C’est une poignée de main qui a pris tout le monde de court. Même les principaux alliés de Raïla Odinga jurent qu’ils ne savaient pas. Mais ce n’est peut-être pas par hasard si cette réconciliation est survenue juste avant la visite du secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson. En effet, les Américains étaient quasi les derniers à pousser encore au dialogue. Les églises et des entrepreneurs faisaient également pression en coulisse. Ce qui pourrait avoir permis un déblocage.
Selon Murithi Mutiga, le président Kenyatta entame son dernier mandat et devait se réconcilier avec son adversaire. « C’était une question d’héritage politique. Et la stabilité économique qu’il voulait n’était pas possible sans cohésion sociale », explique le chercheur de l’International Crisis Group.
Quant à Raïla Odinga, il se réinstalle comme leader incontesté de l’opposition, alors que sa coalition était en train de s’écrouler. Il faudra maintenant voir quelle responsabilité politique il va endosser. « Laisser un homme qui a tellement de partisans sans aucun poste, cela déstabilise le pays. Il pourrait obtenir un statut officiel », analyse Murithi Mutiga.
« Construire les ponts d’une nouvelles nation »
Une bonne source estime que les mots prononcés par les deux leaders sont très forts. Mais qu’il faudra voir si cela sera suivi d’effet. En tout cas cette déclaration commune pourrait signer la fin de la crise. A part quelques jusqu’au-boutistes, les partisans de chaque camp semblent accepter cette réconciliation-surprise.
Pour sortir de la crise, Raila Odinga et Uhuru Kenyatta ont signé un document de 8 pages, dans lequel le Kenya se regarde en face. Intitulé « construire les ponts d’une nouvelle nation », il s’agit d’un condensé des problèmes qui minent le pays. L’accord est écrit avec une franchise étonnante, alors que les deux camps paraissaient irréconciliables. Kenyatta et Odinga y reconnaissent l’échec des réformes des 20 dernières années.
Le document remonte à la construction du Kenya indépendant. Même les pèresfondateurs ne sont pas épargnés. « Il leur a manqué une approche collective ce qui a entraîné exclusion et animosité » est-il écrit. Plus surprenant encore, Kenyatta et Odinga assument leur part de responsabilité et se décrivent eux-mêmes comme « deux leaders symbolisant la répétition des divisions ».
RFI