L’heure est grave. Mais, plus grave encore est le silence pesant qui plane sur notre pays. En effet, depuis la fin de l’élection présidentielle, le Sénégal est plongé dans une situation politique et sociale assez inédite.
Le président de la république adopte une posture inquiétante. Jadis d’une gênante arrogance, il continue dans cette voie en dégageant morgue et suffisance au moment où l’on pensait (naïvement peut-être) qu’il se comporterait en gentleman. Mais, autant l’avouer de suite, la grandeur d’esprit est la marque des grands seigneurs mais n’est pas grand seigneur qui veut.
En réalité, Macky Sall ne respecte rien ni personne. Il n’a pas de code d’honneur. Il n’a pas de repères signifiants. C’est à croire que les contestations qui ont jalonné le processus électoral et qui ont abouti à sa «non reconnaissance» par l’opposition plombent son élan et le poussent dans ses derniers retranchements. Il a entrepris, seul, contre toute attente, des réformes qui s’avèrent dangereuses pour la stabilité politique et sociale du pays. Ces réformes portées par le très féal premier ministre prouvent que le président Sall est dans une logique autoritariste sans commune mesure.
Comment, en effet, un président sortant peut-il concevoir une réforme qui «hypertrophie» son pouvoir ? L’ultra-présidentialisme qui découle de cette réforme ne sied pas à une démocratie qui naturellement, devrait connaitre une alternance en 2024. La concentration des pouvoirs entre les mains du Chef de l’Etat au sens jacobin entraine à coup sûr une confusion pire que sous Vichy. Les partisans du chef sont déboussolés, désabusés. Ils sont devenus moins bavards parce que se sentant exclus du champ de la gouvernance.
Les alliés «historiques» confondus dans la logique du «gagner ensemble, gouverner ensemble» sont dans leurs étroites semelles. Quoi de plus frustrant que de voir le mépris affiché par le chef d’une coalition à laquelle on tient comme à la prunelle de ses yeux. Moustapha Niasse, dans un ultime baroud d’honneur, a essayé de faire croire, maladroitement, à une concertation sur le projet de réforme. Mais, ce n’est pas vrai. Il cherche tout simplement à se donner bonne conscience et à rendre la pilule moins amère. Pendant ce temps, les honorables Députés du chef déshonorent encore leur position sur fond de billets de Mecque et d’espèces sonnantes. Cette majorité robotique d’une docilité déconcertante vote tout avec en prime des salves d’applaudissements.
A coup sûr, elle voterait même pour sa propre destitution comme ce burlesque Pm pressé d’en finir avec cette réforme qui va l’humilier, lui le Pm qu’il faut «guillotiner» pour… incompétence ou incommodité. Toute cette horde de laudateurs adopte la posture des mendiants des faveurs : têtes baissées, yeux fermés, motus et bouche cousue. Il faut aussi se désoler et déplorer cette sorte de démission collective de l’opposition et d’une partie de la société civile. Faut-il rappeler que le temps électoral est dans le temps politique. Parce que l’élection est une parenthèse dans la vie politique. Nous avons choisi de faire de la politique.
L’activité doit être continue et pérenne quels que soient les soubresauts et les vicissitudes. Nous n’avons pas le droit de baisser les bras Au contraire, nous devons nous relever rapidement pour faire face à cette situation. Nous devons continuer le combat pour la libération de Khalifa Sall, le retour de Karim Wade, la réforme du processus électoral, l’amélioration des conditions de vie des travailleurs, l’amélioration des conditions d’études des étudiants, l’accès aux services sociaux, le soutien au monde rural … Oui, il y a de la matière. Il faut enfin s’adresser au Peuple.
Penser que les hommes politiques s’adonnent à «une bataille de singes» ou qu’il s’agit de «querelles entre politiciens» est la pire des analyses. La stabilité voire la survie de notre jeune Nation dépend pour beaucoup de la posture de Macky Sall. Il faut une conjugaison des forces sociales et citoyennes pour barrer la route à cet empereur des temps modernes qui gouverne par la terreur en tenant entre ses mains périssables tous les pouvoirs. Macky Sall ne mérite pas notre confiance. Il doit être combattu. Au nom de l’idéal démocratique.
Moussa Taye