La privation du droit de vote énoncée aux articles L.31 et L.32 appliquée de manière générale, automatique et indifférenciée à toute personne condamnée est contraire à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyenne de 1789, et à l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en vertu duquel : « Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l’article 2 et sans restrictions déraisonnables: a) De prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis; b) De voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs; c) D’accéder, dans des conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques de son pays ».
Il s’y ajoute la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, en son chapitre IV, art. 4/2, engage les Etats parties à considérer la participation populaire par le biais du suffrage universel comme un droit inaliénable des peuples. Aussi est-il nécessaire de rappeler qu’au terme de l’article 3, al. 4 de la Constitution, « Tous les nationaux sénégalais des deux sexes, âgés de 18 ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques, sont électeurs dans les conditions déterminées par la loi. ».
Il appert que les dispositions du code électoral susvisées violent les droits de l’homme et ne sont pas conformes à la Constitution.
Il y a lieu d’invoquer la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, notamment les arrêts rendus dans les affaires Hirst c. Royaume-Uni et Scoppola c. Italie ou encore celle plus éloquente du Conseil constitutionnel français qui, saisi par la Cour de cassation, d’une question prioritaire de constitutionnalité a déclaré, dans sa Décision n° 2010-6/7 QPC du 11 juin 2011, contraire à la Constitution l’article L.7 du code électoral qui dispose : « Ne doivent pas être inscrites sur la liste électorale, pendant un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive, les personnes condamnées pour l’une des infractions prévues par les articles 432-10 à 432-16, 433-1, 433-2, 433-3 et 433-4 du code pénal ou pour le délit de recel de l’une de ces infractions, défini par les articles 321-1 et 321-2 du code pénal ».
Sans nul doute, c’est au vu de ces considérations que la récente Mission d’Audit du Fichier Electoral a repris la recommandation R1.9 contenue dans le rapport de MAFE 2011 et visant l’adéquation entre le délit et l’exclusion des listes électorales.
En guise de conclusion, l’interdiction des droits de vote et d’éligibilité étant une peine accessoire prévue pour les crimes et certains délits doit être prononcée pour être valable.
Pour rappel, voir mes deux publications à ce sujet :
1. Eligibilité ou Inéligibilité, le K. WADE : vers l’imbroglio juridique ? mars 2015
2. La privation automatique et indifférenciée du droit de vote : une violation de la Constitution, février 2017
Ndiaga SYLLA, Expert électoral
codelectoral@gmail.com