Après six ans au pouvoir, le président de la République a finalement compris une des priorités des Sénégalais. Peut-être aussi, qu’il ne l’a toujours pas compris et que cette phrase tirée du livre du président de la République, soit purement politique pour essayer de gagner la confiance des Sénégalais une seconde fois. L’actuel président de l’Assemblée nationale disait du temps du président Diouf: « Il est évident et aujourd'hui amplement prouvé que ce qu’un chef d'Etat n'a pu réaliser en dix ans, il ne pourra jamais le réaliser en vingt ou trente ans". Je dis dans ce sens, que ce qu’un président n’a pas pu réaliser en six ans, ce n’est pas un autre mandat de cinq ans qui puisse régler la situation, à moins qu’un troisième mandat ne soit possible. Impossible n’est pas Sénégalais.
Similaires à la fin du président Diouf mais différents
Je respecte le président Diouf et le considère comme le président le plus méritant à cause de ce qu’il a hérité, mais aussi à cause de l’environnement économique dont il faisait face.
Après la dévaluation, la campagne du président Diouf était axée sur les améliorations économiques au Sénégal. Le président Diouf ne parlait que de la croissance vue toutes les crises que le Sénégal venait de traverser. Les entreprises publiques furent privatisées à cause de la mauvaise gestion. Il insistait sur le fait que le Sénégal possédait beaucoup de devises avec la cession de ces entreprises à des multinationales étrangères. Le PIB grimpa jusqu’à 6 % et l’Etat commença à investir dans l’agroalimentaire et les mines entre autres. En 1993, le président Diouf avait promis 20 000 emplois par an et une croissance entre 6 et 10 %. Macky Sall avait promis 500 000 emplois et là, il nous dit dans son livre qu’avec le pétrole et le gaz, il veut relancer l’économie et atteindre une croissance de 9 % voire même une croissance à deux chiffres. Le président Diouf disait que plus de 40 000 emplois ont été créés depuis 1993 alors que plus de 100 000 Sénégalais entraient dans le marché du travail chaque année. Cela donnait un manque à gagner de plus de 60 000 emplois par an. De 1993 à 2000, nous assisterons donc à un gap de 420 000 emplois si les chiffres fournis étaient avérés.
Avant les élections de 2000, le président Diouf négociait avec le MFDC et il rencontra pour la première fois le leader du MFDC en 1999 à Ziguinchor. Une poignée de mains s’ensuivit pour des élections apaisées. Quand il a été reproché que depuis l’âge de 25 ans, il n’a pas payé de factures, l’actuel président du HCCT rétorquera dans Jeune Afrique de 1999 que : "Je ne vois vraiment pas ce qu’il y a de gênant à cela. Ce n’est pas parce qu’on n’a pas payé l'eau et l'électricité qu’on ne peut pas être en phase avec son peuple". Le président Sall lui a connu les facultés de l’université Cheikh Anta Diop, les fins de mois difficile, la location de chambres, studios et appartements. Est-il possible en six ans d’oublier cette vie, celle que la majeure partie des Sénégalais vit chaque jour ?
Il est trop tard pour s’incliner quand la tête est tombée
Mandat de 7 ans : "Il faut qu'on comprenne, en Afrique aussi, qu'on est capable de donner la leçon, et que le pouvoir ce n'est pas une fin en soi" disait Macky Sall quand il avait promis de réduire son mandat en cours de 7 à 5 ans tout en sachant que dans une République, cela ne puisse point dépendre de lui, mais plutôt du Conseil constitutionnel. Mr. le président, je vous assure que vous n’aviez pas besoin de cette promesse pour gagner les élections, car le Sénégal voulait d’un changement indépendamment du candidat qui serait face au président Wade.
Ingérence familiale : Mr. le président, vos propres mots : « Je ne mêle jamais ma famille à la gestion du pays. Si mon frère a été amené à être cité dans des affaires de sociétés privées, c’est parce que je lui avais justement indiqué très clairement, dès ma prise de fonctions, qu’il ne bénéficierait jamais de ma part d’un décret de nomination, notamment en raison de l’histoire récente du Sénégal (Wade père et fils) et parce que je ne voulais pas être accusé de népotisme ». Oui, Mr. le président. Vous aviez raison et le Sénégal était fatigué de la manière dont le président Wade gouvernait. Pourquoi avez-vous suivi sur ces pas Mr. le président ? Nous n’arrivons toujours pas à comprendre.
Transhumance ou CREI : Mr. le président, vos propres mots : « la transhumance était comme «une pathologie gangrenant notre système politique ». Durant douze ans du règne du président Wade, une seule une personne a été emprisonnée, le fils du président Wade. Un leader doit être juste Mr. le président, soit on emprisonne tous ceux qui ont détournés ou on continue sur la même lancée de détournement. Souleymane Ndéné Ndiaye disait : «J’ai dit et répété qu’il n’arrivera jamais, je dis bien jamais, que je rejoigne le président Macky Sall dans sa formation politique. Ça c’est exclu. Nous n’avons pas la même vision de la gestion d’un pays, et même d’un parti politique.». Sitor Ndour lui disait : «Je préfère prendre ma retraite politique que d’être avec Macky Sall.» Aida Ndiongue disait : « Si je transhume au Pds, que tous ceux qui ont un chiot lui donnent mon nom », et d’autres exemples…
Khalifa Sall : La cour de la CEDEAO nous parle de « violations des droits de l’Homme et des droits politiques notamment le droit d’être assisté par un avocat, le droit à la présomption d’innocence, le droit de faire entendre des témoins, le droit de bénéficier d’une instruction à décharge par une mesure d’expertise tendant à établir des contestations sérieuses et le droit à un procès équitable. La cour dit aussi que Mr. Sall ne se trouvait dans aucun cas d’incapacités légales ou d’inéligibilité prévue par la loi électorale donc il a été privé de son droit de vote. La cour dit aussi que son immunité parlementaire a été violée, car il n’a jamais été entendu par la Commission et n’a pas été mis en mesure de comparaître personnellement à l’Assemblée nationale pour se défendre ou pour désigner un défenseur. Elle dit aussi que la détention de Mr. Sall entre la date de la proclamation des résultats de l’élection législative par le Conseil constitutionnel c’est-à-dire le 14 août 2017, et celle de la levée de son immunité parlementaire, à savoir le 25 novembre 2017 est arbitraire. Monsieur le Président, on ne peut pas faire deux poids deux mesures. Quand les décisions nous arrangent, on est avec la CEDEAO, quand les décisions ne nous arrangent pas, on devient une nation souveraine.
Il y a tant d’autres dossiers aussi importants sinon plus importants, mais nous nous en arrêterons là.
Phase I du PSE : La charrue avant les bœufs
Monsieur le Président, je sais que nous sommes en politique et que votre but principal est de vous faire réélire, mais malheureusement le Sénégal n’en est pas encore à ce stade. Monsieur le Président, de 500 000 emplois promis à "l’emploi des jeunes sera le moteur de mon action si je suis réélu". Maintenant que la population devient importante, car détentrice de votre destin politique, vous venez les implorer. N’est-il pas un peu trop tard Monsieur le Président ?
Ila Touba électoraliste ou hôpitaux : La construction d’un centre hospitalier digne de ce nom aurait coûté un peu plus de 7 milliards de francs CFA. Avec les 416 milliards de l’autoroute Ila Touba, combien d’établissements sanitaires aurions-nous pu construire à travers le pays afin que chacun ait accès à des soins médicaux de qualité ?
Arène nationale ou salles de classe : Pendant que le Sénégal comptait 6 369 salles de classe dites « provisoires », la construction d’une arène nationale à 32 milliards était prioritaire dans votre programme. Le coût approximatif pour les transformer en véritables lieux d’enseignement se monterait à 40 milliards de francs CFA.
Un centre de conférence et un complexe sportif ou une usine de dessalement : Le centre international de conférence Abdou-Diouf et le complexe sportif Dakar Arena nous ont coûté plus ou moins 126 milliards. Une usine de dessalement de l’eau de mer coûte 135 milliards de francs CFA. Ne devait-on pas le faire avant ces infrastructures électoralistes ?
Le TER, ce fameux TER : Quel est le coût ? 750 milliards ? 1000 milliards ? Peu importe. Monsieur le Président, nous sommes l’un des pays les plus pauvres du monde. Le Sénégal compte 0,07 médecin pour 1 000 habitants, affiche un taux de pauvreté de 47 % et la dette publique représente plus de 61 % du PIB. Monsieur le président, et le BRT ?
Comment se fait-il que les programmes d’accès aux services sociaux et les programmes de protection sociale ne sont pas prioritaires dans le PSE ? Monsieur le Président, la santé et l’éducation au lieu des milliards dans ces infrastructures sans utilité, l’assainissement du pays, l’emploi des jeunes, le secteur agricole, le secteur primaire en général, les industries, le secteur minier avec ces mauvais contrats, l’exode urbain, le transport aérien national au lieu du TER, le transport interurbain, les contrats pétroliers et gaziers…
Parmi les réalisations dont vous vous vantez, elles dérivent pour la plupart de dons, de prêts concessionnels ou d’alliance. Notre budget ne sert pas à grand-chose à part maintenir cet extravagant train de vie, on dirait Monsieur le Président. On a mis la charrue avant les bœufs Monsieur le Président, je vous assure. Les « bœufs » sont affamés et ont dit « qu’un bœuf affamé est un bœuf en colère ».
Monsieur le Président, les priorités devaient être la santé et l’éducation tout en n’ignorant pas les autres secteurs. En 2018, pendant que nous nous vantons d’infrastructures de dernière génération, nous n’avons toujours pas de modèle économique. Le PSE est un programme et non un modèle économique. L’économie du Sénégal a été en mode auto pilote et rien n’a été fait pour changer cela à part parler de croissance. Bien sûr que la croissance sera forte à cause des investissements publics. A défaut d’investissements privés, cette croissance chutera. Monsieur le président, je conclus en disant que le PSE a été un échec, est un échec et sera toujours un échec. Monsieur le Président, le gouvernement a montré ses limites durant ce mandat et je ne pense pas que cinq années supplémentaires puissent changer grand-chose. Comment se fait-il que l’emploi des jeunes ne soit pas le moteur de votre action dès vos premiers jours au magistère suprême ? Ne dit-on pas «qu’il est aisé de faire des promesses, mais difficile de les tenir» ?
Mohamed Dia, Consultant bancaire