De plus, la Décision du Conseil constitutionnel est entièrement marquée par un mimétisme de la jurisprudence constitutionnelle française, ce qui amène à s’interroger sur l’identité constitutionnelle sénégalaise et l’incapacité de nos juges à s’émanciper. Quoi qu’il en soit, même en France, l’incompétence du Conseil constitutionnel n’a été clairement déclarée que pour les lois constitutionnelles adoptées par référendum. Les choses sont moins radicales pour les lois constitutionnelles adoptées par voie parlementaire, contrairement à ce que Ministre de la justice essaie de faire croire.
Toujours est-il, sur le fond, le raisonnement du Conseil constitutionnel est non seulement biaisé, mais, décontextualisé. Tantôt le Conseil constitutionnel pêche dans l’excès d’interprétation, tantôt sur une mauvaise compréhension de l’alinéa premier de l’article 92 de la Constitution et de l’article premier de la loi organique relative au Conseil constitutionnel ; les deux conduisant au même résultat, c’est-à-dire : un réel problème d’équilibre dans la manière de rendre la justice constitutionnelle au Sénégal.
I) Les excès d’interprétation émanant du Conseil constitutionnel dans sa Décision du 9 mai 2018 sur le parrainage :
En copiant la jurisprudence française, le Conseil constitutionnel sénégalais a fait dire à la jurisprudence constitutionnelle française ce qu’elle n’a pas dite.
En réalité, la jurisprudence constitutionnelle française qui a été copiée par les membres du Conseil constitutionnel sénégalais est : la Décision n° 92-312 DC du 2 septembre 1992 sur le Traité sur l'Union européenne ; elle est aussi appelée la Décision Maastricht II.
En effet, le Conseil constitutionnel sénégalais a repris sans sourciller les « Considérants 19 et 34 » de la Décision Maastricht II. Leur comparaison avec les « Considérants 7 et 8 » de la Décision du 9 mai 2018 sur le parrainage, permettrait de s’en apercevoir.
Or, on ne peut ni juridiquement, ni rigoureusement, adopter ou adapter le raisonnement de la Décision Maastricht II en France, dans la Décision du 9 mai 2018 sur le parrainage au Sénégal. Pourquoi ?
1) Parce qu’ils n’ont pas les mêmes fondements ;
2) Et, il n’y a pas d’identité de nature entre les deux décisions : le cas sénégalais portait essentiellement sur une saisine qui impliquait un contrôle de constitutionnalité au regard de l’article 92 de la Constitution et de la loi organique n° 2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel. C’est totalement différent du cas français avec la Décision Maastricht II, où le Conseil constitutionnel a été saisi sur le fondement de l'article 54 de la Constitution française à propos d’un TRAITÉ, sur la question de savoir, si, compte tenu des engagements souscrits par la France et des modalités de leur entrée en vigueur, l'autorisation de ratifier le traité sur l'Union européenne devait être précédée d'une révision de la Constitution ou non.
Donc, c’est déjà-là une erreur grossière de s’inspirer ou de copier cette jurisprudence à propos d’une loi constitutionnelle au Sénégal adoptée par voie parlementaire.
De plus, il n’y a pas de corrélation possible entre la Décision Maastricht II en France et la Décision du 9 mai 2018 sur le parrainage au Sénégal, sauf à en dénaturer le sens par une interprétation excessive, erronée, et une mauvaise compréhension du fond.
Afin de le démontrer, il convient de rappeler ici les paragraphes pertinents de la Décision Maastricht II en France : « 19. Considérant que sous réserve, d'une part, des limitations touchant aux périodes au cours desquelles une révision de la Constitution ne peut pas être engagée ou poursuivie (…) et, d'autre part, du respect des prescriptions du cinquième alinéa de l'article 89 en vertu desquelles "la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision", le pouvoir constituant est souverain ; qu'il lui est loisible d'abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu'il estime appropriée ; qu'ainsi rien ne s'oppose à ce qu'il introduise dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui, dans le cas qu'elles visent, dérogent à une règle ou à un principe de valeur constitutionnelle ; que cette dérogation peut être aussi bien expresse qu'implicite (…).
34. Considérant que, dans les limites précédemment indiquées, le pouvoir constituant est souverain ; qu'il lui est loisible d'abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu'il estime appropriée. ».
On voit bien ici que le Conseil constitutionnel français avait émis deux réserves dans lesquelles sa compétence serait de rigueur. Donc, ce qu’il fallait comprendre par-là, est le fait que le pouvoir constituant soit souverain et qu'il lui est loisible d'abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu'il estime appropriée, ainsi que son aptitude à introduire dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles, tout cela n’est valable que lorsque l’on se situe en dehors des deux réserves clairement citées par le Conseil constitutionnel français : à savoir, la limitation touchant à la période des révisions de la Constitution et à la forme républicaine du gouvernement qui n’est pas révisable.
Autrement dit, le Conseil constitutionnel sénégalais a très mal compris ce que le Conseil constitutionnel français a indiqué dans sa Décision Maastricht II. C’est pour cela que le Conseil constitutionnel sénégalais s’est déclaré incompétent. Alors qu’il aurait dû effectuer son contrôle sur le fond, parce qu’était en cause un point non-révisable de la Constitution du Sénégal (le parrainage fait partie des différents maillons du mode d’élection, par essence intangible dans la Constitution).
Je rappelle que dans la Décision Maastricht II, le Conseil constitutitonnel français ne s’est pas déclaré incompétent. En clair, en imitant cette Décision, le Conseil constitutionnel sénégalais a raisonné en empruntant les mêmes prémisses que le Conseil constitutitonnel français, sauf que leurs conclusions diffèrent : déclaration d’incompétence au Sénégal, déclaration de compétence en France. La base juridique n’était pas la même.
Contrairement à ce qui a été soutenu, le Conseil constitutitonnel français a déjà contrôlé de manière sibylline une loi constitutionnelle dans sa Décision Maastricht II, de manière indirecte.
Je le cite : « 16. Considérant que l'article 5 de la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 a ajouté à la Constitution un article 88-3 ainsi rédigé : "Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l'Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d'application du présent article" (…).
20. Considérant qu'aux termes de la première phrase de l'article 88-3 de la Constitution (…) il ne saurait par suite être valablement soutenu que l'article 8 B, paragraphe 1, ajouté au traité instituant la Communauté européenne par l'article G du traité sur l'Union européenne serait contraire à l'article 3 de la Constitution (…).
27. Considérant, il est vrai, que la troisième phrase de l'article 88-3 énonce que : "Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d'application du présent article" (…).
28. Mais considérant que le renvoi, pour la détermination des conditions d'application de l'article 88-3, à une loi organique postule que ce dernier texte soit lui-même conforme aux modalités d'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales des ressortissants communautaires autres que les nationaux français, "prévues par le traité sur l'Union européenne" ; qu'ainsi, la loi organique devra respecter les prescriptions édictées à l'échelon de la Communauté européenne pour la mise en œuvre du droit reconnu par l'article 8 B, paragraphe 1 (…).
29. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la mise en cause, au regard de la Constitution révisée, des stipulations du traité relatives au droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales des citoyens de l'Union européenne résidant dans un État de l'Union sans en être ressortissant, ne peut qu'être écartée. ».
Il découle de là, qu’en contrôlant l’article 88-3 de la Constitution, le Conseil constitutionnel français contrôlait inévitablement la constitutionnalité de l’article 5 de la loi constitutionnelle du 25 juin 1992. Parce que l’article 88-3 a été ajouté par l’article 5 de la loi constitutionnelle du 25 juin 1992. Donc, contrôler l’article 88-3 revient ipso facto à contrôler l’article 5 de la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 et vice-versa. Il n’est donc pas juste de dire que le Conseil constitutionnel ne contrôle pas les lois constitutionnelles. Les choses ne sont aussi absolues, il faut relativiser.
Surtout, la loi litigieuse n’a pas été adoptée par référendum et touche un domaine intangible : le parrainage, qui, en réalité, est inclus dans les différents maillons de la chaine du « mode d’élection ». Cela signifie que le Conseil constitutionnel sénégalais aurait dû se déclarer compétent, pour apprécier la constitutionnalité de la loi litigieuse adoptée par voie parlementaire et non par référendum. En tout état de cause, la loi sur le parrainage ne peut pas être regardée comme exprimant la volonté peuple. Parce que la loi n’exprime la volonté du peuple que dans le respect de la Constitution. Or, la Constitution a été violée par la loi sur le parrainage. Curieusement, le Conseil constitutionnel a préféré esquiver cette question de fond.
Le problème est qu’il tient le même raisonnement que le Conseil constitutionnel français, sauf que ce dernier ne s’était pas déclaré incompétent dans sa Décision Maastricht II où il indiquait :
« Considérant que le traité sur l'Union européenne ne comporte pas de clause contraire à la Constitution (…), l'autorisation de le ratifier peut ainsi intervenir sur le fondement d'une loi ;
Décide :
Article premier : Le traité sur l'Union européenne, signé le 7 février 1992 à Maastricht, n'est pas contraire à la Constitution. ».
Toutefois, je rappelle qu’il y a d’autres cas où le Conseil constitutionnel français s’était déclaré incompétent pour apprécier une loi constitutionnelle. Mais, ce n’est pas du tout identique au cas qui était soumis au Conseil constitutionnel sénégalais sur le parrainage. Ce n’est pas comparable non plus, parce que l’incompétence du Conseil constitutionnel français portait fondamentalement sur des lois constitutionnelles qui ont été adoptées par le peuple par la voie d’un vote par référendum, et non par voie parlementaire comme ce fut le cas de la loi sur le parrainage.
L’incompétence du Conseil constitutionnel français à propos des lois constitutionnelles votées par référendum est normale, elle est même logique. Parce qu’il se trouve directement confronté à l’expression directe du peuple souverain. Ce fut le cas par exemple dans la Décision du Conseil constitutionnel français n° 62-20 DC du 6 novembre 1962, Loi relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, adoptée par le référendum du 28 octobre 1962 ; ce fut également le cas dans la Décision du Conseil constitutionnel français n° 92-313 DC du 23 septembre 1992, Loi autorisant la ratification du traité sur l'Union européenne (« Maastricht III »), etc.
Il en découle que les erreurs du Conseil constitutionnel sénégalais dans la Décision du 9 mai 2018 sur le parrainage ont été :
D’abord, d’avoir mal compris le sens du raisonnement de la Décision Maastricht II qu’il a copiée et transposée au Sénégal ;
Ensuite, d’avoir placé au même niveau les lois constitutionnelles votées l’Assemblée et les lois constitutionnelles votées par le peuple par référendum. Une loi constitutionnelle votée par le peuple par référendum est mieux protégée qu’une loi constitutionnelle votée uniquement par l’Assemblée nationale (avec une vive contestation de l’opposition et une désapprobation d’une partie de la population sénégalaise) ;
Enfin, de s’être déclaré, à tort, incompétent, alors même qu’est en cause un aspect non-révisable de la Constitution.
II) Les erreurs du Conseil constitutionnel tenant à une mauvaise interprétation de l’article 92 de la Constitution et de la loi organique relative au Conseil dans sa Décision du 9 mai 2018 sur le parrainage :
La Décision du Conseil constitutionnel repose sur une mauvaise compréhension des prérogatives issues de l’article 92 de la Constitution et de la loi organique relative audit Conseil. En effet, le Conseil constitutionnel indique dans la Décision du 9 mai 2018 :
« Considérant que l’alinéa premier de l’article 92 de la Constitution et l’article premier de la loi organique relative au Conseil constitutionnel donnent compétence au Conseil pour connaître de la constitutionnalité des lois ordinaires et des lois organiques ; que le Conseil constitutionnel ne tient ni de ces textes ni d’aucune autre disposition de la Constitution et de la loi organique le pouvoir de statuer sur une révision constitutionnelle (…). Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le Conseil constitutionnel n’a pas compétence pour statuer sur la demande par laquelle les députés requérants lui défèrent, aux fins d’appréciation de sa conformité à la Constitution, la loi 14/2018 portant révision de la Constitution, adoptée par l’Assemblée nationale le 19 avril 2018. ».
Ici, le Conseil constitutionnel s’est borné à constater et non à interpréter l’article 92 de la Constitution et l’article premier de la loi organique relative au Conseil constitutionnel. Alors qu’il aurait dû interpréter convenablement ces dispositions, et ce, de façon constructive.
Au préalable, je rappelle que s’il est vrai qu’il arrive parfois qu’un texte soit indéterminé, flou ou obscur ; en telle hypothèse, le juge a le devoir d’interpréter correctement le texte pour en établir le sens. Autrement dit, lorsqu’un texte est indéterminé : « c’est le juge qui poursuit et achève la détermination nécessaire de la règle à appliquer et qui est donc co-auteur de cette règle avec le législateur », pour reprendre l’expression du professeur J.-J. Bienvenu.
Or, en l’espèce, le Conseil s’est contenté de constater, alors qu’il fallait interpréter l’article 92 de la Constitution et l’article premier de la loi organique, dans le sens des COMPÉTENCES IMPLICITES du Conseil constitutionnel.
Autrement dit, en dehors des lois ordinaires et des lois organiques, le Conseil constitutionnel a la compétence pour apprécier d’autres types de lois constitutionnelles adoptées par voie parlementaire et non par référendum. Et, il n'est ni nécessaire, ni obligatoire que l’article 92 de la Constitution et l’article premier de la loi organique établissent toute la liste des types de lois que le Conseil constitutionnel est amené à apprécier au regard de la Constitution. Parce que la liste établie par l’article 92 de la Constitution (lois organiques, lois ordinaires), doit être considérée comme une liste exemplative ou illustrative, et non comme une liste exhaustive.
L’erreur des membres du Conseil constitutionnel sénégalais a été d’y voir une liste complète ou exhaustive. Ce qui leur a conduit à se déclarer incompétent sans réfléchir sur le sens réel de cette disposition, qui, en tout état de cause, contient d’autres compétences implicites du Conseil constitutionnel. Lesquelles ne se limitent pas aux lois organiques et aux lois ordinaires. Et ce n’est pas parce que la jurisprudence a l’habitude de dire quelque chose, que nous devons la concevoir comme juste au regard du droit positif. Il faut réfléchir…
Etant donné que le Conseil constitutionnel et le Ministre de la justice prennent toujours comme exemple la France : j’attire leur attention sur le fait que, même en France, « une liste figurant dans un texte n’a pas un caractère limitatif malgré les apparences. C’est ainsi que le Conseil constitutionnel (…) a jugé que la liste des catégories de « lois de souveraineté » (…) n’était pas exhaustive. », Voir, R. Keller, « Le recours juridictionnel spécifique contre la « loi du pays » de Polynésie française : un contentieux original et complexe à l’image du statut de cette collectivité », R.F.D.A., n° 5, 2010, pp. 951-952 ; Décision Cons. Constit. français n° 2004-490 DC, 12 février 2004, consid. 18.
Dès lors, je pense que les compétences du Conseil constitutionnel ne doivent pas être lues comme se limitant exclusivement aux lois organiques et ordinaires. C’est une vision très réductrice. En effet, d’autres compétences implicites dans l’article 92 et l’article premier de la loi organique, entrent dans le patrimoine juridique du Conseil constitutionnel. Il est temps qu’il le sache.
Ces compétences implicites signifient que le Conseil constitutionnel est habilité à exercer non seulement les pouvoirs qui lui sont attribués, mais aussi ceux qui, sans être expressément mentionnés dans l’article 92 et l’article premier de la loi organique relative au Conseil, lui sont cependant nécessaires pour donner effet utile aux dispositions expresses de la Constitution.
C’est dire que les juges doivent d’abord être capables de comprendre certaines subtilités du droit. En plus d’être suffisamment émancipés, pour comprendre que le législateur ne peut pas tout prévoir dans les moindres détails dans la Constitution. À cet égard, Chaïm Perelman indiquait à juste titre que : « Tenant compte de la variété infinie des circonstances, du fait qu’il n’est pas capable de tout prévoir et de tout régler avec précision, admettant que des règles rigides s’appliquent malaisément à des situations changeantes, le législateur peut délibérément introduire dans le texte de la loi des notions à contenu variable, flou, indéterminé », que le juge doit interpréter correctement (Voir, par exemple, J. Carbonnier, Les notions à contenu variable).
Le juge qui interprète un texte doit donc veiller à en savoir plus que le législateur.
En conclusion, à travers sa Décision du 9 mai 2018 sur le parrainage, le Conseil constitutionnel sénégalais fait preuve d’un réel problème d’équilibre, notamment dans sa façon de rendre la justice constitutionnelle. Il est incapable de bien placer le curseur.
S’y ajoute le mauvais recopiage de la jurisprudence constitutionnelle française à propos de la Décision Maastricht II. Laquelle n’est pas transposable dans le cas qui s’était posé au Sénégal avec la loi constitutionnelle litigieuse sur le parrainage.
Enfin, la Décision du Conseil constitutionnel sur le parrainage repose, sur une très mauvaise compréhension de l’alinéa premier de l’article 92 de la Constitution et de l’article premier de la loi organique relative au Conseil constitutionnel. Laquelle a abouti sur l’ignorance des compétences implicites du Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel avait donc suffisamment de marge de manœuvre pour procéder à une interprétation constructive des dispositions précitées. Il n’aurait pas dû se déclarer incompétent pour apprécier une loi constitutionnelle qui affecte un domaine intangible de la Constitution, qui n’a pas été adoptée par le peuple par référendum. Le Conseil constitutitonnel français dans sa Décision Maastricht II, a effectué un contrôle de constitutionnalité d’une loi constitutionnelle de manière sibylline : il s’agissait de l’article 88-3 de la Constitution ajouté par l’article 5 de la loi constitutionnelle du 25 juin 1992. Or, contrôler la constitutionnalité de l’article 88-3 revenait évidemment et incontestablement à contrôler la constitutionnalité de l’article 5 de la loi constitutionnelle du 25 juin 1992.
Enfin, si une réforme du Conseil constitutionnel sénégalais est nécessaire, elle devrait aller dans trois directions :
D’abord, rompre avec l’idée reçue qui consiste à nommer de vieux juges proches de la retraite au Conseil constitutionnel et à la tête de toutes les hautes juridictions du Sénégal : la compétence ne se mesure pas à l’âge ou autres. Cette manière de procéder constitue un réel facteur de retard du Sénégal et des États africains.
Ensuite, réformer la formation des juges au Sénégal, en développant surtout leurs compétences en théorie et philosophie du droit, en science administrative, herméneutique juridique, entre autres. Car, un excellent juge est avant tout un excellent interprète et un excellent théoricien du droit. Cela vaut aussi pour les administrateurs...
Enfin, le Président de la République et le Ministre de la justice doivent travailler dans un sens qui permettrait, aux membres du Conseil constitutionnel sénégalais de prendre conscience de leur « devoir d’ingratitude », à l’égard du pouvoir exécutif, dans le sens où l’entendait l’honorable Ministre de la justice Robert Badinter. Au cas échéant, les décisions du Conseil constitutionnel vont toujours en pâtir, ne serait-ce, du point de vue de leur impartialité et de leur légitimité.
Je dédie cet article à Fallou Sène, étudiant tué le 15 mai 2018 à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis pour avoir réclamé un droit légitime : celui de percevoir sa bourse. Que justice soit faite. Repose en paix !
Alioune GUEYE
Professeur de Droit public,
Membre du Comité scientifique à la Revue juridique et politique des États francophones (France),
Membre du Comité scientifique à la Revue québécoise de Droit international public (Canada),
Ancien A.T.E.R en Droit public, Rang 1er (France),
Courriel : aliounegueye2000@gmail.com