Le Premier ministre a néanmoins reconnu, lors de la conférence de presse de clôture du XVIIe sommet de la Francophonie, à Erevan, que la décision de se rallier à l'écrasant consensus africain derrière celle qui l'a finalement emporté, la Rwandaise Louise Mushikiwabo, pourrait inciter des pays du continent à récompenser Ottawa lorsque viendra le temps de voter en 2020.
Il a expliqué avoir pris la décision de larguer Michaëlle Jean lorsqu'il est devenu évident qu'une vaste majorité de pays préférait son opposante. Or, celle-ci est ministre des Affaires étrangères d'un pays accusé de bafouer les droits démocratiques et la liberté de la presse avec à sa tête un président autoritaire qui a obtenu près de 99 % des voix en 2017, le controversé Paul Kagame.
Le Premier ministre Trudeau, qui avait eu un entretien bilatéral jeudi avec le dirigeant africain et sa numéro deux, a soutenu avoir eu avec eux une conversation franche et directe sur la question des droits de la personne. Mais «on ne s'attend pas à la perfection de personne», a-t-il justifié.
C'est forte du consensus des pays membres de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) que la candidate du Rwanda se retrouve aux commandes de l'institution multilatérale. Après son triomphe, la secrétaire générale s'est réjouie que le front uni africain derrière sa candidature ait porté ses fruits.
Elle a signalé qu'elle n'avait pas l'intention d'opérer un changement de cap majeur dans les orientations de l'organisation, mais elle a promis davantage de transparence sur le plan de la gestion financière. Le mandat de sa prédécesseure, faut-il le rappeler, a été entaché par des histoires de dépenses jugées excessives.
Comme pour s'en différencier, Louise Mushikiwabo a affirmé que son parcours lui a appris que «chaque billet dépensé a son importance». Pendant son discours de remerciement, elle n'a pas prononcé le nom de Michaëlle Jean ou salué son travail. Elle a, en revanche, eu de bons mots pour Paul Kagame. «Monsieur le président, je vous remercie infiniment», a-t-elle lancé.
Le scénario qui se profilait à l'horizon depuis quelques semaines s'est donc matérialisé. Après que les gouvernements du Canada et du Québec eurent désavoué Michaëlle Jean, ses chances étaient devenues quasi nulles face à une rivale qui jouissait du sceau d'approbation de plusieurs pays de l'Union africaine et celui du président de la France, Emmanuel Macron.
Mais la Canadienne s'accrochait, ce qui a semé une certaine confusion, voire un malaise, et soulevé des interrogations sur la façon dont la Francophonie élit son chef. Et c'est la raison pour laquelle il faudra tirer des enseignements de cette élection, selon Jocelyn Coulon, chercheur au Cérium de l'Université de Montréal.
« Le processus de sélection et de nomination du secrétaire général est en crise, comme le démontre le psychodrame où a été plongé l'OIF pendant une semaine. Il faut le réformer pour le rendre plus transparent, ce qui donnera plus de crédibilité à l'élu », a-t-il déclaré vendredi.