracles» tentent de maquiller un fait patent : les mauvaises performances de l’administration fiscale sénégalaise.

 En effet, au titre de l’exercice budgétaire 2017, la DGID a accusé un gap de «+ 161 milliards» par rapport à l’objectif de la loi de finances initiale. Cette année encore, au titre du premier semestre 2018, le gap est de l’ordre de «40 milliards».

 Il est évident que ces mauvaises performances de la DGID découlent assurément d’une politisation à outrance de tous les emplois au détriment de la compétence technique et de l’éthique professionnelle.  

Par ailleurs, vous avez enregistré, fait extrêmement rarissime, un dépassement de plus 216 milliards sur les ressources extérieures.

 Rien que les deux faits ci-dessus révèlent que tous vos chiffres sont faux et que l’équilibre et les performances budgétaires dont vous vous prévalez sont des leurres.

Voilà les causes de vos difficultés de trésorerie, malgré vos ridicules dénégations !

Voilà les raisons de cette rage taxatoire qui nous plonge dans une inflation normative sans précédent !

Voilà les raisons de votre frénésie des emprunts extérieurs (61% du PIB contre seulement 41% en 2012 pour un service de la dette équivalent à 30% des recettes de l’État) !

D’euro-bonds en euro-bonds vous embarquez le pays et les générations futures dans un endettement inconsidéré et irresponsable

100 milliards en 2009,

250 milliards en 2011

250 milliards en 2014

660 milliards en 2017

1184 milliards en 1018

Pour revenir à vos nouvelles taxes, je disais que ces mesures sont impertinentes pour plusieurs raisons :

- d’abord, elles sont improductives et inefficaces dans la mesure où les écarts entre les prévisions de recettes et les réalisations sont davantage plus importants malgré une succession de décision de cette nature. Depuis, un an quatre nouvelles taxes ont été introduites dans la Loi fiscale apparemment sans effet;

- ensuite, ces mesures sont négatives en ce sens que ce sont des taxes sur la consommation qui entrainent forcement une hausse des prix (phénomène de l’inflation par l’impôt). Elles rétrécissent la consommation et conséquemment les impôts sur la consommation, principalement la TVA qui est le pilier des recettes fiscales ;

- enfin ces mesures sont injustes car faisant reposer la charge de l’impôt particulièrement sur le consommateur final, c’est à dire la grande majorité des Sénégalais au faible pouvoir d’achat, frappés par la pauvreté, le chômage, l’insécurité alimentaire et le sous-emploi et les faibles revenus ; alors que le capital, majoritairement étranger est ménagé. Le Sénégal a une structure fiscale fortement déséquilibrée et il est à craindre que la fiscalité ne devienne régressive du fait que les impôts sur les biens et services constituent aujourd’hui l’essentiel des recettes fiscales (69,76 % de taxes indirectes et assimilées) alors que les impôts sur le revenu et sur les bénéfices sont seulement à 30,24 %.

De quelles taxes s’agit-il ?

1- La «contribution spéciale du secteur des télécommunications» (CST) qui remplace le Prélèvement spécial sur le secteur des télécommunications et de la contribution pour le développement économique est une fausse solution face au défi d’une juste fiscalisation d’un secteur aussi rentable que celui des télécommunications.

Le Gouvernement se plie et cède une fois encore aux lobbies des entreprises de télécommunications. La preuve est que cette taxe vient remplacer une autre, la «Contribution pour le développement économique», qui a été instituée par la loi de finances pour l’année 2017.

 Pire, le Gouvernement aménage une exigibilité particulière pour les entreprises de télécommunications. En effet, dans le Code Général des Impôts toutes les taxes indirectes ont une exigibilité mensuelle. Pour la première fois, il est aménagé un «paiement sous forme de versements à effectuer dans les quinze premiers jours suivant la fin de chaque trimestre de l’année civile» pour une taxe indirecte. C’est totalement inédit. C’est là une rupture de l’égalité des contribuables devant la loi fiscale.

 Votre Gouvernement doit assumer sa responsabilité d’avoir supprimé la taxe sur les appels entrants en mai 2012. C’est un mois après la prise de fonction du Chef de l’Etat qu’il a signé le décret n°2012-500 abrogeant celui n°2011-1271 du 24 août 2011 instituant un système de contrôle et de taxation des communications téléphoniques internationales entrant en République du Sénégal. Cette taxe sur les appels entrant devait permettre à l’Etat d’engranger des recettes parafiscales de l’ordre de 50 milliards par année.

Ce cadeau fiscal bien généreux ne se fondait sur aucun argument techniquement documenté et économiquement justifié si ce n’est le respect d’engagements électoraliste devant les capitaux étrangers et français en particulier. Je rappelle qu’au moment où la mesure avait été prise toutes les entreprises du secteur se caractérisaient par des performances (hausse de 6% de leurs chiffres d’affaires). Votre Gouvernement, même convaincu de l’impertinence de cette décision, n’est toujours pas revenu sur cette mesure. 

Au cours du conseil des ministres du 7 mars 2013 le Président Macky SALL avait invité le Premier Ministre «à faire la lumière sur cette tarification, qui devrait être subséquente à l’allègement du dispositif règlementaire sur les appels entrants». Rien n’a été fait.

2- Le Prélèvement sur les compagnies d’assurances (PCA) pose les mêmes problèmes que ceux soulevés ci-avant à savoir l’inflation par l’impôt. Aucune étude documentée n’est faite sur la contribution intrinsèque du secteur des assurances aux recettes fiscales. Cette taxe de 1%, en sus de la taxe sur les conventions d’assurance, va renchérir le coût de l’assurance au Sénégal et peut conduire à des comportements déviants. La véritable problématique que le Gouvernement n’a pas osé affronter c’est la taxation des profits des sociétés d’assurances ou leurs importantes distributions de dividendes au lieu de toujours faire peser la charge de l’impôt sur les consommateurs.

 3- Prélèvement sur les opérations de consignation de produits pétroliers et d’avitaillement en hydrocarbures des navires battant pavillon étranger

A la suite de nos investigations, il semblerait que ce prélèvement est taillé sur mesure pour la société de droit suisse ADDAX ENERGY S.A. coupable de fraude fiscale à hauteur de plusieurs dizaines de milliards. Ce prélèvement serait un petit arrangement entre amis pour absoudre cette société de cette forfaiture qui fait suite à l’autre affaire, celle-là de la SAR.

Oubliez-vous autant que la loi, de manière générale, et la loi fiscale en particulier, doit être générale et impersonnelle ?

Pire, en plus de ce cadeau fiscal, le président Macky SALL a même décoré le patron de cette société malgré ces affaires pendantes devant la justice et le fisc. On peut lire sur le site de la Présidence que «Jean-Claude Gandur, président d'Addax & Oryx group (AOG, mines et énergies), a été élevé à la dignité de Grand-Croix dans l'Ordre national du Lion par le chef de l'État». Les services de Macky Sall ne mentionnent pas, évidemment, que la société de Gandur, Addax, est au cœur des remous à la Société africaine de raffinage (Sar), lesquels ont abouti au limogeage d’Oumar Diop de son poste de directeur général de la Raffinerie. Il lui est reproché d'avoir octroyé à la société suisse, sans l'aval du Conseil d'administration, un marché de fourniture de 8 cargaisons de brut pour 400 milliards de francs CFA. L'un des actionnaires majeurs de la Sar, Locafrique (34%), dénonce ce contrat. Il a annoncé deux procédures judiciaires. Une à Londres pour, notamment, obtenir l'annulation du contrat, et une autre à Dakar contre Oumar Diop et X.

Et comme d’habitude, notre vaillante Assemblée nationale est absente et défaillante de son rôle de contrôle de l’action du gouvernement.

Je signale au passage pour conclure que ADDAX détient une partie du capital de la société ORYX dont le président de notre auguste assemblée serait également actionnaire, même s’il prétend avoir céder ses actions en 2006…

Voilà ce que cache cette loi de finances rectificative, et comment le Sénégal est géré sous Macky SALL et Amadou B : les lobbies, les amis, les intérêts, la famille.

Pour finir monsieur le ministre, je vous invite à un débat public médiatisé sur la situation économique et financière catastrophique du pays, puisque vous vous arrangez toujours, avec vos députés et votre président de l’Assemblée nationale, pour que nous ne puissions-nous exprimer convenablement avec un temps de parole de trois minutes ou cinq au plus.
 

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