Immunité de Khalifa Sall, un cas d'école
Au cours d'une plénière désertée par l'opposition dans une assemblée largement dominée par la coalition présidentielle, le vote à 116 voix pour et 1 seule voix contre été expéditif. Onze de ses pairs parlementaires vont donc constituer le grand jury qui va auditionner le maire de Dakar, incarcéré depuis le 7 mars dernier sur des allégations de détournements de deniers publics de la «caisse d'avance municipale ».
Avec son élection en tant que député lors des législative du 30 juillet dernier, Khalifa Sall et ses avocats ont invoqué l'immunité parlementaire que lui confère sa nouvelle qualité de député pour obtenir une liberté provisoire dans l'attente de la tenue de son procès. Mais toutes les requêtes de la défense se sont heurtées au mur de la non-rétroactivité de cette immunité, érigé par Massamba Sall, le doyen des juges, Bassirou Guèye, le procureur de la République et la Cour d'appel.
La suite de la procédure ? Après audition, la commission devrait présenter un rapport à l'hémicycle qui devra voter la levée ou non de l'immunité. Seulement, la probabilité de cette audition est sérieusement compromise avec le refus catégorique de Khalifa Sall de se présenter devant ses « onze juges ».
Mais pour l'heure, l'immunité parlementaire de Khalifa est en train de devenir un cas d'école à enseigner dans les amphis des facultés de droit. Au-delà, elle pose à la justice sénégalaise, une équation qui fera date dans les annales de sa jurisprudence. Peut-on lever l'immunité d'un député alors qu'il était incarcéré au moment de jouir de ce bouclier de protection constitutionnalisé ?
Une manœuvre du pouvoir pour écarter un adversaire de la présidentielle 2019 ?
« On nous demande de statuer un fait négatif. L'immunité n'a de sens que si la personne en jouit, que si la personne est libre (...) il [le parquet, ndrl] devait immédiatement sortir Khalifa Sall, lui faire bénéficier de son immunité parlementaire, avant de venir nous demander de la lever », tranche Aïssata Tall Sall, issue du même parti que le maire de Dakar.
Pour autant, la probabilité de voir cette audition se tenir est sérieusement compromise. Khalifa Sall a indiqué qu'il ne se présentera pas devant ses « onze juges ». Du côté de son état-major politique, on dénonce une levée d'immunité destinée à désarmer complètement le député-maire afin de pouvoir le condamner à une peine lourde.
En cas de condamnation, le casier judiciaire de Khalifa Sall serait entaché, ce qui aurait pour conséquence de le rendre inéligible pour la présidentielle qui se profile en 2019. Au sein de la garde rapprochée du maire, on dénonce une manœuvre du pouvoir de Macky Sall. Une de plus pour écarter habilement un adversaire politique ?
Avec Afrique Latribune.fr