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L'essentiel


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Les failles du PSE

POLITIQUE
Lundi 11 Mars 2019

Les failles du PSE
Avec le Plan Sénégal Emergent (PSE), initié en 2014 par le président Macky Sall, le pays s’est lancé dans un nouveau modèle de développement économique. Dans sa première phase, le but du PSE était d’essayer de faire décoller l’économie sénégalaise. Nous avions tous dénoncé le PSE, car n’étant pas un modèle économique ni un plan adéquat à nos réalités socio-économiques. Dans ma tribune parue dans Le Monde intitulée, "le plan d’infrastructures de Macky Sall envoie le Sénégal droit dans le mur », j’ai dénoncé l’allocation des ressources mobilisées. Son excellence, monsieur le Premier ministre y a apporté sa réponse intitulée « Une somme d’optima n’est pas nécessairement un optimum » ou « De la rationalité de considérer l’image globale du Plan Sénégal Emergent et non de ses dérivées ». Dans une série de tribunes, nous démontrerons que même si nous considérons l’image globale du PSE, il y a des failles qui ont empêché une croissance soutenue et incluse puis nous démontrerons les erreurs de la seconde phase du PSE. 
 
Homo homini lupus
 
Le président Macky Sall disait que « pendant plusieurs décennies, des politiques et stratégies ont été mises en œuvre au Sénégal, sans une amélioration conséquente de la situation économique et sociale des populations. (…) Préserver dans cette voie aurait accentue le malaise social et hypothèque toute perspective de décollage économique. Il poursuit en disant « j’ai décidé de rompre avec les schémas classiques, pour positionner le pays dans la voie de la modernité et impulser un nouveau modèle de développement économique. » Depuis l’implantation du PSE, le gouvernement a su coordonner dans sa stratégie de communication les actions nécessaires pour atteindre ses objectifs. Le gouvernement a fait une autopsie de son électorat pour délivrer un message adéquat. Un plan de communication destiné à un électorat qui ne vote pas objectivement. C’est ainsi que nous avons assisté avant et durant la campagne électorale à une communication qui a répertorié les actions réalisées durant le septennat. C’est avec fierté que le président de la République et les membres de son gouvernement mettent l’accent sur les projets de prestige réalisés ou en cours de réalisation. Le président faisait face à deux décisions. Il s’agissait de mettre le Sénégal sur la voie de l’émergence en prenant des décisions impopulaires et faire un mandat ou de se lancer dans la continuité avec plus de chance de se faire réélire. Dilemme cornélien ? Les choix impopulaires du développement du Sénégal ne sont pas méconnus du président de la République, mais ces choix allaient faire de lui le premier président à faire un mandat bien qu’il serait le premier président héros national. Il a choisi de ne pas être un héros national et aussi de ne pas être le premier président sénégalais à faire un mandat.
 
Vue d’oiseau des failles du PSE
 
Croissance, fameuse croissance. Nous avons tellement entendu le mot croissance que nous avons fini par croire que la croissance est synonyme de développement. On dit souvent que la répétition est la vertu de la pédagogie. Nous devons tout d’abord comprendre que l’économie mondiale était et est en meilleure forme. Si l’économie mondiale est en bonne forme, cela se fera ressentir sur l’économie des pays pauvres comme le Sénégal. C’est ainsi qu’il faut noter des taux de croissance relativement corrects dans les pays membre de l’UEMOA : Benin 5,8 %, Burkina Faso 6,3 %, Côte d'Ivoire 7,7 %, Guinée-Bissau 5,9 %, Mali 5,4 %, Niger 4,9 %, Sénégal 7,2 %, et Togo 4,4 %. Ces pays pauvres dont nous faisons partie, pourront dans ce cas compter sur l’aide publique au développement et les partenariats public-privés pour combler les déficits budgétaires. À titre d’exemple, en 2017, le Sénégal a reçu plus de 97 milliards de francs CFA des Etats-Unis et durant le septennat du président Sall, plus de 821 milliards de francs CFA. L’aide publique au développement est revue à la baisse dans plusieurs pays développés. Conséquemment, les pays pauvres se sont tournés vers l’endettement. Malgré un seuil d’endettement fixé par les pays de la région et un mécanisme de reconstitution du PIB, les pays pauvres sont très endettés et se cachent derrière ce seuil d’endettement. Le moyen le plus efficace d’inverser cette tendance d’endettement est une réforme fiscale. Il fallait que l’Etat élargisse l’assiette fiscale en limitant les exonérations fiscales accordées aux entreprises étrangères qui rapatrient leurs bénéfices dans leurs pays d’origine. Ces entreprises étrangères ne créent pas assez d’emplois au Sénégal créant ainsi une croissance sans emplois. Quand une croissance est soutenue, elle doit impérativement créer des emplois, il y a une corrélation positive entre ces deux donnés. 
 
Durant l’initiation du PSE, la population du Sénégal était estimée à 13,9 millions d’habitants avec un taux de croissance de 2,7 % selon l’ANSD. Durant cette période, les jeunes de moins de 25 ans représentaient 62 % de la population. Certes, les infrastructures accélèrent la croissance, mais l’Etat devait se focaliser sur la réduction de la croissance ou sur la création d’emplois. L’une des priorités devait être la modernisation du secteur agricole qui nous mènerait vers l’industrialisation. Cela n’a pas été fait, car l’Etat a voulu d’abord combler le déficit en infrastructures avant de commencer à investir dans les secteurs créateurs d’emplois. Il fallait profiter de la bonne tenue des cours des matières premières pour investir dans les secteurs clés. Selon la BAD, durant les dix dernières années, les pays avec la croissance la plus forte ont créé moins d’emplois que les pays dont la croissance a été plus modérée. Cette croissance, rappelons-le, a été favorisé par l’investissement dans les infrastructures, peu importe si ces investissements sont productifs ou pas. Néanmoins, ces investissements dans les infrastructures qui ont boosté cette croissance n’ont été ni soutenus ni inclusifs. Le choix des projets d’infrastructure durant le septennat a été un choix plutôt politique qu’économique. Quand un président de la République a 5 ans ou 7 ans avant les prochaines élections, il lui parait impératif de lancer de nouveaux projets d’infrastructure portant son empreinte. Même si l’optimisation d’infrastructures existantes est une meilleure option, les gouvernants ne pourront pas se l’approprier. L’Etat a manqué de pragmatisme dans la priorisation des projets d’infrastructure. Dans l’économie d’une nation, la stratégie est très importante. Il est possible d’investir dans les infrastructures à la fois électoralistes et productives, mais notre Etat a trop entrepris à la fois, là où il ne fallait pas. En économie, les projets d’infrastructure sont parmi les investissements les plus rentables, cependant, si cette rentabilité n’a pas suivi au Sénégal, cela démontre de la mauvaise allocation des ressources mobilisées.
 
L’approche la plus efficace aurait dû être la construction d’infrastructures dans les zones économiques au Sénégal. Quand on met les parcs industriels à côté des fournisseurs spécialisés, il n’y aurait pas eu la nécessité de construire certaines routes dans l’immédiat. L’endettement pour le financement des projets d’infrastructure n’a pas été optimal avec l’émission des titres d’emprunt dans des devises fortes. L’endettement devenait tellement restreignant qu’il a fallu recalculer notre PIB pour une soutenabilité de la dette. Certes, le recours aux PPP est primordial de nos jours, cependant, il faut noter que tous les projets ne sont pas forcément adaptés aux PPP. Les petits projets d’un Etat ne doivent pas nécessiter un recours aux PPP et ces derniers ne devaient pas non plus être utilisés comme stratégie politique. 
 
En économie, gouverner, c’est prévoir, donc il est impératif de prévoir pour faire face aux défis. L’Etat aurait dû commencer un mécanisme pour faire face aux chocs climatiques, un fond devait aussi être mis en place pour une éventuelle subvention de l’électricité en cas d’une hausse du prix du baril du pétrole. Et d’autres… Serions-nous prêts si le monde traversait une autre crise financière ?
 
On dit souvent qu’un homme doit être assez grand pour admettre ses erreurs, assez intelligent pour apprendre de celles-ci et assez fort pour les corriger.
 
Mohamed Dia, Consultant bancaire
 

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