L'activiste sénégalais a été libéré le 16 août après un mois de détention préventive pour « fausse alerte au terrorisme ». En liberté provisoire, ce militant anti-impérialiste, qui réclame la transparence dans la gestion des ressources pétrolières et gazières au Sénégal, n'en a pas encore terminé avec la justice pour autant.
Comme il l’explique, il a « remporté une bataille mais pas la guerre ». Guy Marius Sagna a été libéré le 16 août après un mois de détention préventive à la prison de Rebeuss, à Dakar. Il avait été arrêté le 16 juillet pour un communiqué publié sur Facebook intitulé « La France prépare un attentat terroriste au Sénégal » dans lequel il accusait l’ex-colonisateur de « préparer psychologiquement les populations à vivre avec l’idée de la menace terroriste ».
Accueilli avec soulagement par ses proches, la remise en liberté provisoire de ce membre du Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine – France dégage (Frapp-France dégage) n’est pas synonyme d’acquittement pour autant : l’instruction est en cours et l’activiste de 40 ans est donc toujours sous le coup d’une condamnation pour « fausse alerte au terrorisme » qui pourrait aller jusqu’à cinq ans de prison. Ses avocats, qui travaillent à l’abandon définitif des charges, pourraient notamment saisir la cour de justice de la Cedeao pour détention arbitraire.
Opposant à Macky Sall
Selon ses partisans, le communiqué incriminé n’aurait été qu’un prétexte pour placer Sagna en prison. À les écouter, la raison réelle de son emprisonnement serait davantage à chercher du côté de son militantisme actif contre le pouvoir de Macky Sall. Durant sa détention, plusieurs personnalités, dont l’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop ou l’acteur américain Danny Glover, avaient signé une pétition de soutien où ils réclamaient « la cessation de la violation des droits des citoyens au Sénégal, le respect de la liberté d’opinion et la libération immédiate de Guy Marius Sagna ».
Ces dernières semaines, après l’éclatement du scandale Pétrotim – Aliou Sall sur la gestion des ressources pétrolières et gazières par le régime, ce travailleur social s’était imposé comme une des figures de la plateforme citoyenne Aar li nu bokk, à l’origine de manifestations réclamant justice et transparence dans ce dossier. « Nous souhaitons que la lumière soit fait sur la vaste entreprise de spoliation de nos ressources naturelles. Il faut que les responsables – Macky Sall, Aliou Sall, Franck Timis… – soient identifiés et sanctionnés », clame-t-il.
De tous les combats
Se définissant comme un militant de « la gauche anti-impérialiste et panafricaine », « GMS » n’en est pas à son premier séjour en cellule. Originaire de Ziguinchor, élevé dans les quartiers populaires de Dakar, il a déjà connu de nombreuses garde-à-vue après des manifestations ou des sit-in. En 2011 et 2012, il milite au sein du Mouvement du 23-juin (M23), qui alimente la fronde contre le troisième mandat d’Abdoulaye Wade.
En 2013, il participe au barrage de la route nationale à Tambacounda pour protester contre l’absence de formation des enseignants en préscolaire public. Arrêté par la gendarmerie, il passe cinq jours en maison d’arrêt avant d’être relâché.
De tous les combats, il assure se battre pour de nombreuses causes : la souveraineté économique du Sénégal et de l’Afrique face aux puissances étrangères, l’abolition du franc CFA, la fin des opérations militaires occidentales sur le continent, l’égalité homme-femme…
Avec Y’en a marre mais aussi avec Kemi Séba
Au gré de ses luttes, Guy Marius Sagna a noué différentes relations avec d’autres militants sénégalais et africains. Avec Thiat, Kilifeu ou encore Fadel Barro du mouvement citoyen Y’en a marre, mais aussi avec le controversé Kemi Séba, avec lequel il a coorganisé plusieurs manifestations contre le franc CFA et dont il a dénoncé l’expulsion du Sénégal en 2017.
Revendiquant un attrait pour « la gestion des affaires de la cité », il a aussi un pied dans la sphère politique. Ancien militant du Rassemblement des travailleurs africains – Sénégal (RTA-S), il a dirigé la campagne de la coalition Ndawi Askan Wi d’Ousmane Sonko, avec lequel il partage les mêmes idéaux souverainistes, aux législatives de 2017. Et durant son incarcération à la prison de Rebeuss, il a pu croiser Khalifa Sall, l’ancien maire socialiste de Dakar, auquel il a exprimé « tout son soutien ».