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La justice : arme de liquidation d’adversaires politiques

POLITIQUE
Mercredi 13 Décembre 2017

Le droit et la politique ne font pas très souvent bon ménage. Quand l'un entre dans le prétoire, l'autre en sort. Tous les régimes, tous les régimes, de Senghor à Diouf ont eu à utiliser des magistrats pour combattre des adversaires irréductibles. L'histoire retiendra toutefois les noms de quelques juges qui ont opposé au pouvoir leur devoir d'ingratitude. Retour sur une pratique aux antipodes de la démocratie.


La justice : arme de liquidation d’adversaires politiques
Dans son numéro de mercredi, le journal Enquête qui a consacré un dossier à la manipulation de l'appareil judiciaire pour casser les ailes de leurs adversaires politiques, commence par poser la question de savoir : Jusqu'où sont-ils prêts à aller pour conserver leur pouvoir ?

Sous nos cieux, les crimes de sang perpétrés contre des opposants ne font pas légion. Mais les atteintes contre leur intégrité physique et corporelle sont multiples. L’utilisation de la loi à des fins de règlement de comptes politiques monnaie courante. A tort ou à raison, ils sont nombreux à inscrire l’affaire Khalifa Sall dans cette même veine. Le juge Magatte Diop sera-t-il, cette fois, le bras armé pour perpétuer une vieille pratique, digne des Etats bananiers ?

Va-t-il se limiter à dire le droit dans toute sa rigueur ? Les questions taraudent les esprits.

A chaque régime son lot de victimes. Omar Blondin Diop, leader prometteur dans les années 1970 du mouvement estudiantin, communiste et farouche opposant du régime francophile de Léopold Sédar Senghor, a été moins chanceux. De Bamako où il s’était réfugié, il a été extradé et inculpé pour «terrorisme et espionnage» au bénéfice d’un Etat étranger. Finalement, il a été condamné à une peine de 3 ans pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Il mourut en prison. Et le régime avait déclaré une mort par strangulation (…)

«Les brimades ou la prison pour les opposants»

Dans son autobiographie publiée en 2010, ledit procureur lève un coin du voile. Il disait : “Je sais que cette Haute cour de justice, par essence et par sa composition (Ndlr : on y retrouve des députés ayant voté la motion de censure) a déjà prononcé sa sentence, avant même l’ouverture du procès (...) La participation de magistrats que sont le président (Ousmane Goundiam), le juge d’instruction (Abdoulaye Diop) et le procureur général ne sert qu’à couvrir du manteau de la légalité une exécution sommaire déjà programmée.»

Si Senghor n’a jamais été confronté à une opposition de taille, Diouf n’a pas eu la même chance. Sous son règne, l’opposition prend du poil de la bête, sous la houlette de Me Abdoulaye Wade. Alors se multiplient les cas d’emprisonnement d’opposants politiques, dont le leader de cette opposition. C’était le cas en 1988 et en 1993. Pour la première fois, c’était pour des violences post-électorales. Après procès, l’opposant Abdoulaye Wade, “Pape du Sopi’’, s’en est tiré avec sursis.

«Sans opposition, le président devient un dictateur»

Arrivé au pouvoir en 2000, Abdoulaye Wade va pousser le bouchon encore plus loin, en brandissant le bâton de la prison pour certains de ses adversaires radicaux, la carotte pour les dociles qui acceptent de paître dans les nouvelles prairies bleues. Demandez à Talla Sylla. Sauvagement agressé aux alentours du restaurant Le Régal, le régime libéral a été directement pointé du doigt. Mais l’affaire a été classée sans suite, avec la complicité de certains magistrats…

Abdoulaye Wade ne faisait aucun cadeau à ses adversaires. Il les traquait jusque dans leurs derniers retranchements. «Il était féroce dans l’adversité, alliant finesse et témérité», résume l’auteur de «Un chaume de mil au cœur du pouvoir». A tort ou à raison, il lui a aussi été reproché d’avoir utilisé la justice pour éliminer des adversaires dangereux.

Quant au président Macky Sall, qui avait inscrit sa magistrature sous le sceau de la rupture, il n’a guère fait mieux que ses prédécesseurs. La gouvernance vertueuse tant prônée tend plutôt vers une gestion tortueuse, selon beaucoup d’observateurs citant les emprisonnements de Bara Gaye, Moïse Rampino, Alioune Aïdara Sylla, Bara Sady, Aïda Ndiongue, tous d’anciens responsables libéraux. Au même moment, d’autres ex-partisans du Pds se la coulent douce aux côtés de l’homme fort de l’avenue Léopold Sédar Senghor, alors qu’ils étaient visés par des plaintes. L’actuel président est également accusé d’avoir réactivé un tribunal spécial pour mettre hors d’état de nuire un de ses adversaires, en l’occurrence Karim Wade.

Ainsi, le maire de Dakar, renvoyé devant les juridictions, est la énième victime d’une pratique qui a su résister au temps et aux régimes. Une pratique qui a permis à Senghor de régner avec «une main de fer», Diouf de diviser son opposition.

Abdoulaye Wade de l’affaiblir. Et enfin Macky Sall, selon plusieurs observateurs, l’utilise pour écarter tout bonnement ses adversaires supposés être une menace pour sa réélection.

Enquête 

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