"Je suis en train d'être arrêté". C'est par ses mots publiés sur son compte Facebook que le blogueur et journaliste égyptien Waël Abbas a annoncé son interpellation, mercredi 23 mai, au Caire. Une information confirmée par son avocat, qui précise que depuis personne n'est en mesure de dire où il se trouve et comment il va.
Engagé et reconnu, Waël Abbas publie, depuis plus d'une dizaines d'années, des articles sur son blog, sur Facebook, Twitter et YouTube, dans lesquels il prend position contre les violences policières, la torture ou encore la corruption dans son pays. En janvier 2011, lors de la révolte qui avait provoqué la chute du regime du president Hosni Moubarak, il avait largement commenté les événements sur les réseaux sociaux.
Son compte Twitter a été suspendu en décembre 2017 après des mois de "harcèlement en ligne par des armées de troll proches du gouvernement", relate Reporters sans frontières dans un communiqué. "(…) Sous le président déchu Hosni Moubarak, on lui avait reproché de menacer la sécurité nationale ou de dégrader un câble internet", rappelle l’ONG.
Waël Abbas a été "kidnappé"
Dans un message posté sur son compte Facebook dans la nuit du mardi 22 au mercredi 23 mai, Waël Abbas a écrit ce message : "Je suis en train d'être arrêté". Il se trouvait alors à son domicile du Caire.
Selon le Réseau arabe d'information sur les droits de l'Homme (ANHRI), la police a perquisitionné à son domicile sans présenter de mandat d'arrêt, lui a bandé les yeux et l'a emmené de force dans un lieu inconnu. L'avocat du blogueur, Gamal Eid, écrit sur son compte Twitter qu’il "n'a pas été arrêté" mais "kidnappé".
Des sources proches des services de sécurité ont confirmé qu’il avait bien été placé en détention, sans fournir plus de détails. Depuis son arrestation, personne n’a eu de nouvelles directes. "Nous sommes actuellement à la recherche d'informations pour savoir où il se trouve", a assuré à l'AFP Gamal Eid.
Le secrétaire général de l'ONG Reporter sans frontières (RSF), Christophe Deloire, a estimé que les autorités égyptiennes doivent "garantir son intégrité physique et psychologique (...) et fournir rapidement des informations sur sa situation actuelle".
Un militant et deux blogueurs arrêtes en mai
Les ONG internationales de défense de droits de l'Homme dénoncent régulièrement la répression implacable menée depuis 2013 contre les militants islamistes proches des Frères musulmans, puis contre les militants laïcs et de gauche par le régime du président Abdel Fattah Al-sissi réelu en mars avec plus de 97% des voixAu moins 33 journalistes, journalistes-citoyens et blogueurs sont actuellement détenus en Égypte selon Reporters sans frontières.
Au cours du seul mois de mai, au moins trois ont été arrêtés : l'avocat et militant des droits de l'Homme Haitham Mohamedine, soupçonné d'appartenance à une organisation terroriste. Ainsi que deux autres blogueurs, Chérif Gaber, accusé dans le passé d'avoir prôné l'athéisme et Chadi Abouzeid, auteur de vidéos satiriques.
Mardi, le journaliste et chercheur spécialiste du mouvement jihadiste dans le Sinaï Ismaïl Alexandrani a été condamné à dix ans de prison par une cour militaire égyptienne. Arrêté en novembre 2015, il est accusé de faire partie de la confrérie des Frères musulmans, déclarée organisation terroriste par l'Égypte en 2013.
Selon le classement mondial 2018 de la liberté de la presse réalisé par RSF, l'Égypte est 161e, sur 180 pays.
FRANCE 24