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Maurice Soudieck Dione: "Difficile de délégitimer Tanor dans le PS"

POLITIQUE
Jeudi 21 Décembre 2017

Maurice Soudieck Dione: "Difficile de délégitimer Tanor dans le PS"
Le combat mené par la bande des «rebelles» du Parti socialiste (Ps), notamment le maire de la commune de Mermoz Sacré Cœur, Barthélémy Dias, celui de la Médina, Bamba Fall, et compagnie, visant à délégitimer le Secrétaire général du Ps, Ousmane Tanor Dieng et le reste, semble perdu d’avance. En effet, le Docteur en Science politique, Maurice Soudieck Dione reste convaincu qu’il ne sera pas facile de déboulonner Otd «d’autant plus que l’homme ne cède pas, et a montré une ingéniosité certaine pour se maintenir à la tête du parti». Dans cet entretien, l’Enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis pense que «la rupture est définitivement consommée» entre Ousmane Tanor Dieng et la frange des Socialistes organisés autour de Khalifa Sall.
 
La tension semble monter d’un cran au sein du Parti socialiste (Ps) avec l’ouverture du procès contre Khalifa Sall. Pensez-vous que nous en sommes arrivés à un point de non-retour, de divorce entre Ousmane Tanor Dieng et la bande à Barthélémy Dias et compagnie ?
 
Le conflit entre les deux franges du Parti socialiste organisées autour de Khalifa Ababacar Sall d’une part et autour d’Ousmane Tanor Dieng d’autre part a atteint effectivement un point de non-retour. Car des deux côtés, des lignes rouges ont été franchies, et le prolongement judiciaire des contradictions politiques marqué par l’emprisonnement de Bamba Fall et de ses co-inculpés et ensuite l’emprisonnement de Khalifa Ababacar Sall ont révélé que la rupture est définitivement consommée. 
 
Des menaces de sanctions, allant jusqu’à l’exclusion des «rebelles» du Ps, sont brandies par le camp de Tanor ? A quoi peut-on s’attendre, si l’on sait que l’autre camp dit qu’on ne peut pas l’exclure du parti de feu Léopold Sédar Senghor ?
 
L’exclusion est possible dans la mesure où un parti est une organisation qui est régie par des règles bien précises et celles-ci prévoient ce cas de figure. Car il n’est pas soutenable, ni logiquement ni politiquement, d’être à la fois dans le parti et en dehors du parti ; c’est-à-dire de se réclamer du parti tout en se démarquant de toutes les décisions du parti. Cela pose un problème de cohérence. Maintenant, les rebelles estiment qu’en réalité les textes du parti ne sont pas respectés et ont esté en justice pour que cette situation soit clarifiée par le juge. Quoi qu’il en soit, vu la proximité de l’échéance électorale cruciale qu’est la présidentielle de 2019, les deux camps sont sommés de prendre leurs responsabilités. Ousmane Tanor Dieng ne peut plus se présenter à une élection présidentielle, car il est né en 1948, donc il aura dépassé en 2019 l’âge légal au-delà duquel on ne peut plus être candidat à la magistrature suprême, soit 70 ans. Dès lors, l’enjeu du contrôle de l’appareil du PS est lié au pacte politique implicite qu’il a scellé avec le Président Sall dans le cadre de Benno Bokk Yaakaar pour donc mettre le Parti socialiste au service des ambitions de pouvoir du Président Sall, au-delà des slogans et des idéologies. Donc Ousmane Tanor Dieng a besoin d’avoir les coudées franches et ne fera aucun cadeau à ses adversaires qui risquent clairement d’être exclus, à quelques encablures de l’échéance électorale de 2019, cruciale pour la coalition Benno Bokk Yaakaar et pour son chef, le Président Sall, dont Ousmane Tanor Dieng est un des principaux soutiens. D’autant plus que Ousmane Tanor Dieng occupe une position privilégiée de pouvoir à la tête du Haut conseil des collectivités territoriales, nommé par le Président Sall par décret, et qui peut mettre fin à ses fonctions à tout moment, ce qui est une manière politique efficace de le tenir et de le retenir !  
 
Croyez-vous en la capacité de la bande à Barthélémy Dias et compagnie de mobiliser la majorité de la base du Ps pour délégitimer Ousmane Tanor Dieng et le reste des pontes du Ps ? En ont-ils le charisme ?
 
Le Parti socialiste est contrôlé par Ousmane Tanor Dieng à qui Abdou Diouf a donné les pleins pouvoirs depuis 1996, ce qui a provoqué les frustrations de ceux qui estimaient qu’ils avaient plus de légitimité historique que lui ; d’où les départs successifs du parti de leaders d’envergure comme Djibo Leyti Kâ (paix à son âme) et Moustapha Niasse notamment.  Qu’à cela ne tienne depuis lors les débats au PS semblent se limiter à la question d’être pour ou contre Ousmane Tanor Dieng, avec l’effet de renforcer les pouvoirs et l’influence de ce dernier, à travers une purge constante et une marginalisation dans les organes de décision et de délibération du parti de tous ceux qui lui sont opposés. C’est pourquoi il me semble difficile de délégitimer Ousmane Tanor Dieng dans le PS, d’autant plus que l’homme ne cède pas, et a montré une ingéniosité certaine pour se maintenir à la tête du parti. Il y a certes des personnalités qui sont opposées à Ousmane Tanor Dieng, mais le principal problème réside en l’absence d’un leader charismatique qui puisse fédérer les énergies de la contestation, si l’on sait que Khalifa Ababacar Sall a maille à partir avec la justice, et que la recevabilité de sa candidature en 2019 est hypothétique.
 
Que pensez-vous de la stratégie de dénigrement tout azimut du régime, adoptée par le camp des «rebelles» du Ps ?
 
Le camp des rebelles a choisi de s’opposer au compagnonnage avec Benno Bokk Yaakaar considérant que le Parti socialiste, le plus ancien parti du Sénégal qui a le plus longtemps exercé le pouvoir, jusqu’ici, ne peut pas avoir pour seule ambition d’être remorqué, mais qu’il a une vocation à diriger sur la base de ses valeurs et de son idéologie du socialisme démocratique. Cela explique dès lors les critiques virulentes que les dissidents servent continuellement au régime en place. Mais cette stratégie à mon sens est contre-productive, car elle est de nature à les éloigner des vrais enjeux, c’est-à-dire de massifier leur mouvement et pour cela, ils sont besoin de mieux s’organiser, de mieux communiquer au-delà des polémiques, et de travailler à élaborer un projet alternatif. Vouloir coûte que coûte rester au PS ne me semble pas être avantageux pour eux. Quand on observe les différentes crises qui ont émaillé la plupart des partis politiques, la tendance qui se dégage est celle de la création d’autres cadres pour porter un programme politique et des ambitions de pouvoir, comme peuvent en attester la création de l’URD et de l’AFP sortis des flancs du PS, la création de l’APR et de Rewmi sortis des flancs du PDS, la création du Grand parti organisé autour des dissidents de l’AFP etc. 
 
Quelle analyse faites-vous pour le futur du Ps au jour de la commémoration de la disparition de son père fondateur?

 
De la dissidence de Léopold Sédar Senghor se séparant de Lamine Guèye pour créer  le BDS (Bloc démocratique sénégalais) en 1948, considérant que la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière) n’était plus démocratique dans son organisation et socialiste dans son action, jusqu’à la situation actuelle avec la confrontation entre les partisans d’Ousmane Tanor Dieng et de Khalifa Ababacar Sall, le parti a traversé beaucoup de turbulences et a révélé au cours de l’histoire une très grande capacité d’adaptation. En effet, avec la montée de la contestation qui culmine en 1968 l’Union progressiste sénégalaise sous la direction du Président Senghor a pu judicieusement organiser une succession au pouvoir en 1980 au profit du Premier ministre Abdou Diouf, avec le départ du Président-poète après une ouverture contrôlée du jeu politique à partir de 1974, date de création du PDS.
Avec la faillite économique du socialisme senghorien, le Parti socialiste a eu à appliquer des mesures drastiques et antisociales aux antipodes de ses valeurs et de son idéologie, à travers les programmes d’ajustement structurel. Mais c’est aussi ce même parti qui dans ce même contexte a eu l’intelligence politique avec le Président Diouf de procéder à des réformes démocratiques comme moyen de préserver la paix et la stabilité nationales, dans une période de crise économique et sociale profonde ; pour aboutir en 2000 à une alternance démocratique.
Après la défaite, le parti est resté pendant 12 ans dans l’opposition, réorganisé par Ousmane Tanor Dieng, malgré les nombreux départs vers le régime libéral. Aujourd’hui, le Parti socialiste est dans une phase de transition, mais il doit préparer efficacement la succession de Tanor, pour éviter une chute dont elle ne pourra que difficilement se relever.
 

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