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Journalistes manipulés, magistrats soumis

POLITIQUE
Mardi 12 Décembre 2017


Par Momar Seyni Ndiaye, Seneplus

Ils sont de plus en plus nombreux les Sénégalais à se plaindre de ce qu’ils considèrent, à tort ou à raison, comme un déficit d’indépendance de la presse et de la magistrature. Les péripéties de l’affaire Khalifa Sall leur fournissent une nouvelle occasion de réitérer cette complainte. Nos compatriotes sont-ils fondés à suspecter des journalistes d’une certaine partie de la presse d’absence d’équidistance entre la partie civile et la défense ? Les journalistes sont-ils instrumentalisés à dessein comme un objet de manipulation par la main invisible du pouvoir, de la justice ou par le clan de Khalifa Sall, selon les circonstances ?

 Les informations relayées avec une précision de métronome présentées comme le fruit d’une compétence distinctive dans le journalisme d’investigation, ne violent-elles pas le secret de l’instruction ? Ces "scoops" téléphonés ne servent-ils pas de sonde ou de "bande annonce", avant l’officialisation de certaines "ordonnances" ? Ou à contrario des hommes de médias ne participent-ils pas à véhiculer l’idée d’un acharnement politico-judiciaire, avec le seul but de soustraire le prévenu d’un procès, en apparence inéluctable ? Et ce, en dépit des lourdes charges retenues contre le député et maire de Dakar.

Même questionnement en cascade sur la justice ! Est-elle vraiment équitable, indépendante et libre ? La séparation des pouvoirs, principe fondateur de l’état de droit s’avère-t-elle effective dans notre écosystème démocratique ? L’état de droit, fait-il l’état des droits notamment ceux de la défense, soumise à rude épreuve par une succession de dysfonctionnements et autres maladresses de la chancellerie ? Les bavures ministérielles, la récurrence des rejets des recours des conseils de Khalifa Sall, l’impunité  épargnant des délinquants en col blanc et autres fauteurs proches du pouvoir  donnent l’amer goût d’une justice sélective.

C’est du moins le ressenti de nombreux Sénégalais,  effarouchés par ces innommables « audiences fictives» tarifées, des menées judiciaires à géométrie et vitesse variables.  Comment comprendre le silence assourdissant de de l’OFNAC sur les dossiers antérieurs instruits et posés sur la table du procureur ? Comment expliquer que le procureur, maître des poursuites doté du pouvoir d’auto-saisine, préfère mettre autant d’énergie sur certaines affaires politiquement sensibles, et très peu de diligence sur celles de l’OFNAC. Quid du désespérément mutique Procureur spécial de la CREI, pourtant nanti de moult dossiers aussi champêtres les uns que les autres ?

Il faut bien le reconnaître le rythme effréné avec lequel les procès se suivent dans notre pays depuis ces cinq dernières, suscite beaucoup d’interrogations voire d’inquiétudes.  Cette récurrence n’est pas forcément  le résultat d’une judiciarisation excessive. Il pourrait bien traduire l’incontournable souci de recevabilité, de mutabilité sans lesquelles la gouvernance éthique perdrait son sens et sa valeur. Pourvu que l’égalité des citoyens devant la loi en soit le cortex et la toile de fond. Le Président Kéba Mbaye n’avait-il pas raison de dire que le «droit ne saurait être une simple sécrétion du corps social, ni une sorte de squelette adapté au corps humain. Il doit jouer pleinement son rôle dynamo-génétique et mener une action transformatrice.»

Notre justice souffre encore d’une rigidité institutionnelle persistante. Ce retard dans la transformation structurelle, en dépit des multiples réformes annoncées, limite considérablement sa capacité de régulation sociale. En face d’une Assemblée nationale enkystée dans sa culture de soumission à l’exécutif, ces deux institutions tardent à produire les contre-pouvoirs nécessaires à notre démocratie sociale dominée par une culture présidentialiste omniprésente, omnisciente et omnipotente.   
Pour compléter le tableau, une presse plus professionnelle parce qu’indépendante contribuerait à hisser notre démocratie dans les meilleurs standards. Les Sénégalais n’en attendent pas moins du Président Macky Sall garant de cette démocratie et clé de voûte des institutions.

La déclaration de politique générale du Premier ministre a révélé la face d’un gouvernement ambitieux, créatif et visionnaire. Quelle valeur aurait le PSE, si seulement ses deux axes (transformations structurelles et management social) prospèrent, alors que le troisième (bonne gouvernance) trinque. Le bilan du Président Sall ne peut être que matériel. Le volet immatériel axé sur la perception globale des actes comptera aussi. L’inclusion sociale sera au prix de la convergence des trois axes du PSE, référentiel exhaustif de nos politiques publiques.

 

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