La gestion des processus démocratique en Afrique ne laisse pas de marbre Jean Paul Dias. L’envoyé spécial du Président du Sénégal a estimé mercredi a Praia que «les dirigeants africains ne devraient jamais penser qu’à la démocratie, leurs pays ont tout» et qu’ils devraient gérer ces pays comme leurs maisons, en bons pères de famille, dans le respect total des populations et de leurs intérêts. Jean-Paul Dias participait à un panel à Praia, au Cap Vert, à l’invitation du Président cap verdien, Jorge Carlos Fonseca, lors de la célébration de la dixième édition de la Semaine de la République, qui est une commémoration de la Journée de liberté et de la démocratie et celle de la Journée des héros nationaux. Il en a profité pour féliciter l’archipel pour «sa bonne démocratie, sa Constitution et sa justice».
Ce qui, selon lui, n’est pas le cas dans d’autres pays africains, où des dirigeants font ce qu’ils veulent, en modifiant la Constitution pour rester au pouvoir ou n laissant le pouvoir aux mains de leur famille. Ces déclarations ont été faites lors du panel sur «Le processus de construction de la démocratie en Afrique», un des thèmes centraux de la dernière édition de la Semaine de la République organisée depuis 2012 par le Président cap-verdien, qui termine son mandat en octobre 2021. Du fait sans doute de ses origines cap-verdiennes, Jean Paul Dias a tenu son discours sur «L’exercice du pouvoir et de la Constitution en Afrique» en créole. Le paneliste sénégalais a commencé par rappeler l’importance de la Constitution française de 1958 dont les colonies françaises, dont le Sénégal, se sont inspirées pour créer leurs Constitutions.
Le temps des manipulations constitutionnelles
L’homme politique sénégalais a cerné «deux temps» dans l’histoire de la démocratie en Afrique. D’abord, une succession de coups d’Etat perpétrés par les forces armées qui, selon lui, ont retardé le bon exercice du pouvoir. Deuxièmement, l’époque où les élections ont été manipulées par ceux qui détenaient également le pouvoir économique, afin de s’éterniser au pouvoir.
Depuis l’an 2000, a souligné l’invité spécial de Fonseca, il faut parler de démocratie, d’élections libres – qui ont été des exigences du Peuple et de la communauté internationale. Cependant, a-t-il ajouté, un autre phénomène a vu le jour : «Certains dirigeants qui pensent encore qu’ils doivent rester au pouvoir pour toujours», «laisser le pouvoir aux membres de la famille» ou «déformer les lois de la Constitution, notamment en ce qui concerne les aspects relatifs au nombre de mandats». A cet égard, Jean Paul Dias jette un regard favorable sur le Cap-Vert : «Quand vous voulez changer la Constitution, vous cherchez un consensus entre le pouvoir et l’opposition», contrairement à certains pays où, sans citer de noms, «les dirigeants au pouvoir font ce qu’ils veulent». Dans ce contexte, Dias donne tort à la justice de ces pays, en affirmant par exemple que quand les élections «ne marchent pas bien et que les gens vont à la justice, cette dernière tranche en faveur de l’Exécutif (gouvernement au pouvoir)». Ce qui lui permet d’affirmer que «dans l’histoire de la démocratie en Afrique, on ne peut pas oublier la justice». «La Constitution est la mère de toutes les lois. Ce n’est pas une Bible.
Elle peut être modifiée, mais elle doit l’être dans le profond respect des Peuples et des intérêts du pays. On ne peut pas la changer juste pour qu’une personne reste au pouvoir ou pour que quelqu’un donne du pouvoir à sa famille», a indiqué Jean Paul Dias pour qui «les dirigeants des pays démocratiques, en particulier le Cap Vert, ne devraient jamais penser qu’ils ont tout parce qu’ils ont la démocratie». «Même dans un pays comme le Cap-Vert, une Nation de bonne démocratie, il faut arroser la démocratie», a-t-il déclaré, remerciant les dirigeants du Cap-Vert, dans son discours de 16 minutes, pour tout ce qu’ils ont fait pour la démocratie au fil des ans. «Le Peuple sénégalais est fier du Cap-Vert», a encore souligné Jean Paul Dias qui déclare que son Peuple se considère comme faisant partie d’une Nation démocratique.
Un tonnerre d’applaudissements a clôturé les propos de l’envoyé spécial du Président sénégalais Macky Sall dans la salle de conférence du palais de la République où s’est déroulée la dixième édition de la Semaine de la République. Interpellé par des personnes dans l’assistance du panel sur la question de savoir si le Cap-Vert devrait quitter ou pas la Cedeao, le responsable sénégalais a souligné qu’il s’agit d’une «décision nationale» et que, si le Cap-Vert veut partir, c’est de son plein droit et, s’il décide de rester, «c’est en raison des conditions imposées par le Cap-Vert à la communauté». Jean Paul Dias en avait déjà parlé lors d’une visite au Cap Vert en 201 quand il avait participé à une conférence sur l’intégration du Cap Vert dans la Cedeao. A l’époque, dans une interview au journal Expresso das Ilhas, M. Dias avait déclaré qu’il était fâché à cause de la manière dont la Cedeao traitait le Cap-Vert, – terre de ses ancêtres – lorsque le pays avait été exclu de la présidence de la Communauté des pays d’Afrique de l’Ouest.
Semaine de la République
L’édition de la Semaine dont le programme s’est achevé avant-hier mercredi 20, à Praia, est une initiative du président de la République, Jorge Carlos Fonseca, qui profite des deux dates historiques du Cap-Vert – le 13 janvier (Journée de la liberté et de la démocratie) et le 20 janvier (Journée des héros nationaux) – pour débattre des thèmes centraux sur le Cap-Vert, l’Afrique et le monde. Cette année, le débat s’est concentré sur deux thèmes principaux : «Les défis mondiaux de la pandémie de Covid-19» et «Le processus de construction de la démocratie en Afrique». Ce dernier était animé par le Professeur d’Université Carlos Carvalho, qui a mentionné que la démocratie sur le continent africain a progressé et reculé, notamment dans le contexte de la pandémie de Covid-19, ce qui a un effet négatif sur l’efficacité des démocraties, puisque certains dirigeants peuvent profiter de la situation pour restreindre certaines libertés fondamentales des citoyens.
Outre Jean Paul Dias, en tant qu’envoyé spécial du Président sénégalais Macky Sall, des panélistes cap-verdiens tels que Rosário da Luz (diplômé en communication) et Silvino Evora (Professeur et chercheur) ont parlé de «La démocratie cap-verdienne : menaces et défis» et «Les médias et les réseaux sociaux dans la consolidation de la démocratie». Etaient également présents à l’évènement, des membres de la société civile cap-verdienne, des dirigeants des différents partis politiques et des représentants de l’Union européenne. La Semaine de la République a également été marquée par diverses activités culturelles.